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Train de nuit, des étoiles dans les yeux

lancement du train de nuit Paris Aurillac, déc 2023, Karima Delli (présidente commission UE transports) et Clément Beaune (ministre délégué aux transports)

Crédit photo lancement du train de nuit Paris Aurillac, déc 2023, Karima Delli (présidente commission UE transports) et Clément Beaune (ministre délégué aux transports)

Rappelons-nous la définition du chemin de fer par Alphonse Allais : « Le moyen le plus commode pour aller d’un lieu où l’on ne se sent pas bien à un lieu où l’on ne se sent guère mieux. ». Symptôme de notre temps, la mobilité est à la fois une nécessité et une petite folie. Une nécessité parce que nos sociétés thermo-industrielles impliquent de gros flux de marchandises; il faut maintenant décarboner nos mobilités pour pouvoir espérer continuer à consommer sans nous consumer. Une nécessité aussi parce qu’on a consommé beaucoup d’espace, et pas uniquement des produits. Ainsi, la voiture s’est imposée dans les déplacements du quotidiens, et là où les transports en communs sont absents, ce n’est pas le covoiturage qui, pour l’instant, a pu inverser la tendance, ni même afficher quelques chiffres un peu convaincants.

Mais quid des voyages au long cours? Ceux qu’on fait en avion, ou…en train. On aurait tort, n’en déplaise à Alphonse Allais, d’incriminer les locomotives. Nous avons la bougeotte dans l’âme — un peu comme on a le diable au corps. Si on en a croit Aristote, elle est dans la nature même du « bipède sans plumes ». Le philosophe voyait dans la mobilité la différence spécifique de l’animal, qui le distingue du végétal.

On ne saurait oublier le train de nuit. Le mois dernier, un de son espèce est arrivé matinalement, Gare de l'Est; on lui fît une fête. Après neuf ans d'interruption, les compagnies autrichienne ÖBB, allemande DB et française SNCF venaient de remettre en service le train de nuit Paris-Berlin en service.

Un regain de tendance - au service de la lenteur -, un retour en grâce - pour une offre attractive? Alors que de nombreuses lignes de trains de nuit ont été supprimées depuis 10 ans, pour diverses raisons, et d'abord économiques, des initiatives existent dans toute l'Europe qui semblent marquer une véritable tendance : l'Italie, où Trenitalia affiche de grosses ambitions pour des lignes intérieures ; la France, bien sûr, où Clément Beaune n’a pas manqué de se mobiliser au service d’une figure imposée des transports par le train de de nuit : Paris-Nice, Paris-Tarbes et, en décembre, Paris-Aurillac ; d’autres pays encore : la Suède, avec des liaisons Stockholm-Berlin et entre Malmö et les montagnes autrichiennes ou la République tchèque avec des trains au départ de Prague…

Il s’agit indéniablement d’une expérience du voyage à part entière, pas forcément en adéquation avec les mots d’ordre de notre époque : refus croissant des déplacements en avion, disons plutôt le choix du slow travel, à moins qu’il s’agisse d’un arbitrage budgétaire prosaïque- voyager la nuit permet d'économiser une nuit d'hôtel, et d’arriver frais. Cependant, la relance du train de nuit appuyé par les pouvoirs publics, promu aussi au niveau européen, pour séduisante et très médiatisée qu'elle soit, n’est pas complètement sur les rails. Pour qu’il sorte du marché de niche dans lequel il se retrouve aujourd'hui, et qu’il puisse espérer rivaliser avec l’avion (interdit en dessous de 2h30 de trajet), en particulier les vols low cost, il faudra certainement du volontarisme.

Après avoir connu un fort développement et son apogée des années 1930 aux années 1970 en Europe, le service des trains de nuit a décliné, concurrencé par le TGV, l'avion et la route. En 2017, il ne restait plus que deux liaisons exploitées en France : Paris – Briançon et Paris-Rodez (Albi) / Toulouse-Latour-de-Carol / Cerbère. C’est à partir de 2018 que des réflexions ont été à nouveau engagées pour relancer des trains de nuit. Pour réouvrir deux nouvelles lignes en 2021, il a fallu les 100 millions d’euros du plan de relance (la Paris-Nice et la Paris-Tarbes) *

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*50 millions d’euros seront consacrés à la remise en circulation d’une cinquantaine de voitures de nuit actuellement radiées. Cette opération nécessite la mise en place d’une chaîne industrielle;

50 millions d’euros seront affectés à l’adaptation des installations de service (maintenance, gares, etc.).

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Les conditions d’une offre crédible

Faire du neuf avec du vieux, ça ne marche pas. Or, trop souvent, à part ÖBB qui exploite du matériel moderne, on rénove des voitures de 40 ans et plus pour assurer le service; on ne se soucie nullement d’un niveau d’exigences au goût du jour en termes de promiscuité, d'insonorisation voire d'accessibilité. Mais pour investir, il faut que le modèle économique soit au rendez-vous. Ce que beaucoup de compagnies ne parvient pas encore à trouver (moins de voyageurs transportés que les trains circulant le jour, droits de péages, encore eux, comparativement élevés).

Faudra-t-il le révolutionner? Croire que l’Etat pourra investir, directement ou via l’opérateur historique pourrait s’avérer une illusion; c’est sur des tiers investisseurs privés que se tourne toute l’attention.

Paradoxe, on parle beaucoup d’Europe, de libre circulation, mais l’Europe du rail n'existe pas encore. Il existe bien des locomotives « multisystèmes » qui peuvent franchir les frontières sans craindre les dysfonctionnements techniques des différents réseaux ferroviaires - après tout les constructeurs sont européens voire mondiaux, on pense en particulier Alstom et Akiem, société européenne de location de matériel roulant -, la difficulté survient pour les voitures couchettes. Faute à l’homologation…encore les normes, mais cette fois, elles ne sont pas alignées, pas vers la simplification.

Alors si, dans une perspective aristotélicienne, le vivant est par définition « auto-mobile » (le bipède se meut de lui-même, et l’âme est son principe intérieur de mouvement), il y a loin encore pour l’accompagner dans son état de nature, s'il prend le temps d'un voyager de nuit - bien qu’immobile, au repos, comme on le faisait autrefois.

Auteur

  • La Rédaction
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