Refus français. L'application franco-française StopCovid, qui doit permettre de tracer les contacts avec des personnes diagnostiquées positives au coronavirus, sera prête le 2 juin pour accompagner le déconfinement, a indiqué mardi le secrétaire d’État au Numérique Cédric O. La France a refusé de s’associer au projet conjoint développé par Apple et Google à travers leur solution baptisée Contact Tracing API, qui permet à tous les gouvernements et agences de santé de créer des applications de traçage interopérables, décentralisées et présentées comme protectrices des utilisateurs (il est par exemple impossible de corréler les contacts avec des données de géolocation GPS). L’application devrait être prête mi-mai. «Nous avons refusé» ces solutions d'Apple et de Google «qui posent selon nous un certain nombre de problèmes en termes de protection de la vie privée et d'interconnexion avec le système de santé», justifié Cédric O. La France a fait le choix du protocole open source appelé Robert (pour ROBust and privacy-presERving proximity Tracing), développé conjointement par l’Inria et le Fraunhofer allemand. Des experts de l’Inria ont depuis exposé plusieurs biais permettant de contourner les mesures d’anonymat proposées par ce système. Ce protocole s’articule également autour d’un serveur centralisé, destiné à stocker les identifiants des utilisateurs, ce qui pose d’autres problèmes en matière de fiabilité et de contrôle des données. L’Allemagne, un temps intéressée par cette solution, s’en est détournée pour s'intéresser au projet européen DP-3T (Decentralized Privacy-Preserving Proximity Tracing), privilégié également par la Suisse ou l’Autriche. Apple et Google ont également déclaré s’appuyer sur le protocole DP-3T.
Refus des Gafa. La portée de la solution française, reposant sur le Bluetooth, risque toutefois d’être fortement diminuée. Les systèmes d’exploitation des Smartphone Apple et Google, du moins les plus récents, empêchent en effet que des applications installées en arrière-plan (type Stopcovid) recourent au Bluetooth, ceci afin de protéger les utilisateurs contre une captation indue de leurs données. Jusqu’à présent, Apple et Google n’ont pas voulu faire d’exception pour d’autres applications (à part leur propre solution conjointe). Les deux Gafa ont toutefois indiqué qu’ils étaient prêts à travailler avec les pays qui développeraient leur propre solution. Espérons-le pour StopCovid qui, sans cet appui, devra tourner en permanence sur le Smartphone des utilisateurs, au risque de bloquer d’autres fonctions et de vider rapidement la batterie des téléphones. Ces difficultés, rencontrées sur l’application singapourienne TraceTogether, expliquent son faible taux d’adhésion. Singapour s’est depuis rapproché d’Apple et Google pour améliorer sa solution. «La lutte contre le coronavirus, c'est l'affaire des États (...) pas forcément celle des grandes entreprises américaines», a indiqué le secrétaire d’État au Numérique. Au risque de s’enfermer dans une stratégie centralisatrice qui a déjà montré ses limites pour l’approvisionnement en masques et en tests.
G. H.