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La SNCF se branche sur l’Internet industriel

Gares, trains, voies, centres techniques ou bureaux, aucun service de la SNCF n’échappera aux chantiers de l’Internet industriel annoncé par Guillaume Pépy. Avec plus de capteurs, plus de cloud et plus de big data, le transporteur veut gagner en qualité, en sécurité et en rentabilité. Retour sur la méthode.

La SNCF ne veut pas rater le train de la révolution industrielle de ce début de xxie siècle, celle de l’Internet des objets et du big data. Oubliez les montres connectées et les réfrigérateurs intelligents, objets les plus courants aujourd’hui pour évoquer cette nouvelle technologie qui permet de transformer n’importe quel matériel en objet communiquant pour échanger des données. Les besoins de la SNCF pour l’Internet des objets (IdO, ou IoT en anglais pour Internet of Things) se placent à un niveau industriel plus exigeant qui, à l’arrivée, doit répondre à l’accomplissement des missions classiques de la SNCF. « L’internet industriel est ce qui va améliorer la qualité de service client, en réduisant les pannes, les retards et les incidents de toute nature. C’est aussi ce qui va améliorer la compétitivité du train par rapport aux autres modes, parce que les coûts de maintenance, du matériel et des voies vont être réduits de façon très importante, certains parlent de 20 à 30 % », a expliqué en introduction Guillaume Pépy, président du directoire de la SNCF et Pdg de SNCF Mobilités. « Ce qui est intéressant est le fait de croiser deux mondes: celui, historique, des process industriels qui a déjà ses propres règles, et le marier avec le monde digital. »

Les piliers de la 4e révolution industrielle

Concrètement, ce nouveau monde se compose de quatre dimensions, détaille Yves Tyrode, directeur digital de la SNCF: « les capteurs, les réseaux télécoms, le Cloud et l’injection de ces données dans les processus métiers ». Opportunité à saisir pour les industries, le niveau de maturité technologique atteint par ces quatre pièces du puzzle ouvrirait des perspectives réelles de gains sur le terrain. « De nombreux éléments technologiques n’existaient pas il y a un an. Aujourd’hui, ces quatre éléments sont prêts au même moment, ce qui va nous permettre d’entrer dans cette révolution, qui est déjà bien initiée à la SNCF, mais surtout de l’accélérer et de la massifier. »

Au premier niveau, les capteurs constituent la couche de base et peuvent aujourd’hui être massivement déployés, grâce à « une plus grande miniaturisation, un coût et une consommation d’énergie en constante diminution ». De même, les réseaux télécoms ont vu leur coût diminuer et leur couverture géographique des territoires devenir optimale. Un point important qui permet de faciliter les remontées de données et d’informations fournies par les objets vers le troisième élément, le Cloud, ces serveurs informatiques distants, « dans les nuages », dont les capacités de calcul et de stockage sont mises à profit pour en améliorer l’interprétation visuelle, l’analyse et la manipulation façon big data. « Enfin, dernier point, poursuit Yves Tyrode, après avoir été traitées, ces données seront réinjectées dans les processus métiers de maintenance et de supervision, pour améliorer l’efficacité et la qualité de service. Toutes les activités sont concernées: le matériel roulant, c’est-à-dire le train, l’ensemble du réseau ferroviaire, et en particulier les gares. »

Des trains connectés pour le télédiagnostic

C’est du côté du matériel roulant et des rames que le travail semble le plus important et le plus nouveau, même si les prémices de l’ère des objets connectés se font déjà ressentir sur la maintenance dans les centres techniques de la SNCF. Pour Xavier Ouin, directeur général matériel de la compagnie ferroviaire, les changements de méthode sont à l’ordre du jour. « Nous sommes en train de revoir en profondeur la manière de faire la maintenance des trains, le digital nous aide déjà à accélérer tout ce qui est maintenance prédictive et préventive, il modifie déjà le mode de fonctionnement à l’intérieur de nos technicentres de maintenance. »

Illustration avec l’outil DSMat (projet de documentation structurée de maintenance du matériel): pour les agents, c’est le portail d’entrée numérique via 9 000 documents de référentiels volumineux, fiches de conformité et de traçabilité par exemple. Plus accessible, plus lisible, et avec une réactualisation garantie, toute cette masse d’information est portée sur des tablettes. À bord, la maintenance reste connectée, avec « 2 300 trains équipés en télédiagnostic. Notre ambition est de monter à 60 % du parc équipé d’ici à deux ans et 75 % d’ici 2020 », annonce Xavier Ouin. Et ces trains connectés sont plutôt bavards: équipées de 2 000 capteurs, les 184 nouvelles rames Francilien en service en Île-de-France n’émettent pas moins de 70 000 données par mois et par rames…

Des gains de régularité et de sécurité

Moins impressionnant et moins parlant pour le grand public que les trains connectés, le plan Internet industriel de la SNCF vise aussi de nombreux bénéfices pour la gestion du réseau. « C’est le premier levier de la relance technologique de la SNCF et du réseau, pour moderniser ce dernier », analyse Claude Solard, directeur général délégué SNCF Réseau, lors de la présentation à la presse du plan de développement. Les enjeux de sécurité, de régularité et de surveillance de l’état opérationnel des infrastructures sont en tête de la liste des priorités et des projets développés.

Exemple avec une guérite connectée: cet abri classique des équipements importants pour la sécurité se voit doté de capteurs d’isolement électrique pour prévenir la rupture d’alimentation. Ou bien encore, la surveillance des pantographes – ces précieux bras mécaniques qui captent le courant sur les trains – grâce à un dispositif de neuf caméras connectées, installées sur des ponts ou des portiques, qui filment le passage du train. « Si elles sont endommagées, nous pouvons le savoir rapidement et éviter des incidents graves pour la régularité sur le réseau ». Enfin, outre les aspects opérationnels de sécurité, le réseau n’échappe pas non plus à une recherche de gain économique sur son budget de 300 M€ annuels pour la gestion de ses 50 000 km de voies, 40 000 centres techniques et 2 200 postes d’aiguillage.

Le big data pour les gares… et les arbres

Concept clé qui est la suite logique de l’envoi de données et leur stockage, le big data transforme la donnée brute en donnée utile pour les équipes de décision de toutes les branches métiers. La branche Gares & Connexion, en charge de la gestion des 3 000 gares françaises, a ouvert le chantier du big data pour ses missions de maintenance et d’exploitation des équipements et des bâtiments, mais aussi des services commerciaux et d’information pour les 10 millions de visiteurs qui circulent dans ses gares, et dont 20 % ne sont pas des voyageurs. « Notre stratégie data comporte plusieurs volets: développer une information voyageur pertinente, apportée au bon moment et au bon endroit à nos clients; construire des applications métiers qui seront utilisées par nos agents; proposer de nouveaux services à nos clients sur tout type de support », citait en exemple Arnaud Krenounian, directeur des systèmes d’information (DSI) de SNCF Gares & Connexion, lors du salon Big Data à Paris les 7 et 8 mars.

Côté exploitation industrielle, et plus commercial ou orienté vers les voyageurs, le big data révèle aussi son potentiel. « Depuis que l’on a mis en œuvre ce projet qui repose sur le big data, le travail a consisté à rassembler les données fournies par les capteurs en temps réel, à les mettre en forme dans des bases de données et à construire des modèles qui permettent de détecter, sur une durée, une dégradation de matériel », explique Vincent Mazarguil, directeur gestion d’actifs de SNCF Réseau.

Ce travail de contextualisation des données s’applique aussi bien à la maintenance prédictive des matériels qu’à la gestion anticipée des incidents liés aux chutes d’arbres sur les voies, comme l’illustre l’exemple donné par Christophe Berthaud, chef de projet en systèmes d’informations géographiques (SIG). « La végétation représente le 2e poste de maintenance de SNCF Réseau avec ses 95 000 ha de superficie totale. Grâce à un modèle que nous avons conçu à partir de croisement de données issues de nos éléments de patrimoine, de drones, de satellites, mais aussi de données météorologiques, nous pouvons éditer une carte de priorisation des interventions et identifier que 10 % du réseau concentre 60 % des interventions liées aux chutes de branches et d’arbres. » Du big data aux capteurs, l’Internet industriel ne laisse effectivement rien échapper, pas même les branches d’arbre…

Un budget de 500 M€ et des partenariats industriels

Le budget consacré par la SNCF dans le domaine de l’Internet industriel est en hausse. Il est passé de 450 à 500 M€ sur trois ans, et rien ne dit que l’enveloppe ne devra pas poursuivre une certaine inflation au vu des objectifs ambitieux fixés par Guillaume Pépy. « Pour le succès, il faut être structuré et être ouvert », lance Yves Tyrode sur le détail de la méthode pour se saisir de cette 4e révolution industrielle.

Une équipe d’une centaine de personnes est ainsi dédiée à l’Internet industriel, regroupée au sein de la Fab IoT (Internet of Things, ou Internet des objets, IdO). Le groupe travaille avec d’autres industriels: le spécialiste toulousain de l’IdO, Sigfox, motivé par « l’environnement contraint de l’industrie », l’équipementier télécoms Ericsson, le spécialiste de la maintenance connectée Intesens, qui estime que « le travail autour de la particularité ferroviaire et son environnement sévère permet de doper la French Tech », et enfin IBM avec son interface de développement Bluemix.

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Auteur

  • Bruno Gomes
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