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Perspectives

2. Quel marché pour les hybrides?

L’autobus hybride n’est pas une nouveauté, il est testé dès les années 1980 chez plusieurs constructeurs. En 2008, il fait son apparition sous sa forme actuelle chez Solaris Bus, en 2009 chez Volvo Buses, et en 2010 chez Irisbus/Iveco Bus. Depuis 2014, il connait une croissance significative sur le marché français des véhicules neufs. Heuliez Bus est le chef de file incontesté de cette filière, suivi par Iveco Bus, MAN et Solaris Bus. Implantation durable ou feu de paille commercial?

Depuis le très spectaculaire appel d’offres du Grand Dijon, Heuliez Bus s’affiche comme le chef de file incontesté des autobus hybrides en France. Sa part de marché sur ce type de véhicule atteint 41 %! Le constructeur des Deux-Sèvres ne compte pas moins de 450 unités en exploitation: RAPT (Paris), Dijon, Toulouse, Toulon, Bordeaux et La Réunion entre autres. Le 500e autobus hybride produit par Heuliez est d’ailleurs un articulé GX 437 Hybride à destination du réseau Tisséo de Toulouse. La marque commence également les expostations des GX 337 et des GX 437 Hybride (24 à Madrid et 6 à Barcelone).

Des concurrents sérieux

Iveco Bus, maison mère d’Heuliez Bus, est un peu en retrait, mais ce sont tout de même 250 unités en exploitation de Citelis et Urbanway qui roulent quotidiennement sur les réseaux de la RATP, de Grenoble et Annecy, plus une trentaine à l’étranger (Espagne et Italie principalement).

MAN est le 3e acteur de cette filière en France avec Solaris Bus. Il ne faut pas non plus négliger des carrossiers-constructeurs tels que VDL, Van Hool ou Solaris Bus qui ont misé sur l’hybridation.

Au niveau international, Volvo Buses a exclusivement misé sur ses hybrides Volvo 7900 depuis le passage à Euro VI: un pari très risqué, puisque seule cette solution est proposée au catalogue de la marque en Europe! En 2015, l’actualité du constructeur a été la conclusion d’un accord avec Siemens pour la fourniture de systèmes de recharge rapide haute puissance (jusqu’à 300 kV), afin de développer aussi bien la traction purement électrique (il est associé au chinois Sunwind) ou hybride rechargeable. Sur son 7900 rechargeable, Volvo avance ainsi 70 % du trajet en mode électrique (sans détailler la déclivité ni la distance effective) et seulement 6 minutes de recharge (sans détailler les capacités de batteries embarquées). La firme revendique un parc de 5 000 véhicules hybrides (incluant les châssis fournis à tiers aux États-Unis ou au Royaume-Uni, solutions hybrides série et parallèle cumulées).

Une industrie mature

C’est un marché où les équipementiers sont les vrais détenteurs de la technologie sur la partie chaîne de traction électrique: le chef de file parmi ces spécialistes est l’anglais BAE Systems qui fournit Iveco Bus, Heuliez Bus, et plusieurs carrossiers-constructeurs américains ou anglais. Son portefeuille de clients constructeurs va s’étoffer prochainement en Pologne. Mais d’autres équipementiers et fournisseurs sont présents: Maxwell, ZF, Continental, Siemens, ou, plus marginalement, Allison Transmission. Alstom, ayant abandonné les moteurs-roues, s’est totalement détourné du marché des autobus. Quant aux constructeurs ayant choisi l’hybride parallèle, ils ont une part intégrée supérieure, du fait de la présence à bord de boîtes de vitesses issues de leur production (Scania, Volvo).

La filière est donc mature, d’autant que certains constructeurs ont poussé l’intégration très loin dans leur chaîne de production des véhicules hybrides. Chez Heuliez Bus, la part de production des hybrides sur la production totale 2015 a atteint les 40 %, le montage de la chaîne de traction électrique (d’origine BAE Systems) s’effectue dans un atelier dédié de plus de 1 000 m2.

Il convient également de mentionner les aménagements faits par Iveco Bus sur le site d’Annonay, afin de créer une ligne de montage en passerelle, permettant de suivre le flux de production du bus sans ajouter de délai supplémentaire de montage. Cette ligne passerelle sert également à l’assemblage des autobus Urbanway GNV. En 2016, 38 % des bases motrices produites à Annonay seront hybrides, contre 32 % en 2015. Iveco Bus compte ainsi livrer ses véhicules « non-conventionnels » dans des délais similaires à ceux des versions diesel Euro VI.

Du côté des constructeurs et équipementiers, tout est donc prêt. Mais Jean-Marc Boucheret, responsable de l’activité autobus chez Iveco Bus, relativise: les gains en termes d’économies d’échelle sur les composants sont marginaux. Cette technologie étant aujourd’hui l’apanage des seuls autobus urbains, elle ne peut bénéficier des effets de volume de l’industrie du poids lourd. Ceci explique en partie le choix technique fait par Volvo Buses et Scania en faveur de l’hybridation parallèle. Si elle est moins performante en confort de marche, elle permet de limiter les surcoûts. Scania revendique ainsi un surcoût limité à 30 % pour son Citywide LE hybride, face à son équivalent diesel Euro VI.

Un investissement pour quels bénéfices?

L’avantage de l’hybridation, en particulier l’hybridation série dont toute la traction est assurée par moteur électrique, est de pouvoir récupérer un maximum d’énergie à la décélération et au freinage.

Dans l’ouvrage Les véhicules hybrides, paru aux éditions Technip sous la direction de François Badin, une analyse du nouveau cycle européen de conduite (NEDC en anglais pour New European Driving Cycle) fait ressortir un potentiel de 32,4 Wh/km récupérables pour 110,3 Wh/km dépensés. Le bénéfice est optimisé en cycle Artemis urbain (proposé en remplacement du NEDC), puisqu’ici ce sont 102,3 Wh/km de phases de freinage/décélération qui sont mesurés pour 150 Wh/km dépensés en traction. Est également évoqué le poids du fonctionnement au ralenti sur le cycle Artemis urbain: la part du ralenti dans le temps de cycle est de 26,1 %. Nul doute que sur un autobus en cycle SORT 1, du fait de la masse du véhicule et de la vitesse commerciale très faible, le bénéfice serait encore plus grand. Les constructeurs donnent globalement une fourchette de gain sur le poste gazole allant de -25 % à -35 %.

Dans le Panorama et évaluation des différentes filières d’autobus urbains, publié par l’Ademe en août 2015 sous la direction de Denis Benita, l’agence demeure prudente: « Si les gains annoncés en carburant semblent intéressants (20 % en moyenne), leur coût reste le principal obstacle à l’acquisition (compter au moins 50 % de surcoût par rapport à un véhicule classique diesel) ».

Le bilan environnemental apparaît toutefois plutôt flatteur. Que ce soit via les analyses faites par le CRMT (Centre de recherche en machines thermiques) sur le réseau CTS de Strasbourg avec un Solaris Urbino 3 articulé hybride, boîte Allison EP50, ou via l’IFP Énergies nouvelles lors du test en exploitation des hybrides au Sytral, le bilan en émission de polluants réglementés a été très positif. À Strasbourg, le CRMT et l’Ademe ont relevé -30 % sur les émissions de Nox et -15 % sur les émissions de CO2, lesquelles sont fidèles à la baisse nette de consommation (hors chauffage additionnel), puisque la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS) a relevé -15,9 % sur 2 ans d’exploitation sur la ligne 6 avec le Solaris Urbino articulé hybride Allison. Le bilan collectif des hybrides dressé par l’IFP Énergies nouvelles sur 18 mois de test en conditions réelles d’exploitation au Sytral a donné -26 % sur la moyenne des trois types de véhicules testés. Détail intéressant: Solaris Bus ayant donné jusqu’en 2015 le choix aux clients entre hybride série (équipement boîte automatique Allison) et parallèle (équipement boîte robotisé Eaton), l’Ademe a pu relever des gains similaires avec de l’hybridation parallèle sur le réseau de Coulommiers (trois autobus sur la ligne 13). Un de ces bus Solaris hybride a été testé au banc par l’Agence suivant un cycle RATP: le gain en consommation a alors atteint les -24 %. Sur le cycle JE05, le gain a été de -35 %.

Le bénéfice des hybrides (série ou parallèle) doit être apprécié en fonction du tracé, de la vitesse commerciale, de la charge, de l’utilisation ou non du chauffage ou de la climatisation. Illustration de cet état de fait, le bilan environnemental effectué par le CRMT à Poitiers sur un Heuliez GX 427 Euro V EEV: les émissions d’oxyde d’azote relevées ont été plus importantes, et surtout, très sensibles au profil! Le trajet retour sur la ligne 1 a révélé que les plus fortes sollicitations moteur optimisaient le fonctionnement du catalyseur SCR. En hydrocarbures imbrûlés (les HC), l’hybride bat le diesel par KO: -50 %, voire même -70 % lors du même parcours.

Euro VI, alliée de l’hybridation

Comment expliquer ce décalage entre émissions de polluants réglementés et consommations?

Revenons sur le moteur thermique et à l’ouvrage de François Badin: la cartographie type d’un moteur thermique révèle un rendement maximal de 35 % autour du couple maximum, soit ici entre 2 700 et 3 500 tr/mn (un diesel serait autour des 45 à 46 %). Un moteur électrique atteint déjà 75 % de rendement dès 1 tr/mn! Et entre 3 500 et 4 500 tr/mn, son rendement atteint les 96 %! Notez qu’une machine hydraulique ne démérite pas, avec 93 % de rendement entre 50 et 200 tr/mn.

On notera que pour réduire la masse, les coûts et la consommation, tous les constructeurs ont associé à leurs véhicules hybrides un moteur thermique réduit (downsizing). Cela joue aussi en faveur de l’optimisation du rendement thermique global (charge moteur plus élevée). C’est possible grâce à l’apport de l’hybridation qui vient « maximiser les avantages et minimiser les inconvénients de chacun des composants complémentaires, par une approche système visant à améliorer les performances globales du véhicule », analyse François Badin.

L’hybridation permet en particulier de se passer du coûteux régime de ralenti, si fréquent en utilisation urbaine. Elle permet aussi la récupération d’énergie à la décélération et au freinage, ou d’assister le moteur thermique dans les phases dites de régime transitoire où le rendement énergétique est très perfectible. Ultime atout: l’hybridation permet, lors des phases moteur coupé, de conserver à bonne température les catalyseurs et les filtres à particules, optimisant la durée de vie de ces coûteux composants.

Sur son fonctionnement, l’hybride offre donc un bilan environnemental satisfaisant. Il est encore meilleur s’il se passe de batteries de traction. En effet, de nombreuses inconnues demeurent: quid des ressources énergétiques, chimiques et minérales nécessaires à leur production? Quid de leur recyclage? De leur durée de vie? L’hybridation par volant d’inertie, hydraulique ou électrique à supercondensateurs (solution retenue par MAN sur ses Lion’s City hybrides) offre sur ce plan un avantage certain en termes de bilan environnemental global.

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Auteur

  • Jean-Philippe Pastre
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