Des plaines aquitaines aux plateaux et vallées du Limousin, en passant par les collines picto-charentaises, la variété des paysages caractérise la nouvelle région Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes. La LGV Sud Europe Atlantique (SEA) apportera à son réseau ferré tout aussi diversifié un effet structurant, sinon réellement unificateur, pour les liaisons intrarégionales. Restera une barrière ferroviaire entre un Limousin irrigué par la ligne POLT et le bloc Aquitaine–Poitou-Charentes qui bénéficiera de la LGV et de la ligne classique Paris–Hendaye.
C’est une région unifiée encore en attente du choix de son nom, prévu durant les premiers jours de juin. D’un poids non négligeable dans l’ensemble national, elle totalise plus de 84 000 km2, soit 15 % du territoire, et 6,15 millions d’habitants, soit 9,3 % de la population. Son équilibre reste à trouver, notamment au niveau des transports, ce qui ne sera pas une mince affaire en raison des disparités existantes. À tel point, que l’on a pu se demander si l’ajout du Limousin à la réunion de l’Aquitaine et de Poitou-Charentes ne poserait pas un problème pour structurer le nouvel ensemble ferroviaire. En raison de la géographie du fer existante, l’unification des systèmes TER ne sera pas simple. On se trouve dans une situation mettant en parallèle deux lignes également structurantes, mais dont les liaisons entre elles restent insuffisantes, au risque de voir se perpétuer une séparation ferroviaire intrarégionale, alors que les fonctions organiques de la nouvelle région devraient se répartir entre Bordeaux, Poitiers et Limoges, ce qui nécessitera des relations TER performantes reliant les trois anciennes capitales
Les réseaux ferrés de Poitou-Charentes et de l’Aquitaine sont organisés autour d’un même axe historique nord-sud Paris–Tours– Poitiers–Angoulême–Bordeaux–Dax–Bayonne–Hendaye, qui sera, dès l’été 2017, doublé de bout en bout au-delà de Tours
Le système ferroviaire du Limousin est semblable, mais il est situé parallèlement au point de vue géographique! Il est organisé de la même manière, autour d’un axe nord-sud, tout aussi historique et structurant. Avec la ligne Paris–Orléans–Limoges–Toulouse (POLT), qui bénéficie depuis près de cinquante ans
Dans ces conditions, si l’abandon du projet de LGV Poitiers–Limoges se confirme, un seul lien ferroviaire intrarégional entre Bordeaux et Limoges demeure, alors que la ligne TER Poitiers–Montmorillon–Limoges, qui a fait et fera encore l’objet d’investissements des CPER en Poitou-Charentes et en Limousin, ne peut suffire qu’aux relations Poitiers–Limoges. Le lien ferroviaire intrarégional Bordeaux–Limoges ne peut donc que passer par l’amélioration de l’itinéraire – tout aussi classique qu’historique – via Coutras, Périgueux et Nexon, une alternative via Terrasson et Brive étant également possible. C’est un trajet de 228 kilomètres, dont 23 % électrifiés et 65 % à double voie dans le premier cas, et de 302 kilomètres, dont 51 % électrifiés et 79 % à double voie dans le second. Cependant, et dans les deux cas, la création de liaisons ferroviaires performantes oblige à d’importants investissements de modernisation des infrastructures, leur modification s’avérant difficile
La région unifiée a choisi de relancer rapidement les relations Bordeaux–Limoges, explique Renaud Lagrave, vice-président du conseil régional Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes, en charge des transports. Il constate que, dès aujourd’hui, on peut rapidement agir sur l’exploitation elle-même, dans la mesure où « le nœud [dans tous les sens du terme! ndlr] se situe à Périgueux avec, outre le tête-à-queue technique [nécessité par la géographie ferroviaire et la desserte obligée de la préfecture de la Dordogne, ndlr], la coupure d’exploitation SNCF entre Aquitaine et Limousin obligeait à un changement de train. Une situation qui va désormais être résolue avec la fusion, solution à laquelle s’ajoutera l’utilisation de nouveaux matériels, commandés à l’origine par le Limousin [5 rames Régiolis bimode, voir encadré, ndlr] et qui seront utilisés sur cette relation ». Compte tenu de toutes ces nouveautés, « dès 2017, on pourra réduire jusqu’à environ 2 heures 20 la durée du trajet Bordeaux–Limoges, au lieu de trois heures et plus aujourd’hui ».
La géographie ferroviaire de la nouvelle région, et donc l’importance des flux TER, reste marquée par la géographie tout court, l’histoire ferroviaire et l’évolution du réseau, dont la consistance, ici comme ailleurs, s’est considérablement rétractée depuis quelques décennies
Dans cet ensemble, le complexe ferroviaire bordelais, dont le remodelage bat son plein (voir encadré), joue un rôle central. Il concentre les charges TER les plus élevées sur les axes se dirigeant au nord vers Coutras et Libourne (78 TER par jour); à l’est vers Langon (48 TER), puis Agen (23 TER); au sud-ouest vers Facture (75 TER), puis Arcachon (47 TER); et au nord-ouest vers Macau (30 TER), partie périurbaine de la ligne du Médoc dont une section bénéficiera du futur tram-train du Médoc. La charge reste élevée sur Bordeaux–Saint-Mariens–Saint-Yzan (44 TER), section périurbaine bordelaise de la transversale nationale Bordeaux–La Rochelle–Nantes. Cette fonction périurbaine au sens le plus large se manifeste aussi sur la section La Rochelle–Rochefort (31 TER) de la même ligne Bordeaux–Nantes. Elle bénéficie d’une offre tarifaire particulière (TER + cars + transports urbains rochelais), initiée par l’ancienne région Poitou-Charentes.
La charge périurbaine se retrouve en Limousin sur Limoges–Le Dorat (26 TER), et sur la partie Brive–Tulle (28 TER) de la ligne de desserte rurale qui se dirige au-delà, vers Ussel. Le même cas de figure existe en Aquitaine sur les lignes (Bordeaux) Coutras–Périgueux (29 TER), (Bordeaux) Libourne–Bergerac (28 TER) et Pau–Orthez (25 TER) qui drainent de significatifs flux périurbains. Au sud de l’ancienne région Poitou-Charentes, l’étoile de Saintes joue un rôle similaire avec la ligne Saintes–Royan (23 trains) et la section Saintes–Beillant (32 trains), tronc commun des axes allant vers Bordeaux et Angoulême. Au-delà, vers l’est, Cognac–Angoulême atteint les 20 TER quotidiens, barrière symbolique de l’importance de l’offre TER qui n’est franchie en Poitou-Charentes que sur Poitiers–Châtellerault (23 trains).
Tous les autres axes TER de l’ancienne région sont en deçà de cette limite, comme les deux itinéraires Limoges–Brive (16 et 11 TER), Poitiers–Limoges (18 TER), Périgueux–Brive (12 TER), etc. Même l’axe structurant Poitiers–Niort–La Rochelle (18 TER) est sous la barre des 20 TER par jour. C’est une ligne où les TGV (12 trains par jour) dirigent l’ensemble de l’offre ferroviaire avec des conditions d’accès spécifiques pour les abonnés des TER, à l’exemple des solutions retenues dans d’autres régions où des lignes classiques sont irriguées par les TGV, avec des forfaits TER + TGV et une offre hebdomadaire ou mensuelle.
Outre le cas particulier
Alors que la modernisation des capillaires TER relève des opérations ferroviaires des CPER, les lignes principales sont à la charge de SNCF Réseau. Dans l’espace de la région Aquitaine, le groupe gère un important programme de renouvellement et de modernisation qui totalise plus de 400 M€ pour une dizaine d’opérations. Dans cet ensemble, le complexe ferroviaire de Bordeaux (voir encadré) totalise « un menu très copieux », selon l’expression gastronomique d’Alain Autruffe, directeur territorial Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes de SNCF Réseau. Il accapare six des dix grandes opérations prévues en 2016 dans les limites de l’ancienne région, avec 36,5 % des investissements. Hormis les vérifications avant les essais sur la LGV SEA qui préludent à sa mise en service à l’été 2017, et la poursuite des études pour la DUP à venir de la LGV GPSO
En Limousin, les travaux de 2016 ne concernent que de courtes, mais complexes, sections du nœud ferroviaire de Limoges, dans le cadre de la modernisation de la ligne POLT dont les grands chantiers se situent cette année plus au nord. C’est en Poitou-Charentes que SNCF Réseau met le paquet, de janvier 2016 à mai 2017, avec le renouvellement total de la plateforme de la partie Niort–La Rochelle (75 km) de l’axe Poitiers–La Rochelle, travaux assortis de la création de deux nouvelles haltes périurbaines rochelaises. Outre un investissement de 89,50 M€ et la mobilisation de pas moins de 500 personnes, ces opérations nécessitent deux périodes de fermeture de la ligne, durant lesquelles 55 à 80 rotations d’autocars par jour remplaceront les TGV et les TER. À l’issue du chantier, les TGV circuleront à 200 km/h et les TER à 160 km/h, préparant l’arrivée de la LGV SEA. Avec ces aménagements, elle mettra Paris à 2 heures 27 de La Rochelle, au lieu de 2 heures 50 au mieux aujourd’hui.
(1) La création de relations rapides par autocars sur l’axe Bordeaux–Périgueux–Brive–Limoges serait également possible, via l’A89 et l’A20.
(2) Depuis 1990, la LGV Atlantique, qui relie Paris-Montparnasse à Tours, via la bifurcation de Courtalain séparant ses deux branches vers Le Mans et vers Tours, a révolutionné les relations ferroviaires entre Paris et l’ensemble de l’Ouest et du Sud-Ouest de la France.
(3) Elle comporte des voies de garage en ligne, permettant aux trains de fret de s’arrêter pour laisser passer les TGV et certains TER aux heures de pointe.
(4) C’est la véritable ligne pionnière de la grande vitesse d’avant le TGV, avec les trains à 200 km/h, les V200 selon le vocabulaire SNCF. Une offre concrétisée dès 1968 par les TEE (Trans-Europ-Express) Capitole Paris-Austerlitz–Limoges–Toulouse, précédant les TEE Aquitaine et Étendard Paris-Austerlitz–Bordeaux, également tracés V200 au début des années 1970.
(5) L’obligation de desservir Périgueux et/ou Brive, quelle que soit l’option choisie, implique des rebroussements dans ces deux gares, en raison de la configuration géographique des nœuds ferroviaires.
(6) Une électrification sans modification d’infrastructures coûterait 127 M€ et permettrait de relier Paris à Périgueux entre 3 h 05 et 3 h 10. La création d’un raccordement direct à Coutras alourdirait les coûts de 100 M€, en apportant un gain de dix minutes de temps de parcours.
(7) La moitié du kilométrage du réseau maximal des années 1930 a disparu, parallèlement à plus de 1 500 km de lignes à voie métriques départementales, dont les lignes électriques de la Haute-Vienne et le considérable réseau des tramways suburbains bordelais, également électriques, qui se développait sur plus de 100 kilomètres!
(8) Une ligne rurale qui fait l’objet d’une aide dans le cadre du programme européen Citizen, destiné à stimuler les petites lignes et les petites gares.
(9) Grand Projet Sud-Ouest: deux LGV à créer vers Agen, Montauban et Toulouse, et vers Dax via Mont-de-Marsan, en attendant Dax–frontière franco-espagnole, en relation avec le Y basque (Vitoria-Gasteiz–Bilbao–Saint-Sébastien/Frontière française).
En 2016 en Aquitaine, la majorité des investissements de SNCF Réseau concernent le complexe ferroviaire de Bordeaux, puisqu’ils totalisent près de 260 M€, dont 47,6 sont destinés à des opérations mixtes partagées avec la région et d’autres financeurs, notamment dans le cadre des derniers bouclages du CPER 2007-2015.
Le renouvellement de voies en amont de l’agglomération, en liaison avec l’arrivée de la LGV SEA, et un chantier de même nature et dans la même zone lié au fret portuaire, sont comptabilisés dans le programme général SNCF Réseau. Les opérations bordelaises quant à elles relèvent de l’agglomération, sauf pour le cas de la gare Saint-Jean.
L’achèvement de la résorption du fameux bouchon bordelais (les accès de la gare de Bordeaux Saint-Jean via la Garonne) clôture quatorze années d’études et de travaux. Elles ont été marquées par la construction d’un pont à quatre voies pour remplacer la Passerelle construite par le jeune Gustave Eiffel en 1858-1860, et par le remodelage des accès et du faisceau des voies d’entrée de la gare. Au prix de 210 M€, les quatre kilomètres de ligne reliant la gare multimodale de Cenon sur la rive droite de la Garonne et la zone de bifurcation entre la future LGV et les lignes classiques vers Paris et vers Nantes sont désormais équipées de deux voies LGV et de deux TER. Cette mise en service a pu se faire à l’issue d’une opération coup-de-poing qui a nécessité 111 heures d’arrêt des circulations, réparties entre le 3 et le 8 mai 2016!
Les deux autres opérations bordelaises sont liées aux relations ferroviaires périurbaines. La première (2 M€) vise à achever le futur tram-train du Médoc (7,2 km). Avec six nouvelles stations, sur 5 km jusqu’à Blanquefort, il va doubler la ligne TER du même nom reliant Bordeaux au Verdon (pointe de Grave), avec un débranchement de cette ligne pour rejoindre la ligne C du réseau des tramways urbains. La seconde (25,60 M€) nécessite la remise en service de l’ancien raccordement du triangle des Échoppes, à l’ouest de la gare Saint-Jean. Il est destiné à relier la ligne de ceinture de Bordeaux à la gare de Pessac au sud, et à la ligne du Médoc au nord, pour créer une relation TER urbaine passe Bordeaux entre Pessac et Macau. En partie parallèle au tram-train du Médoc, elle sera en service à l’automne, avec 10 TER aller-retour quotidiens desservant 10 stations, les deux points extrêmes étant reliés en 33 minutes contre une heure aujourd’hui.
À ces opérations qui concernent le réseau, s’ajoute la quasi-reconstruction de la gare de Bordeaux Saint-Jean pour un montant de 200 M€. LGV SEA puis GPSO à l’appui, il s’agit d’accueillir annuellement jusqu’à 18 millions de voyageurs au lieu de 11 aujourd’hui. Un investissement auquel participent, outre SNCF Réseau, le conseil régional d’Aquitaine, Bordeaux Métropole et l’établissement public Bordeaux Euratlantique chargé du remodelage urbain du secteur*. Le chantier, lancé en avril 2014, devrait durer 38 mois. Son aspect le plus spectaculaire est l’installation de 3 000 tonnes d’échafaudages qui aujourd’hui corsètent littéralement la grande halle métallique de la gare. Les travaux concernent aussi bien la réfection totale de cette halle, l’une des plus importantes d’Europe avec une longueur de 300 m et une superficie de 1,7 hectare, que celle des marquises extérieures, les aménagements internes de la gare, la création de voies nouvelles à quai et, côté faisceau des voies annexes, la création d’une station TGV pour la maintenance et le garage des rames et la construction d’un nouvel atelier TER.
* Chargé d’ici 2027 du réaménagement urbain du quartier au sud de la gare jusqu’à la Garonne et Bègles. Cela implique la création d’une véritable gare sud par l’extension de la gare actuelle.
3 460 km, auxquels s’ajouteront, mi-2017, plus de 220 km de la LGV SEA. Dans cet ensemble, 412 km de lignes sont dédiés fret et 228 km sont non exploités. Les services des TER circulent sur 2 800 km de lignes ferroviaires, alors que les lignes routières totalisent plus de 100 km, qu’il s’agisse de compléments routiers à l’offre TER ferroviaire ou d’une offre seulement routière.
• 44,7 % du kilométrage (tout type de ligne) est établi à double voie et plus. 47,8 % sont électrifiés, 73 % en 1,5 kV continu et 27 % en 25 kV alternatif. 48,9 % du kilométrage dispose d’une signalisation automatique (BAL ou BAPR), 27 % d’une signalisation mécanique. Le reste du kilométrage est géré par Capi (cantonnement téléphonique assisté par informatique) ou par le CT (cantonnement téléphonique simple).
• Le réseau comporte plus de 2 000 ouvrages d’art dont 200 tunnels.
655 trains quotidiens (jours ouvrables) et 150 circulations autocar TER desservent 230 gares et haltes, plus 150 points d’arrêts autocars, avec des flux quotidiens de presque 50 000 voyageurs les jours ouvrables. C’est une offre annuelle de plus de 2 millions de trains.km et des trafics de 16 millions de voyageurs (dont 12 % par autocars TER) et plus de 500 millions de voyageurs.km.
Aujourd’hui, les effectifs totalisent 208 rames automotrices électriques et automotrices diésels, 6 locomotives et 36 voitures réparties en dix séries:
Ce parc, encore hétérogène, tant au point de vue de l’âge que du confort, va être rapidement renouvelé avec l’arrivée accélérée des nouvelles rames Régiolis Alstom et Regio 2N de Bombardier, commandées par les trois anciennes régions.
Aujourd’hui, 20 des 22 rames Régiolis en version électrique bicourant commandées par l’Aquitaine (135 M€) sont d’ores et déjà livrées, les 10 rames en version bimode commandées par Poitou-Charentes (75 M€) sont en service et les 5 Régiolis commandées par le Limousin (35 M€), également en version bimode pour Bordeaux–Limoges, seront en ligne d’ici 2018. En même temps, 9 des 24 rames à deux niveaux Regio 2N commandées par l’Aquitaine (240 M€) pour les services périurbains de Bordeaux sont en service.
En 2017, le parc régional sera à 100 % neuf ou rénové, en raison de la disparition programmée des matériels les plus anciens: voitures Corail, locomotives BB 7200, rames automotrices Z2 et autorails X 2200 avec leurs remorques XR 6000.
