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Rapport

Transports intelligents cherchent pilote

La Cour des comptes a recommandé à l’État de désigner un chef de file pour coordonner ses actions de développement des transports intelligents: véhicule autonome, information temps réel, calculateur d’itinéraire, open data, etc. Le gouvernement a quant à lui mis l’accent sur les progrès déjà accomplis, et ceux en voie de réalisation.

Les rapports de la Cour des comptes sont toujours très suivis, et leur développement est bien connu: analyse critique, bilan et recommandations d’un côté, réponses et commentaires des institutions visées. Celui que les magistrats de la rue Cambon ont préparé en reprend le schéma, même si son calendrier s’est étalé sur plusieurs mois. Rendu le 19 février, commenté par les services du Premier ministre et le gouvernement le 26 avril, il a finalement été rendu public le 9 mai, enrichi des observations et commentaires de Matignon. De quoi introduire une forme de mini-débat contradictoire entre les deux institutions sur ces sujets technologiques émergents, aux enjeux industriels majeurs mais aux modes de pilotage et de développement complexes. Trois recommandations principales ont été formulées par la Cour des comptes.

1. Désigner un chef de file

« Devenu un acteur parmi d’autres (…) face à 400 AOT sur le territoire, et sans compter les initiatives des acteurs privés », la Cour des comptes souligne l’évolution du périmètre de l’action de l’État, qui de plus est éclatée entre plusieurs ministères. « Des politiques sectorisées souvent contradictoires ou mal coordonnées », résume abruptement le rapport. Il oppose la politique des transports, « préoccupée par les transports collectifs au détriment de la route », et celle de l’industrie, accordant sa priorité aux acteurs de l’automobile et à leurs projets d’outils numériques embarqués, eux-mêmes contestés par les services de sécurité routière du ministère de l’Intérieur par crainte de la distraction des conducteurs au volant.

La solution? « Revoir l’organisation actuelle des services de l’État », afin « d’agir de manière ciblée pour une suppression des obstacles aux transports intelligents », et qui serait plus efficace que celle menée par la mission des transports intelligents créée au sein du ministère chargé des transports « au rôle trop limité ».

Depuis la publication du livre vert « Mobilité 3.0 », le ministère chef de file, désigné par le gouvernement dans ses commentaires au rapport de la Cour des comptes, est à chercher du côté de celui de Segolène Royal, à la tête du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, en charge des relations internationales sur le climat (MEEM). C’est lui, « en liaison avec les départements ministériels les plus concernés, en particulier ceux en charge de l’industrie, de la sécurité et de la recherche, les acteurs industriels, économiques et futurs industriels, qui mettra en œuvre de dispositif » détaille le Premier ministre. La question des transports intelligents remonte donc d’un cran dans l’organigramme ministériel pour disposer d’une stature interministérielle plus imposante.

2. Renforcer la stratégie de l’État

Pour motiver sa recommandation qui vise à « favoriser l’égalité d’accès des citoyens aux transports et consolider la politique d’ouverture des données, celles en temps réel en premier lieu », le rapport dénonce tout à tour « l’abandon du projet de calculateur multimodal dans le cadre de la stratégie Mobilité 2.0 lancée en février 2014 », un déséquilibre villes/territoire périurbains dans l’accès numérique aux transports, et enfin, une politique d’ouverture des données qui manque « de conditions claires et précises », malgré les avancées attendues de la loi Macron et de la loi Lemaire.

Concernant l’échec du projet de calculateur d’itinéraire national, la Cour des comptes pointe « les relations difficiles entre les 400 AOT et la SNCF » qui « développe de son côté sa propre stratégie d’opérateur de mobilité porte-à-porte », ainsi qu’un travail technique rendu difficile par la multiplicité des systèmes préexistants. La SNCF appréciera sans doute la critique…

De son côté, le gouvernement joue l’opportunisme dans ses commentaires. D’une part, il rappelle ne jamais avoir « manifesté l’intention de bâtir » un système billettique national, écartant l’hypothèse d’un abandon ou d’un échec. D’autre part, concernant la création du calculateur d’itinéraire national, nouveau déni: « Le gouvernement souhaite centrer sa politique sur l’ouverture des données plutôt que sur la réalisation d’un calculateur d’itinéraire ». La raison de ce changement de route? « Un nouveau contexte lié à celui de l’ouverture des données: celui-ci rend possible les initiatives pour constituer un calculateur d’itinéraire à l’échelle de la France entière. » Conséquence: l’AFIMB (Agence française pour l’information multimodale et la billettique), dont c’était la mission principale, voit son rôle évoluer vers celui du suivi de la politique de l’ouverture des données… (voir encadré).

3. Développer les essais à grande échelle

Les expérimentations françaises sont qualifiées de « balbutiantes », elles « ignorent la question de l’autonomie des véhicules », et la France, qui « accuse un certain retard sur les démonstrations et tests à grande échelle effectués dans le monde depuis plusieurs années », devrait « autoriser sans délai le développement d’essais à grande échelle sur voie publique de véhicules autonomes, dès maintenant par dérogation », détaille le rapport de la Cour des comptes.

Devenu un sujet de développement industriel de premier plan et d’ordre international, le véhicule autonome est aujourd’hui confronté « à des obstacles plutôt d’ordre réglementaire ou liés à son acceptabilité, si bien que le rôle de l’État sera à l’avenir décisif ». Un constat que partage le gouvernement qui met en avant ses travaux liés à la renégociation de la convention de Vienne sur la circulation routière qui impose à tout véhicule d’avoir un conducteur « physique ». « La France est engagée au sein de plusieurs instances internationales, au niveau des Nations unies, du G7, au niveau européen, et a demandé à ce que plusieurs questions soient abordées, liées aux exigences de sécurité, à la disponibilité des données, à l’évaluation de l’impact socio-économique à long terme, etc. », souligne la note de Matignon.

Enfin, concernant les autorisations d’essais sur la voie publique, le gouvernement a également démontré ses avancées. Depuis le printemps 2015, des autorisations d’une durée d’un an et sur des zones extensives sont délivrées (immatriculation W) par régime dérogatoire. Cependant, une ordonnance sera publiée mi-août (en application de l’article 37 de la loi sur la transition énergétique), pour apporter « une dérogation plus spécifique incluant une procédure détaillée et un registre permanent mieux adapté ».

Open data: les dérogations en limiteraient la portée

Placée au cœur du développement des transports intelligents, l’ouverture des données de transport telle que formulée par le gouvernement ne semble pas convaincre la Cour des comptes. Elle donne un écho favorable aux militants d’une application moins conditionnelle et moins spécifique de l’open data dans les transports.

« Des dispositions dérogatoires ouvertes par adhésion à des codes de conduite, des protocoles ou des lignes directrices risquent malheureusement d’en limiter fortement la portée », tranche avec clarté la Cour des comptes à propos de dispositions d’ouverture des données transport de la loi Macron.

Rappelons que l’UTP et les transporteurs ont poussé pour l’élaboration d’un code de conduite par l’industrie, toujours en attente d’homologation, plutôt que des obligations par décret au titre de spécificités de leur activité (conditions de réutilisation des données, propriété intellectuelle, concurrence). La Cour des comptes recommande « des conditions claires et précises pour l’homologation et le respect des diverses mesures dérogatoires, et aussi [de] publier un compte rendu régulier de la mise en œuvre de la nouvelle loi, en particulier sur les données du temps réel ».

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Auteur

  • Bruno Gomes
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