Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Jugement

DSP: rémunération substantielle et allotissement… Attention à l’effet boomerang!

La procédure de passation de délégation de service public de transport départemental de voyageurs de la Charente-Maritime est annulée.

Telle est, en substance, la décision retenue par la présidente du tribunal administratif de Poitiers, le 27 avril, dans le cadre d’un recours précontractuel.

Annulation donc de la procédure dans son ensemble, avant même que ne soit déterminé le choix de l’attributaire… Pas terrible pour le président du conseil départemental, qui n’est autre qu’un ancien ministre des Transports!

L’affaire mérite toutefois l’attention, car c’est au bénéfice d’une motivation en deux temps que la juridiction administrative a abouti à l’annulation de la procédure mise en œuvre par le département.

Le département de la Charente-Maritime avait fait le choix, et ce choix avait ému les professionnels du transport public, de recourir à une délégation de service public (DSP) unique sur l’ensemble du territoire. Qui plus est, le projet s’articulait autour de diverses missions de service public, qui du reste auraient pu être réalisées de manière autonome, interdisant ainsi de fait aux opérateurs économiques de moyenne importance de se positionner.

La procédure dans son ensemble semblait destinée aux groupes, quasiment les seuls à même de rassembler les moyens humains, techniques et financiers nécessaires à la réalisation des prestations attendues par l’autorité organisatrice. Procès d’intention ou non, ce sentiment était largement partagé, sans oublier l’incompréhension suscitée par un lot unique, forcément dévastateur pour les PME du territoire concerné.

Mais c’était sans compter sur la capacité de résistance des opérateurs!

Ainsi, saisi par une entreprise s’estimant lésée par ce choix, le juge des référés précontractuels a été appelé à se prononcer sur la régularité du dispositif envisagé. Et on l’a vu, le juge annule la procédure dans son ensemble.

Condition sine qua non de la DSP: la rémunération substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation:

En premier lieu, le juge des référés procède à une requalification du projet de contrat envisagé par le département.

En effet, dans le cadre des dispositions alors applicables, en l’occurrence celles de l’article L.1411-1 du code général des collectivités territoriales, est qualifié de délégation de service public le « contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».

C’est à ce titre, qu’après avoir déterminé l’objet du contrat, le juge s’est employé à analyser la part du risque supportée par le délégataire et les modalités de sa rémunération.

Au cas d’espèce, le juge des référés du tribunal de Poitiers a relevé, au terme de l’instruction du dossier, que la part forfaitaire de la rémunération prévue représentait 90 % de la rémunération totale. Par ailleurs, pour les 10 % restant, la moitié résultait des recettes perçues sur les usagers scolaires, dont le nombre n’est pas susceptible de varier sensiblement d’une année sur l’autre, et que l’on sait être une clientèle peu sensible aux efforts du délégataire.

Ainsi, le juge relève que 5 % seulement de la recette apparaît véritablement variable et liée aux résultats de l’exploitation.

À cela s’ajoute un mécanisme d’abondement dont le juge relève qu’il vient atténuer sensiblement les risques d’exploitation.

Dès lors, la DSP n’en est pas une, mais au contraire, se trouve requalifiée en marché public!

Bien que prise sous l’empire des dispositions anciennes du code général des collectivités territoriales, cette décision demeure tout à fait pertinente et sa portée ne doit pas être mésestimée.

En effet, l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 a modifié ces dispositions ainsi que l’article L.1411-1, lequel prévoit désormais que « la part de risque transférée au délégataire implique une réelle exposition aux aléas du marché, de sorte que toute perte potentielle supportée par le délégataire ne doit pas être purement nominale ou négligeable. Le délégataire assume le risque d’exploitation, lorsque dans des conditions d’exploitation normales, il n’est pas assuré d’amortir les investissements ou les coûts qu’il a supportés liés à l’exploitation du service ». Si la notion de rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitation disparaît, celle d’aléa et d’exposition aux risques apparaît renforcée. Or, cette dernière exigence apparaît moins malléable que celle des « recettes liées à l’exploitation », et cela constitue une difficulté supplémentaire pour les collectivités désireuses de recourir à la DSP nouveau régime concessif.

Marché et obligation d’allotissement:

Après avoir requalifié le contrat, le juge en déduit nécessairement que la procédure mise en œuvre ne s’est pas avérée adéquate.

Encore fallait-il, dans le cadre d’un référé précontractuel, justifier que le recours à cette procédure inadéquate avait effectivement lésé la société requérante.

Chose faite en relevant que la procédure de marché public comprend, au titre des dispositions de l’article 10 alors en vigueur, une obligation d’allotissement.

La décision rendue par la présidente du tribunal administratif de Poitiers est à cet égard particulièrement intéressante.

En effet, la magistrate relève ensemble le ressort géographique du contrat, le nombre important de lignes et de services à couvrir, la diversité des usagers, la multiplicité des prestations visées par le « marché », et retient que ces circonstances particulières font obstacle à la constitution d’un lot unique recouvrant plus de 300 véhicules et à la conclusion d’un contrat global de transport.

De là à en déduire que la matière du transport soit incompatible avec la notion de lot unique, il y a certainement un pas à ne pas franchir, et c’est certainement sur ce point précis que l’ordonnance rendue sera la plus critiquée.

Cela étant, le juge, a relevé que la société requérante avait nécessairement été lésée – eu égard à la consistance de son parc composé d’une soixantaine de véhicules – par le choix retenu par le département, dès lors que ce choix, un lot unique de plus de 300 véhicules, avait eu pour effet de restreindre l’accès de la PME au contrat en la plaçant dans une situation moins favorable que celle des entreprises de taille supérieure.

Au bénéfice de ces considérations, le juge des référés précontractuels a donc prononcé l’annulation de la procédure dans son ensemble.

Retour au sommaire

Auteur

  • Philippe Neveu
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format