Le passage du monde des mécaniciens à celui des électriciens n’est pas une révolution pour les réseaux ayant des trolleybus ou des hybrides, mais pour tous les autres, le changement est conséquent. L’arrivée des autobus électriques implique des changements dans de nombreux domaines, et pas que dans les ateliers.
S’il existe des critères normalisés de consommations via les standards SORT, c’est le flou artistique total en ce qui concerne l’autonomie des autobus à batteries.
Walter Delage, responsable communication et marketing de PVI, donne quelques rappels méthodologiques: « En premier lieu, il faut déterminer le profil de mission: les parcours, le nombre de passagers (capacité unitaire et fréquentation quotidienne), conditions d’exploitation (charge de la ligne en passagers, vitesse commerciale, horaires, distances haut-le-pied, etc.) et limites de poids (charges aux essieux) ». Les conditions d’exploitation vont déterminer, avec les capacités passagers, la quantité d’énergie à stocker à bord.
Christian Weintz, de Solaris Bus France, évoque une différence fondamentale entre batteries haute puissance et batteries haute énergie. Pour reprendre une image compréhensible, on a deux bouteilles différentes: une plus petite avec un grand goulot, qui laisse passer plus d’intensité mais avec moins de capacité. Une seconde plus grande, avec un goulot plus petit, donc débitant moins d’énergie en instantané, mais capable de délivrer longtemps de l’énergie. Pour cette raison, Solaris Bus insiste également sur les paramètres évoqués plus haut. En clair: toute annonce d’autonomie en kilométrage sérieuse exige de passer par cette étape préalable. Sans quoi, ce ne sont que des déclarations fantaisistes. Christian Weintz insiste sur la concurrence déloyale faite par certains constructeurs qui avancent des autonomies sans tenir compte du respect de l’état de charge des batteries et de leur stress.
En effet, sur une capacité nominale de par exemple 100 kW, seule une fraction de cette énergie est utilisable: si on sort de la plage d’utilisation de ce SOC (State of Charge, pour état de charge), on endommage la batterie et on réduit fortement son espérance de vie. François Regembal, directeur Technique et Opérations chez Transdev, précise qu’il n’y a pas de vérité absolue: « L’avantage des supercondensateurs réside dans leur longue durée de vie, comparé à celle des batteries qui doivent être remplacées à échéance plus ou moins longue, en fonction du nombre de cycles de charge qu’elles subissent (typiquement 1 million de cycles pour les premiers, contre au plus quelques milliers pour les secondes). De plus, on peut les alimenter à partir de basse tension disponible facilement en milieu urbain, alors que les systèmes de recharge des batteries nécessitent le recours à la haute tension, et donc à des infrastructures importantes (selon le nombre de véhicules à recharger). Par contre, la densité d’énergie massique des supercondensateurs est faible par rapport à celle des batteries: typiquement quelques kWh/kg. Mais la recherche évolue rapidement en ce domaine. Une fois ces supercondensateurs haute densité sur le marché, ils constitueront certainement la solution privilégiée pour le transport en commun (sauf si leur prix reste rédhibitoire) En tout cas, notre expérience WATT de Nice a été très intéressante et positive ». Transdev, comme le constructeur PVI ou d’autres exploitants, reste ouvert sur le plan technique. En effet, le groupe exploite aussi des autobus à batteries Ebusco/Golden Dragon en Île-de-France. D’autre part, il étudie avec Cegelec, également présent sur les chaînes de traction d’autobus électriques bifilaires, des moyens de recharge pilotés permettant de diminuer l’appel de puissance lors des recharges. L’idée est de planifier les charges en fonction des heures d’arrivée et de départ du dépôt.
Irizar propose une solution tout intégrée, clé en main, associant le véhicule, ses batteries et le pilotage de la recharge.
Sur ce sujet, contrairement aux constructeurs de voitures, la standardisation avance vite pour les véhicules industriels. Au mois de mars, un accord associant Irizar, Solaris, VDL et Volvo Buses a permis aux constructeurs de convenir d’interfaces ouvertes et communes avec les fournisseurs de solutions de recharge (ABB, Heliox et Siemens). Cette base technique interopérable est valable pour les charges rapides aux terminus et pour les autobus en charge lente nocturne. Ces acteurs se sont engagés à partager leur expérience avec CEN/CENELEC et ISO/IEC, afin de définir une norme européenne commune pour les systèmes d’autobus. On notera toutefois que les systèmes bifilaires à ligne aérienne de contact ne sont pas confrontés à ces soucis de normalisation.
PVI commercialise des solutions à batteries ou à supercapacités. Walter Delage met aussi en garde les exploitants: « toute sa vie, la batterie perd de sa capacité
Comme pour les consommations automobiles, il faut se méfier des cycles normalisés: « Sur un PVI Oréos 4X qui faisait, en conditions réelles d’exploitation validée, des distances de 150 km, on passait en cycle NEDC à 250 km », précise Walter Delage. Les performances sont également considérablement impactées par l’usage ou non de la climatisation, mais aussi et surtout par la conduite des machinistes. La formation revêt un rôle fondamental, tant pour les agents de conduite que pour les mécaniciens en atelier.
Quant au budget global, il faut distinguer le prix de l’autobus, de ses batteries (achat ou location longue durée), du chargeur (est-il embarqué ou pas?), de l’infrastructure de recharge physique (tant sur le réseau qu’en dépôt) et du contrat de fourniture d’énergie qui lui sera associé, et enfin, la dépréciation en fin de vie du véhicule, car il n’existe pas à ce jour de marché de l’occasion pour ces machines. Sur ce plan, les électriques bifilaires ont un énorme avantage: n’ayant pas de batteries de traction (ou celles-ci étant très peu sollicitées), il n’y a pas de renouvellement à prévoir dans la durée d’exploitation du véhicule.
* La perte est due à l’augmentation des résistances internes à la batterie.
