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Billettique et SAEIV s’affichent sur étagère

« Achetez mon SAEIV! Il est beau, il est frais! »: les marchés des systèmes informatiques dans les transports publics ne ressemblent pas encore à cela, mais en tout cas ils se simplifient. Comment? Avec la conception de produits sur catalogue ou sur étagère, par opposition aux développements sur mesure, plus longs et coûteux. Une transformation initiée par les start-up, les acheteurs publics et les industriels.

L’évolution technologique est-elle darwinienne? Difficile de le nier au vu de l’influence d’Amazon, Google, Apple et autres Uber ou Airbnb dans leurs secteurs respectifs, sans oublier leurs répercussions sur des pans entiers de l’économie mondiale. Mais dans les systèmes de billettique et d’information voyageur des transports publics, nous assistons davantage à une révolution de velours qu’à un cataclysme. Liés au secteur public, encadrés par les règles des marchés publics, ces systèmes lourds et complexes apparaissent moins exposés que les outils technologiques de grande consommation destinés au grand public. Il n’empêche: même avec moins d’intensité, le signal des révolutions technologiques, avec la démultiplication des capacités de calcul et de stockage, d’accès facilité et ouvert à moindre coût de puissants systèmes, parvient à bousculer le secteur des métiers de la billettique et de l’information voyageur.

Les start-up à l’initiative

À l’avant-garde de cette révolution, les start-up bien entendu. Une dizaine d’entre elles a émergé dans le petit monde des industriels et fournisseurs de solutions. C’est le cas du précurseur Ubi Transports, de Zenbus et Pysae qui ont lancé le mouvement d’une régénération des pratiques et des manières d’aborder la technologie au sein des transports. Plus légères, plus simples, orientées voyageur et conducteur plutôt qu’exclusivement exploitant, leurs solutions technologiques modifient les niveaux de coûts et donc de prix.

Une aubaine pour des réseaux de taille moyenne ou des services de type interurbain ou scolaire, dont les moyens ne permettent pas d’acquérir les solutions classiques, trop lourdes à déployer et souvent surdimensionnées. Ce phénomène bouscule également les processus d’achat des collectivités publiques, à l’instar des référencements mis en place par la Centrale d’achat du transport public (CATP), à l’initiative du réseau Agir, pour les systèmes d’aide à l’exploitation et d’information voyageurs (SAEIV) en 2014, et plus récemment pour la billettique. Point commun entre les deux? Packager des offres et des services auparavant vendus sur mesure aux collectivités à des coûts forcément plus élevés.

Les industriels groupent leurs solutions

Illustration avec le marché billettique de la CATP. Les deux attributaires retenus, Vix Technology et AEP Ticketing, ont répondu au cahier des charges de la centrale d’achat en proposant leurs solutions par packages, avec une lecture simplifiée pour les autorités organisatrices (AO) des fonctionnalités incluses: gestion des gammes tarifaires, choix parmi quatre supports de billetterie (papier thermique, carte magnétique, billet sans contact ou carte sans contact), gestion des utilisateurs, reporting des données de vente et fréquentation, matériels et équipements liés, distribution dans quatre canaux (points de vente physique agences, dépositaires, boutique web, automates), etc.

À côté des fonctionnalités de base, des options sont proposées, comme le paiement sans contact par carte bancaire ou encore une appli mobile avec QR code. Des connexions avec cinq types d’interfaces peuvent également être ouvertes, avec Navineo ou Eures par exemple, mais aussi avec le système interopérable de la collectivité voisine ou la carte régionale de référence.

Côté produits, les industriels doivent essentiellement revoir leur stratégie marketing, et très peu leur stratégie de développement technique et informatique. « Tout repose sur notre plateforme cœur eBrio+, et nous activons ou non certains modules parmi les très nombreuses fonctionnalités proposées, supervision, reporting, gestion tarifaire, distribution, tout cela en fonction du produit packagé final que nous souhaitons créer », explique Christophe Sanglier, directeur commercial et marketing de Vix.

Des produits sur étagère

Cette stratégie, dite de développement de produits sur étagère (à l’image des boîtes de logiciel que l’on pourrait acheter et mettre dans son caddie au supermarché), est apparue depuis quelques années chez les industriels qui sentaient le marché évoluer. « Depuis deux ans, nous avons entamé une démarche de standardisation de nos solutions pour créer le produit eBrio+, explique Christophe Sanglier, le constat était que les réseaux de taille moyenne ne pouvaient plus acquérir des systèmes développés sur mesure ». Trop coûteux, ces systèmes créés pour chaque marché impliquent des demandes (trop) spécifiques, et par conséquent des coûts de développement et d’étude importants répercutés sur la facture des AO. Ils ne permettent pas non plus aux industriels de « réaliser des économies d’échelle sur leurs développements, ce n’est ni dans l’intérêt de nos clients ni dans le nôtre ».

Du standard… mais à la carte

Concrètement, si 20 clients utilisent la même version d’un système, la maintenance, les mises à jour et les évolutions sont facilitées et accessibles à tous, argumentent aujourd’hui les industriels. Même écho chez le leader français des SAEIV, l’ex-Cofely Ineo rebaptisé Engie Ineo. Attributaire unique du marché des SAEIV de la CATP en 2014 avec son offre Navineo, le fournisseur se félicite également « du grand virage de la mise au catalogue des produits », selon Philippe Gaborit, directeur du développement commercial de l’entreprise. « Nous avions déjà entamé cet important travail de recomposition marketing de nos offres produit, il implique pour nos équipes d’ingénieurs d’être davantage orientés client, de réaliser également un travail d’accompagnement au changement pour nos clients, avec qui l’on ne parle plus de technique, de recette et de validation, mais de service, d’optimisation de leur exploitation, de reporting et d’ouverture de données », explique le responsable. « Notre offre était prête, la CATP a déclenché le mouvement et nous avons misé sur ce référencement pour accompagner le lancement de notre nouvelle offre Navineo ». Là encore, la conception modulaire des produits permet une construction standardisée, mais à la carte, avec des ensembles de fonctionnalités thématiques déjà composées. « Cela nous permet clairement d’avoir une offre plus élargie et évolutive pour répondre à tous les profils de réseau, aussi bien les grands réseaux que les moyens ou les interurbains et les scolaires. Ils font le choix d’un produit éprouvé, prêt à l’emploi et qui s’appuie sur la puissance de notre système central disposant d’une bibliothèque d’interfaces qui répond à 95 % des besoins », poursuit Philippe Gaborit.

Précurseur de cette démarche de produits avec la CATP, les dix marchés remportés depuis par Engie Ineo (Carcassonne, Douai, La Rochelle, Chambéry) ont envoyé un signal positif aux fournisseurs de billettique au moment de l’appel d’offres de la Centrale.

Le réalisme économique des collectivités

En parallèle, et simultanément à ce mouvement de conception de produits packagés, il faut également relever un changement de mentalités et de manière de faire des collectivités face à des contraintes budgétaires et d’obligation d’optimisation de leurs exploitations de transports locaux. Forcés d’aller vers plus de pragmatisme, les cahiers des charges des AO s’allègent et demandent des fonctionnalités selon leur budget et leurs priorités. Cette approche réaliste, mise aussi en avant par la CATP, permet une meilleure visualisation des coûts réels des fonctionnalités hors package par les élus: tout est possible, mais cela a un prix. Un discours qui de plus simplifie le travail des industriels face à leurs clients, soutenus implicitement par le cadre déjà imposé du marché référence de la CATP.

Car certains industriels mettent en avant le péché mignon des collectivités: personnaliser à outrance leur système, avec des fonctionnalités poussées et parfois surdimensionnées, entraînant des coûts élevés de développement et des délais de déploiement rallongés, sans compter la perte de ressources financières sans rapport avec l’usage réel et attendu par les voyageurs en exploitation. Un syndrome que l’on retrouve de la même manière dans le marché des véhicules, avec une personnalisation coûteuse des BHNS par exemple. « La logique des marchés publics nous obligeait à répondre aux demandes présentées par les AO dans leurs cahiers des charges sous peine d’être exclus des marchés. Dans ce sens, la démarche de la CATP apporte une promesse de facilitation de passation de marchés ultérieurs, en simplifiant le processus de consultation des collectivités, en raccourcissant le cycle de consultation et les délais de mise en œuvre, chez nous comme chez le client. Cela peut contribuer à rompre ce cycle infernal et aider les collectivités à définir leurs besoins, sans avoir à passer par une AMO [assistance à maîtrise d’ouvrage, ndlr], tout est déjà codifié et prévu, si les fonctionnalités de base ne conviennent pas, elles peuvent ajouter des options », se félicite le responsable de Vix Technology.

Les start-up chatouillent les majors

Si les industriels ont transformé le processus de vente de leurs solutions devenues des produits sur étagère, ce sont bien les start-up qui ont les premières montré la voie. Comment? Les notions et mots-clés phares sont connus: systèmes centralisés et basés dans le Cloud, conception modulaire de nouvelles briques métiers, architecture technique simple, agile et évolutive, matériels grand public, utilisation de systèmes et de langages ouverts et standardisés non-propriétaires, rapidité d’installation, budgets quantifiables et mesurables.

Ubi Transports a jonglé dès le départ avec ces notions pour lancer ses produits d’information voyageur et de billettique scolaire légère. Depuis, la start-up est devenue PME avec 50 clients et un chiffre d’affaires de 3 M€. Son évolution témoigne de la logique de conception modulaire de briques métiers (2School, 2Place, 2Clock, 2SMS, 2Stop, 2Diag) fonctionnant depuis une plateforme unique, « à partir d’une feuille blanche » comme le résume son Pdg Jean-Paul Medioni. « Notre logique est celle d’une chaîne outillée. Notre approche cloud, notre architecture conçue dès le départ autour de la standardisation sont notre grande chance, l’ensemble nous permet d’ajouter très rapidement de nouveaux produits, comme la boutique en ligne ou le post-paiement, des produits dont on ne parlait pas encore il y a ne serait-ce qu’un an. » De l’information voyageur à la billettique, en passant par les remontées techniques du véhicule par le conducteur et toujours via son smartphone, Ubi Transports remonte la chaîne de service des SAEIV et de la billettique en allant jusqu’au sans contact, au post-paiement, et bientôt vers la conception d’une sorte de couteau suisse de l’interopérabilité des systèmes: un catalogue produit ambitieux et une nouvelle pierre dans le jardin des industriels.

Autre illustration avec Zenbus, l’appli d’information voyageur temps réel, lauréate à l’unanimité des Trophées du transport public décerné mi-juin par la profession. Encore inconnue il y a deux ans, Zenbus pourrait bien être la coqueluche des groupes et des réseaux de transport, grâce à sa technologie maison d’information « vraiment » temps réel, portée sur des applis pour le voyageur comme pour le conducteur, mais dans les deux cas conçue avec un souci d’ergonomie et de design pour l’utilisateur d’une très grande qualité. Un point qui manque encore cruellement aux industriels du secteur… Déployée à Nantes sur 31 lignes, Zenbus franchit un cap en démontrant sa capacité à répondre aux enjeux d’un grand réseau urbain, après ses expériences réussies dans l’événementiel (COP21, Open de golf Gaz de France) ou dans des réseaux de petite taille (Saintes, Issy-les-Moulineaux) et interurbains (SNCF TER Pays de Loire, ligne Stif Transdev Saint-Quentin). Son modèle économique simple (1 000 € par ligne) rassure les AO et permet des options supplémentaires, façon catalogue bien entendu. Parmi les options à ajouter sur son appli basée sur smartphone: comptage de voyageurs, représentation de l’avance-retard, datavisualisation des données d’exploitation, mais aussi export des données par des flux SIRI, gage d’interopérabilité avec des systèmes tiers (bornes information voyageur par exemple) et passeport pour s’intégrer dans les grands réseaux.

Les industriels restent sereins

La progression de ces jeunes pousses dans la chaîne de valeur continue de chatouiller les majors du secteur, dont l’agacement sur un effet start-up se fait sentir. « Le discours des start-up sur les solutions de rupture a eu du sens, mais depuis trois à quatre ans, nous avons montré notre capacité d’innovation. Même si nous jouons moins sur l’effet de communication, Ineo continue d’investir 5 à 6 % de son chiffre d’affaires en R& D, soit 3 M €. Nous ne sommes pas un dinosaure incapable de se remettre en question, notre offre Navineo est elle aussi un SAEIV léger, facile et rapide à déployer », souligne Philippe Gaborit, directeur du développement commercial Engie Ineo, qui promet la présentation d’une nouvelle offre de systèmes « très innovants » d’ici quelques mois.

Sur le choix des nouveaux acteurs d’utiliser des smartphones grand public comme matériel, Christophe Sanglier, directeur marketing et commercial de Vix Technology met en avant « la longévité différente comparée à nos valideurs ou pupitres, conçus pour durer 10 ans. La notion de jetable est aujourd’hui acceptée par nos clients, de même qu’une richesse de fonctionnalités plus réduite ». Le responsable prend acte de cette évolution en intégrant lui aussi à son catalogue ces nouveaux produits plus compacts, notamment pour des taxis.

Doit-on s’attendre à une consolidation du secteur ou à une paix des braves? « Nous échangeons avec les start-up, nous pouvons être tout à tour concurrents ou partenaires, nous avons notre capacité de développement et je doute qu’une consolidation verticale d’acteurs apporterait quelque chose au marché », soutient Philippe Gaborit d’Engie Ineo. Une analyse partagée semble-t-il par Jean-Paul Medioni d’Ubi Transports qui considère que « le marché français s’est structuré et ne permet plus l’arrivée de nouveaux entrants aujourd’hui. Les positions se stabilisent, il fallait se développer très vite et gagner en crédibilité, prouver notre valeur et notre solidité. C’est chose faite, et nous misons aujourd’hui sur notre développement à l’international pour nous renforcer ». Un constat qui ne vaut pas pour tout le monde: l’écosystème bousculé, les majors ont évolué, attention aux start-up qui verraient la porte de la croissance et de la maturité se fermer trop rapidement sous leur nez…

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Auteur

  • Bruno Gomes
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