Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

Maillage

1. Normandie: la réunification oblige à créer de nouveaux liens

Image

1. Normandie: la réunification oblige à créer de nouveaux liens

Crédit photo Michel Chlastacz

Sur la carte, la réunification de la Basse-Normandie et de la Haute-Normandie apparaît comme une évidence. Pour les réseaux ferrés, elle s’apparente plus à un collage, car sa géographie se présente aujourd’hui plus parallèle que complémentaire en raison de l’orientation des principaux axes structurants vers Paris et l’Île-de-France, alors que les transversales sont moins dynamiques. Aussi, en attendant la future ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN), espérée à l’horizon 2030, la nouvelle région devra s’attacher à renforcer les liaisons transversales plus unificatrices.

Mantes-la-Jolie reste et restera la véritable porte ferroviaire de la Normandie. Une réalité que la réunification des deux entités régionales, la Basse-Normandie et la Haute-Normandie (au total, 3,3 millions d’habitants sur un territoire de près de 30 000 km2 ) qui se partageaient auparavant le territoire régional, aurait tendance à mettre plus encore en valeur, nombreux projets à l’appui. Cette situation s’explique en raison du fait que le réseau ferré normand se structure autour de trois(1) grands axes est-ouest d’importance inégale, tous trois partant de Paris.

Les lignes radiales

Les deux principaux axes en provenance de Paris-Saint-Lazare sont les grandes lignes Paris–Caen– Cherbourg avec la branche vers Deauville et Cabourg, et Paris–Rouen–Le Havre. Les deux axes se séparent à Mantes-la-Jolie(2), et les deux lignes sont bien équipées, électrifiées et à double voie, la première étant même dotée, au-delà d’Évreux, de nombreuses sections parcourables à 200 km/h.

Le troisième axe part de Paris-Montparnasse, rejoint Granville via Versailles, Dreux, Argentan, Laigle et Vire. Il n’a pas la même importance, même si, en raison de son intérêt majeur pour l’aménagement du territoire régional(3), il a fait l’objet, depuis près de trois décennies, de très nombreuses opérations d’amélioration et de modernisation de ses équipements. Elles devraient d’ailleurs se poursuivre durant le CPER 2016-2020. Mais cet axe n’est équipé de la double voie que sur les trois-quarts de sa longueur(4) et n’est électrifié que de Paris à Dreux, soit sur moins du quart de son kilométrage. Toutefois, comme nous le verrons, son importance dans le système de transport régional et son poids structurant ont justifié l’acquisition de nouvelles rames Régiolis Alstom bimode par l’ancienne région Basse-Normandie, une opération qui a amélioré significativement l’offre de transport sur la ligne.

Les lignes transversales

Les trois lignes transversales qui font la jonction entre ces trois axes radiaux, et aident ainsi à mailler le territoire régional, n’ont pas la même importance, tant au point de vue de leurs équipements et de leurs capacités que de leurs flux de trafic TER. La rocade Rouen–Serqueux–Abancourt (Amiens puis Lille) est la partie nord-ouest du grand contournement ferroviaire de l’Île-de-France. C’est un axe bien équipé de bout en bout, d’importance interrégionale pour les voyageurs, et surtout nationale pour le fret. La relation Rouen–Caen est aujourd’hui plus facile par l’autoroute que par le rail, car cette ligne, qui pourrait être le symbole ferroviaire de l’unification régionale, est formée de sections disparates. Elle se raccroche sur la transversale Paris–Caen–Cherbourg en venant de Rouen par l’intermédiaire d’un axe tortueux qui, s’il est établi à double voie, n’est électrifié que jusqu’à Elbeuf-Saint-Aubin dans l’agglomération rouennaise(5).

La transversale Caen–Argentan–Alençon–Le Mans–Tours est la partie ouest du grand contournement de l’Île-de-France déjà évoqué. Une ligne hétérogène qui, comme Rouen–Tours dont elle est une sorte de prolongement, se raccroche aux transversales normandes en empruntant successivement des tronçons de la ligne Paris–Caen–Cherbourg et de la ligne Paris–Dreux–Granville. À double voie de bout en bout, elle n’est pas électrifiée, hormis la section Serquigny–Mézidon de la ligne Paris–Caen. Cependant, investissements de deux CPER à l’appui, elle est dotée de la signalisation automatique sur l’ensemble de son parcours.

La troisième transversale, la ligne Caen–Rennes, commune avec la Bretagne, présente des caractéristiques de même type tout en étant établie à voie unique sur près des deux tiers de son parcours. Elle n’est pas totalement équipée d’une signalisation automatique et elle n’est électrifiée que sur 40 % de son parcours normand. Elle emprunte également la ligne Paris–Caen–Cherbourg jusqu’à Lison, son parcours desservant ensuite Saint-Lô, Coutances, Folligny(6), Avranches et Pontorson-Mont-Saint-Michel. C’est la dernière gare située en Normandie avant que la ligne ne se raccroche à Dol-de-Bretagne avec l’axe Rennes–Saint-Malo. Cet itinéraire interrégional a été menacé de disparition en raison de l’état de ses infrastructures. Aussi a-t-il fait l’objet, en Basse-Normandie comme en Bretagne et dans le cadre des trois précédents CPER, d’importantes opérations de remise à niveau qui ont porté aussi bien sur la modernisation de la voie et de la signalisation que sur l’électrification de l’antenne Lison–Saint-Lô. Un effort qui se poursuivra durant le CPER 2016-2020, et même au-delà.

Les lignes en antenne

À cet ensemble maillant des trois radiales et des trois transversales s’ajoutent des lignes en antenne à partir des transversales Paris–Rouen–Le Havre et Paris–Caen–Cherbourg. Si cette dernière ne comporte que l’antenne Lisieux–Deauville–Trouville–Dives–Cabourg, la première bénéficie de trois antennes qui sont toujours très actives en service voyageur(7). D’ouest en est, on trouve d’abord la petite ligne TER périurbaine Le Havre–Montivilliers–Rolleville, dont la desserte très dense jusqu’à Montivilliers est incluse dans l’offre des transports urbains havrais. Pour cette raison, elle a fait l’objet de projets de type trams-trains connectés ou simplement périurbains, mais qui sont pour le moment encore restés inaboutis.

Figure ensuite la petite antenne locale qui relie Bréauté–Beuzeville à Fécamp et qui joue un rôle de desserte TER et touristique, quoiqu’amputée de sa branche vers Étretat, très active à l’époque des bains de mer.

Enfin, l’antenne la plus importante branchée sur l’axe Paris–Rouen–Le Havre reste la ligne Malaunay–Dieppe. Même si elle est en partie à voie unique et n’est pas électrifiée, elle joue un rôle majeur car après la fermeture de la section Serqueux–Dieppe de la ligne directe Paris–Gisors–Dieppe, elle est désormais la seule à desservir le port de Dieppe.

Il faudrait ajouter à ces trois lignes une dernière antenne qui n’est que située partiellement en Normandie: la partie terminale Abancourt–Le Tréport de la ligne Paris–Beauvais–Le Tréport qui se trouve partagée entre l’Île-de-France, la Picardie et l’ex-Haute-Normandie.

Le trafic TER

Cette géographie ferroviaire, elle-même liée à la géographie urbaine et aux flux dans l’espace régional, se reflète bien évidemment dans la charge des différents axes desservis par des TER Normandie. Charge très largement dominée par les grandes radiales structurantes qui accueillent également un important trafic de TET, ces trains d’équilibre du territoire ou Intercités SNCF qui vont progressivement passer sous la responsabilité de la région (voir encadré). Sans oublier, sur l’axe Paris–Rouen–Le Havre, un trafic fret considérable, essentiellement lié aux activités portuaires et industrielles havraises et rouennaises, avec des flux en provenance et en direction de l’Île-de-France et des au-delà vers l’Est(8).

En ce qui concerne les seuls trafics TER, les axes normands drainent d’importants flux qui, de Paris à Mantes-la-Jolie sur le tronc commun aux deux principaux corridors, se cumulent, et non sans difficultés, avec ceux des trains Transilien d’Île-de-France, sans oublier ceux de la branche Nanterre–Poissy du RER A. Au-delà, sur Paris–Rouen–Le Havre, on totalise (les deux sens confondus) de 15 à 25 TER par jour et 21 TET jusqu’à Rouen, et de 11 à 20 TER par jour plus 15 TET jusqu’au Havre, tandis que les trafics périurbains passe-Rouen (Motteville–Rouen–Elbeuf-Saint-Aubin), qui relèvent d’une desserte plus dense, apportent de 30 à 42 TER journaliers. Ils s’ajoutent aux autres trains qui transitent par l’ensemble de l’agglomération et du nœud ferroviaire rouennais.

Sur Paris–Caen–Cherbourg, la charge de trafic est également élevée avec de 20 à 45 TER et de 26 à 32 TET quotidiens jusqu’à Caen, et de 16 TER plus 16 TET jusqu’à Cherbourg, l’antenne à voie unique vers Deauville traitant pour sa part 18 TER et 6 TET par jour. Sur Paris–Granville, selon les sections de la ligne, hormis celle entre Paris et Dreux qui relève essentiellement des services Transilien et du Grand Bassin parisien, on totalise de 2 à 8 TER et 10 TET par jour, plus 2 à 6 autocars TER en complément des trains sur certaines sections.

Rouen–Caen, talon d’Achille ferroviaire

La ligne de rocade intrarégionale reliant Rouen à Caen serait-elle finalement le talon d’Achille ferroviaire de la nouvelle région? Ce lien entre les anciennes capitales reste pourtant essentiel. En effet, après l’unification des deux Normandie, certains services devraient se répartir entre les deux villes, alors que comme nous l’avons vu, cette ligne tortueuse, non électrifiée de bout en bout et dont les capacités restent moyennes, n’offre que 6 TER directs par jour, auxquels s’ajoutent 8 trains à parcours partiel obligeant à un changement à Serquigny, la gare de jonction avec l’axe Paris–Caen–Cherbourg. Aussi, l’amélioration de la ligne, qui a bénéficié de divers travaux de remise à niveau et de modernisation durant le précédent CPER, reste-elle indispensable. C’est ce que les candidats aux élections régionales de 2015 avaient semble-t-il bien compris, Hervé Morin en tête (voir p. 36).

Si les flux de la transversale Caen–Le Mans–Tours s’ajoutent à ceux de Paris–Caen sur le tronc commun entre Caen et Mézidon comme avec ceux de Paris–Granville sur le tronc commun entre Argentan et Surdon, ils restent globalement modestes sur l’ensemble du parcours puisqu’ils totalisent de 14 à 16 TER par jour selon les sections, auxquels il faut ajouter les 4 TET quotidiens circulant de bout en bout et qui vont passer à la région (voir encadré). Tandis que la ligne Caen–Rennes n’est réellement chargée qu’entre Lison et Saint-Lô (28 trains et 9 autocars par jour), et si elle le reste encore relativement jusqu’à Coutances (18 trains et 14 autocars quotidiens, plus 10 autocars par jour de Coutances à Granville), le reste du parcours aux marges de la Normandie et de la Bretagne ne draine que 6 TER quotidiens jusqu’à Dol-de-Bretagne. Paradoxalement, la transversale Rouen–Amiens ne totalise que 16 TER par jour et un seul parcours autocar, ce qui est peu compte tenu des capacités de la ligne. Cette situation s’explique en raison du fait que cet axe en rocade joue essentiellement un rôle de transit fret, à hauteur de 10 à 15 trains journaliers reliant les ports du Havre et de Rouen au nord et à l’est de la France, en évitant les encombrements des lignes de la région parisienne, et particulièrement ceux de la Grande Ceinture.

Dans l’ancienne région Haute-Normandie, les antennes branchées sur l’axe Paris–Rouen–Le Havre restent très actives et proposent une offre TER conséquente. C’est aussi le cas de la ligne périurbaine Le Havre–Montivilliers (50 trains par jour) qui continue jusqu’à Rolleville (10 trains par jour), la ligne rurale Bréauté–Beuzeville–Fécamp (14 trains et 12 autocars par jour), et surtout l’axe Malaunay–Dieppe (31 trains par jour). Plus à l’intérieur, la section Gisors–Serqueux, qui a été rouverte au trafic ferroviaire voyageur et fret en 2015, bénéficie désormais de 18 TER journaliers. La partie terminale Abancourt–Le Tréport, la section frontalière normande de la ligne Paris–Beauvais–Le Tréport, est moins active avec son offre quotidienne de 7 TER qui sont gérés en commun avec la nouvelle région des Hauts-de-France (voir Connexions, n° 1002).

(1) La quatrième radiale historique normande est la ligne Paris–Gisors–Serqueux–Dieppe, l’ancien itinéraire direct Paris–Dieppe à l’époque des bains de mer. Aujourd’hui limitée à Serqueux sur la rocade Amiens–Rouen, en 2014, elle a été rouverte aux trafics des TER et du fret entre Gisors et Serqueux (51 km), afin de créer un itinéraire bis essentiellement dédié fret entre Le Havre, l’Île-de-France et les au-delà vers le grand Est qui soulagerait l’axe Paris–Rouen–Le Havre. Son électrification sera réalisée d’ici 2020.

(2) Même s’il existe deux itinéraires Paris–Mantes-la-Jolie par les deux rives de la Seine, c’est celui de la rive gauche via Poissy qui est systématiquement emprunté par les TET et les TER qui desservent la Normandie. Une troisième ligne propose un autre itinéraire de Paris-Montparnasse à Mantes via Versailles, Saint-Cyr, Plaisir-Grignon (section commune avec Paris–Granville) et Épône-Mézières à l’est de Mantes.

(3) D’autant qu’il n’y a pas d’autoroute ni de desserte routière classique très performante sur ce corridor entre l’Île-de-France et le sud Cotentin qui est l’accès le plus court en distance de Paris au Mont Saint-Michel.

(4) La modernisation de la ligne entreprise durant les années 1990 a voulu rationaliser l’exploitation, ce qui a conduit à mettre de nombreuses sections à voie unique (82 km d’Argentan à Granville), alors que la ligne était d’origine établie à double voie de bout en bout.

(5) Cette électrification Rouen–Elbeuf a été achevée en 2015. Elle est destinée aux relations TER périurbaines passe-Rouen de Motteville à Elbeuf, sorte d’amorce d’un RER rouennais.

(6) Rouen est le premier port céréalier français et Le Havre celui des conteneurs. La charge fret de la ligne Paris–Rouen–Le Havre conduit à créer des itinéraires de détournement, ce qui a abouti à la renaissance et à l’électrification de la ligne évite-Rouen (Montérolier-Buchy–Motteville), et à la réouverture de Gisors–Serqueux qui a également profité aux TER. La ligne devrait être électrifiée d’ici 2020.

(7) L’antenne Motteville–Saint-Valery-en-Caux, fermée au trafic voyageurs est limitée au fret.

(8) Folligny est la gare de contact des lignes Caen–Rennes et Paris–Granville. Un raccordement direct créé durant le CPER 2000-2006 évite le rebroussement en gare, ce qui permet des relations TER directes Caen–Saint-Lô–Granville.

Le réseau des TER Normandie, en bref

Longueur des lignes: 1 762 kilomètres, soit une densité de 5,9 km/100 km2, un peu supérieure à la moyenne nationale de 5,4 km/100 km2 . Dans cet ensemble, qui s’est réduit de plus de la moitié depuis 1938, on trouve 376 kilomètres de lignes uniquement exploitées pour le fret. Les services des TER Normandie circulent sur 1 269 kilomètres de lignes ferroviaires. Il faut compter 14 relations routières qui sont soit des compléments routiers à l’offre TER ferroviaire comme sur l’antenne Bréauté–Beuzeville–Fécamp et sur certaines sections de Paris–Granville, soit une offre routière qui remplace un service ferroviaire disparu, comme sur Briouze–Bagnoles-de-l’Orne (8 autocars par jour), Lison–Coutances (9 à 14 autocars par jour), Rouen–Pont-Audemer, Yvetot–Saint-Valery-en-Caux (16 autocars par jour), Rouen–Louviers–Évreux (19 à 23 autocars par jour) et Serqueux–Dieppe (12 autocars par jour). S’ajoute une relation par autocar qui a été créée ex nihilo hors réseau ferré et qui relie Le Havre à Caen via Honfleur en franchissant la Seine à Tancarville.

Consistance et équipements du réseau: 54,2 % du kilométrage (tout type de ligne) sont établis à double voie et plus; 42,7 % sont électrifiés en 25 kV alternatif; 55,6 % disposent d’une signalisation automatique (BAL ou BAPR) et 19 % d’une signalisation mécanique (BMDV ou BMVU), tandis que le reste du kilométrage est géré par CAPI (cantonnement téléphonique assisté par informatique) ou par le CT (cantonnement téléphonique simple).

Offre et trafic des TER: 375 trains quotidiens (jours ouvrables) et près d’une centaine de circulations autocars TER qui desservent 115 gares et haltes, plus autant de points d’arrêts autocars. Les flux quotidiens totalisent près de 33 000 voyageurs les jours ouvrables, soit annuellement un trafic de plus de 8 millions de voyageurs et près de 250 millions de voyageurs.km que l’ajout des TET Normandie devrait plus que doubler.

Matériels roulants des TER: les effectifs des matériels TER Normandie totalisent 123 rames automotrices électriques et ensembles automoteurs diesels, et 59 voitures, le tout réparti en huit séries différentes.

Retour au sommaire

Auteur

  • Michel Chlastacz
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format