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État/Régions

1. Nouveaux habits pour les TET

Les décisions prises par Alain Vidalies dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route des TET ne bouclent pas ce dossier complexe. L’organisation des TET subsistants va mettre à l’épreuve les capacités de l’État, stratège devenu l’autorité organisatrice des transports ferroviaires d’importance nationale. De plus, hormis le cas de la Normandie réunifiée, les négociations entre l’État et les régions pour le transfert des services ne sont pas closes. Plus généralement, c’est la politique d’aménagement ferroviaire du territoire qui reste à résoudre, avec la question centrale: quelles infrastructures faut-il aménager, pour quel réseau et pour quels services à offrir entre les TER et les TGV?

C’est comme un couperet qui serait sèchement tombé, quand le 21 juillet, Alain Vidalies, secrétaire d’État en charge des Transports, a présenté la « mise en œuvre de la feuille de route du Gouvernement pour un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire ». Autrement dit, le Gouvernement a défini la nouvelle configuration du réseau des TET, ce qui délimite désormais le champ d’action financier de l’État dans ce domaine.

On se trouve devant un ensemble qui a été radicalement élagué, puisque les trois quarts des relations qui existaient à l’horaire 2015-2016 devraient être transférées aux régions, ou tout simplement disparaître faute d’accord entre les parties. D’ores et déjà, ces décisions amènent à une situation dans laquelle tout le Nord, l’Est et l’essentiel du quart Sud-Est – des espaces qui sont sans doute considérés par l’État comme suffisamment irriguées par le TGV et les TER – seront désormais hors du réseau des TET qui subsisteront, tandis que la quasi-totalité des relations TET de nuit disparaissent.

On aboutit donc à un réseau d’équilibre du territoire très fortement réduit(1), géographiquement tout aussi déséquilibré, et que l’État classe en trois catégories. En premier lieu, trois relations dites « structurantes et à hautes performances », suivies de trois relations qualifiées « d’aménagement du territoire maintenues sous l’autorité de l’État », plus « une offre de nuit recentrée sur des lignes d’aménagement du territoire ». Un ensemble qui fera l’objet d’une convention avec la SNCF pour la période 2016-2020 et dans laquelle « l’État confortera son rôle d’autorité organisatrice, en renforçant ses prérogatives, en matière notamment de définition du plan de transport », a tenu à préciser Alain Vidalies.

Trois structurantes et trois classiques

Les trois relations « structurantes » se résument à Paris–Orléans–Limoges–Toulouse (POLT) qui serait éventuellement prolongée vers Cerbère, à la transversale dite du Grand Sud Bordeaux–Toulouse–Marseille, et à la radiale Paris–Nevers–Moulins–Clermont-Ferrand.

Ces lignes conserveront leur offre actuelle jusqu’en 2017. « Toute évolution fera l’objet d’une concertation sous l’égide du préfet François Philizot dont la mission est prolongée », a ajouté le secrétaire d’État aux Transports. Elles bénéficieraient d’un traitement spécifique, avec pour objectif la mise en place d’un « service à haute performance, tant en matière de confort que de régularité et de fiabilité ». Aussi, « le Gouvernement a décidé d’élaborer pour chacune d’entre elles un schéma directeur sous l’égide d’un préfet coordinateur, en lien avec SNCF Mobilités et en concertation avec les acteurs locaux », a encore annoncé Alain Vidalies, prenant pour exemple le schéma d’une « offre cible », qui avait été lancé en 2015 sur la ligne POLT.

Pour la relation Bordeaux–Toulouse–Marseille, cette démarche aussi devra tenir compte du contexte à venir avec « la mise en service progressive des lignes à grande vitesse sur cet axe »(2), ce qui pose la question d’une certaine spécificité des nouveaux matériels à y introduire. En effet, l’emprunt de sections de LGV obligerait, faute de mixité des circulations, à disposer de rames qui soient aptes aux performances de la grande vitesse. Problème, il n’existe pas actuellement de matériel adapté à ce type de service, excepté la possibilité de l’utilisation de rames TGV anciennes, comme celles issues du parc TGV PSE (Paris Sud-Est) d’origine, rames qui devraient disparaître progressivement avec la livraison des TGV dits de 5e génération.

Trois milliards d’investissement

Dans le domaine des matériels, c’est un investissement significatif à hauteur de 1,5 Md€ qui a été officiellement annoncé pour l’acquisition de rames nouvelles. Aussi, « dès la fin de l’année, la SNCF va lancer un appel d’offres à la demande de l’État [pour des matériels à] très haut niveau de confort et de service à bord, adaptés aux longues distances [avec] des performances d’accélération et une vitesse de 200 km/h adaptées aux trajets et aux caractéristiques de l’infrastructure ». Dans ce cas spécifique, compte tenu des caractéristiques existantes, comme celles à venir de la ligne Bordeaux–Toulouse–Marseille, cela permettrait d’envisager « un matériel plus rapide, apte à circuler sur les lignes à grande vitesse ».

En ajoutant les engagements déjà actés avec les rames bimodes Régiolis Alstom, destinées à la relation Paris–Amiens –Boulogne et à d’autres lignes qui ne sont que partiellement électrifiées, plus les rames Regio 2N Bombardier en version Omneo (grandes lignes) qui devraient équiper les lignes normandes, on atteindrait un montant de près de 3 Md€ à investir en faveur du renouvellement des matériels TET.

Si l’on excepte le cas de la transversale Nantes–Lyon, au profit de laquelle quelques opportunités spécifiques pourraient se révéler à côté de la remise à niveau des infrastructures, les trois autres lignes TET qui restent dans le giron de l’État devraient bénéficier d’un traitement plus classique. Le gouvernement met ici en avant une dynamique de « meilleure articulation TET-TER [en concertation] avec les Régions ».

Il y a donc trois lignes, Nantes–Bordeaux, Toulouse–Hendaye et Nantes–Lyon, pour lesquelles « l’État s’engage à un effort sans précédent de renouvellement des matériels roulants à partir de 2017 », a annoncé Alain Vidalies.

Des abandons étonnants

Le maintien de Nantes–Bordeaux, qui conditionne celui des relations à plus long cours de type Quimper–Nantes–Bordeaux–Toulouse empruntant cet itinéraire, s’avère être fortement structurant. Mais les performances de cette ligne dépendent d’une indispensable remise à niveau de ses infrastructures, aujourd’hui obsolètes et pénalisantes.

On peut s’étonner par ailleurs de l’abandon de certaines relations qui relèvent éminemment de l’aménagement du territoire, et en premier lieu Clermont-Ferrand–Alès–Nîmes, la ligne des Cévennes. L’État veut la confier aux régions Auvergne–Rhône-Alpes et Occitanie, alors que dans ce cas le maintien des relations TET pouvait, à la différence de Clermont-Ferrand–Béziers, être mis en balance dans l’aménagement territorial ferroviaire en raison de l’absence de relations autoroutières, voire tout simplement de relations routières performantes. La même question peut se poser à bien plus grande échelle dans le cas de la « ligne 4 » (Paris-Est–Troyes–Chaumont–Mulhouse), mais son potentiel et son rôle structurant pour toute la partie sud de la nouvelle région Grand Est changent significativement la donne.

Les TET de nuit, ouverts au privé?

Du côté des TET de nuit, le réseau sera, après le printemps 2017(3), réduit à sa plus simple expression. Ne subsisteront que les deux relations Paris–Lyon–Valence–Veynes–Briançon et Paris–Limoges–Toulouse–Rodez/ Latour-de-Carol. Un maillage couvrant essentiellement le Massif central, oublié par les LGV, et qui serait éventuellement augmenté d’une antenne entre Toulouse et Cerbère (255 km) dont la possibilité du maintien reste à négocier entre l’État et la nouvelle région Occitanie (Pyrénées–Méditerranée). La possibilité d’ouvrir ce marché à un partenaire extérieur à la SNCF est même, dans ce cas, envisagée. Idem pour le maintien éventuel d’une desserte ferroviaire nocturne entre Paris et la Savoie (Paris–Bourg-Saint-Maurice/Saint-Gervais-le-Fayet, soit 801 kilomètres). Verra-t-on dans ce cas particulier une relance – mais cette fois dans de meilleures conditions qu’au printemps dernier – d’un appel à manifestation d’intérêt (AMI), dont la démarche quelque peu hâtive et improvisée avait finalement abouti cet été à un échec patent faute de candidats?

Un rapport perspicace

S’il est quelqu’un que les décisions gouvernementales concernant les TET n’ont pas pris au dépourvu, c’est bien Philippe Duron. La plus grande partie d’entre elles est en effet directement issue des propositions de son rapport sur les TET qui avait été publié en mai 2015(4), et elles vont même globalement encore plus loin que ce qu’il préconisait alors. Aussi, le jour même des déclarations d’Alain Vidalies, il saluait dans un communiqué ces « avancées très positives qui concrétisent les préconisations de la commission sur l’avenir des TET que j’avais eu l’honneur de présider en 2015 ».

Au-delà de sa seule satisfaction, il mettait en avant les montants d’investissement qui devraient être engagés par l’État pour le renouvellement des matériels (3 Md€) et la remise à niveau des infrastructures « qui supportent le trafic de ces trains » (2 Md€), ce second montant devant être analysé de plus près comme nous le verrons. Philippe Duron notait également que les négociations avec les régions « commencent à donner des résultats, avec la Normandie notamment ». En revanche, il n’a pas évoqué de propositions de remodelage et d’intensification de l’offre sur les lignes TET maintenues, compte tenu sans doute de l’annonce de la mise au point de schémas directeurs par Alain Vidalies.

Une Fnaut insatisfaite

Cette satisfaction n’est pas totalement de mise pour la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. La Fnaut estime en effet que « le périmètre actuel des TET [celui d’avant les décisions gouvernementales, ndlr] est très loin de couvrir tous les territoires ». Sa rétractation drastique ne peut convenir à la fédération qui constate que même dans ce cadre restreint, « l’État ne prend en charge que six lignes sur vingt-deux », en fait sur seize, les cinq lignes normandes étant déjà transférées.

Au-delà de ses déceptions, et tout en manifestant sa satisfaction à propos du renouvellement des matériels roulants, la Fnaut estime que « l’offre TET de jour reste à définir [et] attend maintenant une amélioration significative des services. En particulier une augmentation des fréquences recommandée par la commission Duron et une politique commerciale plus dynamique et de productivité de l’exploitant ». Elle préconise aussi que le principe des schémas directeurs soit étendu à l’ensemble des lignes.

Du côté des seize lignes à transférer aux régions, la Fédération y voit la possibilité d’une meilleure cohérence avec les TER, et le maintien des subventions de l’État est demandé. Toutefois, elle pense que « l’offre Intercités doit [information, tarification, billettique, ndlr] rester clairement identifiable par le public ». Du côté des trains de nuit, la Fnaut regrette particulièrement la disparition de la grande transversale structurante Luxembourg/Strasbourg–Nice/Portbou, demande que l’AMI soit revu et que « les nouveaux opérateurs doivent aussi pouvoir exploiter des trains de jour ».

Les régions sont peu convaincues

Le 7 septembre, lors de la conférence de presse de rentrée, Jean-François Neugnot, vice-président en charge des Transports de l’Association des régions françaises, a rappelé que l’ARF promouvait une ouverture du marché des TET. De son côté, Philippe Richert, président de l’Association et de la région du Grand Est, estimait que « les TET ont été gérés en dépit du bon sens » et mettait au centre des discussions avec l’État le renouvellement des matériels et la diminution des déficits, grâce à une meilleure gestion de l’offre et la maîtrise des coûts.

Moins d’une semaine après les annonces d’Alain Vidalies, Carole Delga, présidente de la nouvelle région Occitanie, ajoutait pour sa part un autre bémol en affirmant ne vouloir aucun transfert de TET dans sa région. Elle souhaite aussi bien le maintien des liaisons Aubrac (Clermont-Ferrand–Béziers) et Cévenol (Clermont-Ferrand– Nîmes) dans le réseau TET de jour, que l’ajout, à partir de Toulouse, des dessertes en antenne vers Cerbère et vers Hendaye au système des trains de nuit Paris –Toulouse–Rodez/Latour-de-Carol. « Sur l’ensemble de ces sujets, de nouvelles discussions se poursuivront entre le secrétariat d’État aux Transports et la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée durant l’été », concluait-elle.

Modèle normand et fusions régionales

Compte tenu de l’expression de toutes ces positions contradictoires issues de situations dissemblables, tant entre les régions qu’entre les lignes TET concernées, qu’il va falloir harmoniser, on comprend que l’accord entre l’État et la Normandie ait été particulièrement mis en avant par Alain Vidalies lors des annonces du 16 juillet. Il peut faire figure de véritable modèle en matière de transfert des TET, puisqu’il a été conclu après une négociation engagée très en amont, dès avril 2016, entre l’État, la région Normandie réunifiée et la SNCF.

Aux termes de cet accord, la Région devient l’autorité organisatrice pour les TET qui la desservent avec les relations Paris–Rouen–Le Havre, Paris–Évreux–Caen–Cherbourg, Paris–Évreux–Serquigny, Caen–Le Mans–Tours et Paris–Dreux–Vire–Granville (voir encadré page 27).

L’exemple normand, avec des spécificités qui sont en grande partie liées à l’importance des relations de type Grand Bassin parisien(5), ne peut cependant être reproduit tel quel au profit de toutes les relations TET à transférer entre l’État et les Régions. Ne serait-ce que pour des raisons évidentes de différence de coût, de besoin et de situation. Ce qui n’empêche que des résultats significatifs restent encore à attendre des négociations aujourd’hui en cours entre le préfet François Philizot et son équipe et les représentants des Régions qui portent sur les transferts des seize relations TET abandonnées par l’État.

Nouvelles donnes régionales

Le constat est d’autant plus vrai qu’il faut désormais tenir compte de la nouvelle carte régionale. Elle pourrait, in fine, favoriser la discussion et permettre d’aboutir à des solutions somme toute innovantes comme pour la Normandie. Ainsi peut-on considérer que le regroupement des deux régions normandes a pu aider à la conclusion de l’accord de transfert des TET, puisque la nouvelle région couvre la quasi-totalité des relations concernées, exceptée la partie sud de la rocade Caen–Tours qui devrait faire l’objet d’une entente avec le Centre–Val de Loire. L’ensemble se trouve être fortement structurant pour la région.

Une opportunité structurante comparable pourrait se présenter pour la ligne 4 déjà évoquée, dont désormais près de 80 % du kilométrage se situe dans le Grand Est. Un rôle de transversale régionale pourrait également être joué par la relation Reims–Dijon qui, du côté de l’offre TET, est en voie de dépérissement total puisqu’il ne subsistait l’an dernier qu’une seule rotation hebdomadaire. Aussi, Philippe Richert voit-il l’intérêt de cette ligne pour organiser le sud du nouvel espace régional au point de vue ferroviaire. « Mais il convient auparavant de régler la prise en compte du déficit du service des actuels TET [30 M€ en 2015, ndlr] et d’obtenir pour la région la liberté tarifaire comme celle de l’organisation de l’offre », assurait le 6 septembre le président de l’ARF, lors de la conférence de rentrée. Il préconise aussi le même type de démarche à adopter pour toutes les lignes TET à transférer. Un argumentaire que Philippe Richert voulait d’ailleurs mettre en avant à l’occasion d’une rencontre prévue le jour même avec Alain Vidalies.

Sans vouloir plaquer cette éventuelle solution sur toutes les lignes concernées, on peut toutefois penser que l’avenir d’un grand nombre de relations TET peut s’y trouver, ces lignes devenant elles-mêmes structurantes dans le cadre géographique des nouvelles régions. C’est le cas de Paris–Amiens–Boulogne et de Paris–Laon–Hirson, dont respectivement 88 % et 81 % du trajet se trouvent désormais dans la région des Hauts-de-France. Idem pour Paris–Orléans–Tours/Vierzon–Bourges–Montluçon qui se trouve majoritairement dans le giron du Centre–Val de Loire, en dépit de courtes incursions en Île-de-France au nord et en Auvergne–Rhône-Alpes au sud.

(1) Soit 1 833 kilomètres de relations structurantes, 2 055 kilomètres de lignes TET classiques et 1 891 kilomètres de relations nocturnes. Un ensemble – troncs communs déduits – de près de 4 500 kilomètres d’infrastructures empruntées sur le réseau, dont 82 % sont électrifiés.

(2) En effet, au-delà de l’impact de la future LGV Tours–Bordeaux pour les relations Paris – Toulouse, il faut tenir compte pour le trajet Bordeaux–Marseille de la LGV Nîmes–Montpellier, voire de l’emprunt possible de la LGV Méditerranée via Avignon jusqu’à Marseille. Sans oublier, au plus tôt après 2024, l’arrivée de la LGV Bordeaux–Toulouse.

(3) Jusqu’au 1er juillet 2017, date de mise en service de la LGV SEA Tours–Bordeaux, l’offre de nuit Paris–Bordeaux–Tarbes/Hendaye sera maintenue, comme celle entre Paris et Nice.

(4) TET: agir pour l’avenir, mai 2015.

(5) La reprise, déjà existante de fait avec les trains Aqualys, des TET Paris–Orléans–Tours par la région Centre–Val de Loire offre une situation assez proche de celle de la Normandie.

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Auteur

  • Michel Chlastacz
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