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Promesses électorales

Présidentielle 2017: les candidats donnent leur vision des transports publics

Quel avenir pour les transports publics? À quelques dizaines de jours de l’échéance présidentielle, « Bus & Car/Connexion » a interrogé les cinq principaux candidats.

« Il faut secouer le cocotier et faire comprendre aux échelons politiques supérieurs l’importance des transports pour nos concitoyens! » Sénateur LR des Alpes-Maritimes, président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) et vice-président du think tank TDIE (Transport développement intermodalité environnement), Louis Nègre a bien résumé les fortes attentes de tous les acteurs du transport public qui s’étaient réunis, le mercredi 22 mars au soir, au palais Brongniart, à Paris, à l’occasion du grand débat organisé par l’association éponyme. « Le transport – et c’est un euphémisme – ne semble pas être le thème dominant de la campagne », renchérit l’économiste Dominique Auverlot, directeur du département développement durable et numérique à France Stratégie, l’ex-commissariat au Plan. Le secteur est pourtant dans l’expectative: transition écologique, irruption du numérique, directives européennes, contraintes financières…autant de sujets qui soulèvent de nouveaux défis pour les opérateurs de la mobilité durable et pour leurs prestataires. Afin d’y voir plus clair, Bus & Car/Connexion a interrogé les cinq principaux candidats à l’élection présidentielle. Résumé de leur projet en sept points.

Investir et piloter

1. Vers un grand ministère?

Les attentes

« Nous souhaitons la création d’un ministère des Transports, des Mobilités et des Infrastructures de rang élevé pour porter le sujet. » Jean-Pierre Farandou, président de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), porte l’une des principales propositions des professionnels: rétablir le ministère tel qu’il existait jusqu’en 2007, avant que ne soient fusionnés le transport et l’écologie.

Les chiffres

358 milliards d’euros, c’est le total de la dépense transports en France, soit 16,7 % du PIB en 2014, dont 76 % consacrés à la route, 8 % au transport ferroviaire et 6 % aux transports collectifs. Source: Insee, ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer

Les propositions

« Quand on programme une transition énergétique, la création d’un grand ministère des transports est nécessaire », affirme Laurent Courtois, responsable syndical SNCF et conseiller de La France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon. François Fillon prévoit, lui aussi, un ministère de plein exercice qui s’intéresse aux transports, à la logistique et aux infrastructures. Benoît Hamon veut créer un ministère des mobilités « qui ne sera plus sous la tutelle du ministère de l’Écologie et du Développement durable. Cela permettra de traiter la question de façon complètement transversale. »

Du côté d’Emmanuel Macron, on ne promet pas un ministère dédié. « Nous souhaitons un gouvernement resserré. Mais la ville, l’aménagement du territoire, les transports doivent travailler ensemble », expliquait le député Arnaud Leroy lors du débat TDIE. À l’extrême droite, on prône la création d’un ministère de l’Aménagement du territoire, des Transports et de la Politique de la ville, « trois thématiques indissociables qui permettent de rééquilibrer la politique de la ville vers les zones désertifiées », déclarait Mikaël Sala, membre du Conseil stratégique de la campagne de Marine Le Pen.

2. Régénérer les infrastructures

Les attentes

« Le déclassement de nos infrastructures est en marche. Il a des conséquences sur la compétitivité et la cohésion sociale. » Interrogé par le TDIE, Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics, tire la sonnette d’alarme. Hervé Maurey, sénateur de l’Eure et président de la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable du Sénat confirme: « Les infrastructures ferroviaires françaises sont dans un état lamentable. En moyenne, elles sont deux fois plus vieilles que les équipements allemands. » La conséquence est une dégradation de la qualité du service et une baisse de la sécurité dont a témoigné l’accident de Brétigny-sur-Orge, en juillet 2013.

Les chiffres

– 29,8 % = baisse des dépenses d’investissement des départements dans le domaine routier entre 2008 et 2014*.

46 milliards d’euros = montant de l’investissement dans le réseau ferré pour les dix prochaines années dans le cadre du projet de contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau**.

Sources: *Assemblée des départements de France; **Arafer.

Les propositions

C’est le leitmotiv des Républicains dans le secteur des transports. « Nous donnons priorité à la modernisation du réseau existant, notamment ferroviaire », affirme Cyrille du Peloux, en charge de l’expertise transports du programme de François Fillon. Ce dernier envisage une loi de programmation dès le début du quinquennat, de même qu’Emmanuel Macron, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. Lequel prône également une renationalisation des autoroutes françaises. Même idée au Front National, qui souhaite aussi nationaliser les aéroports et soutenir massivement l’investissement dans les territoires ruraux.

3. Garantir et pérenniser les financements du secteur

Les attentes

« La disparition invraisemblable et coupable de l’écotaxe fait qu’il nous manque aujourd’hui 2,5 à 3 milliards d’euros par an », a avancé Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des départements de France. Les candidats sont conscients de la nécessité de moderniser les infrastructures de transport mais se retrouvent face à une impasse financière.

Les chiffres

1 % du PIB = part d’investissement de la France dans ses infrastructures de transports terrestres (routes et rail), contre 0,6 % en Allemagne.

– 10,5 % = diminution des dépenses d’infrastructures routières entre 2012 et 2014

Source: OCDE.

Les propositions

François Fillon n’a pas encore tranché entre une résurrection de l’écotaxe, la création d’une écotaxe régionale, un système de vignettes à assiette large et à montant limité, l’affectation d’une partie de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la mise en place plus large d’une taxation du carbone. Le Front National prévoit une taxe de 3 % sur les importations. Jean-Luc Mélenchon mise sur les taxes carbone et kilométrique, ainsi que sur la renationalisation des autoroutes. Il prévoit de consacrer 30 milliards d’euros de son plan de relance aux transports. Emmanuel Macron affecte 5 milliards de son plan d’investissement aux transports et aux équipements collectifs locaux. D’ailleurs, En Marche! soutient l’idée d’une taxe carbone atteignant progressivement 100 euros la tonne. Le candidat socialiste, lui, est favorable à une loi de programmation pluriannuelle servant de cadre stratégique et budgétaire en matière de mobilités. « Plusieurs outils de financement seront mobilisés comme les recettes issues de l’augmentation des taxes sur le diesel », annonce Benoît Hamon.

4. Stabiliser le cadre territorial

Les attentes

« Les régions ont aujourd’hui une responsabilité majeure en matière de transport scolaire, interurbain et interrégional. Il est important que la loi ne modifie plus dans l’urgence ce qui vient d’être décidé », a déclaré Philippe Richert, président de Régions de France. Même si elles ont été d’application délicate, personne ne souhaite véritablement une remise en cause des récentes réformes territoriales.

Les chiffres

46 % = contribution du versement transport payé par l’employeur au service public de transport, contre 35 % pour les collectivités locales, 17 % de recettes tarifaires et 2 % apportés par l’État.

Source: Rapport public annuel de la Cour des comptes 2015.

Les propositions

« Paradoxalement, il semble que la réforme territoriale ne soit pas un grand sujet dans le domaine des transports, commente Dominique Auverlot de France Stratégie. À l’exception de Marine Le Pen, chacun semble marquer une certaine pause. » Laurent Courtois, pour la France Insoumise, propose cependant quelques aménagements: « Il faut soulager les Régions. L’État pourrait prendre en charge l’entretien des routes, par exemple. La Région économiserait pour créer des bornes électriques ou mettre en place la gratuité des transports. Et c’est à l’État qu’il revient de réguler ». Marine Le Pen envisage la disparition des régions et des intercommunalités, délégant les transports régionaux à l’État. François Fillon souhaite donner encore plus de pouvoirs aux régions, par exemple en matière fluviale et de routes.

En ce qui concerne le financement, personne ne remet en cause le versement transport, payé par l’employeur et reversé aux autorités organisatrices de mobilités. Pas même François Fillon qui avait, un temps, annoncé sa suppression. Benoît Hamon, en revanche, prône des taux différenciés par région.

Décarboner et innover

5. Alléger la fiscalité sur les transports publics et aider les modes moins polluants

Les attentes

« Le transport public est un bien de première nécessité. Revenir à un taux de TVA réduit (5,5 % au lieu de 10 %) enverrait un signal favorable et aiderait les collectivités locales à le financer ». Directeur exécutif groupe France de Keolis, Frédéric Baverez a exprimé, lors du grand débat, une attente très partagée par les acteurs du secteur. Car l’urgence climatique et l’importance de la pollution locale rendent encore plus crucial un soutien aux transports publics et à leur décarbonation.

Les chiffres

300 millions d’euros = recettes que les autorités organisatrices tireraient d’une baisse de la TVA à 5,5 %*.

27,6 % = part des émissions françaises de gaz à effet de serre (GES) provenant du transport en 2013, hors transports aériens et maritimes internationaux**.

Sources: *UTP; **Citepa/ministère du Développement durable.

Les propositions

La réduction du taux de TVA n’est ouvertement défendue que par François Fillon et par Benoît Hamon. Tous en revanche – à l’exception de Marine le Pen – veulent taxer de façon égale le diesel et l’essence. Sous cinq ans pour En Marche!, à une échéance non spécifiée pour François Fillon. « Le problème du diesel doit être résolu par les politiques de transport public. Il faut y aller mollo », a tempéré son représentant lors du débat organisé par le TDIE. Benoît Hamon souhaite au contraire une interdiction d’ici à 2025. Les candidats veulent poursuivre la politique de soutien à l’acquisition de véhicules électriques de transport public et développer les infrastructures de recharge des carburants alternatifs. En Marche! souligne la nécessité de s’intéresser à tous les carburants alternatifs, tout comme Benoît Hamon, qui note un certain retard pris en matière de gaz naturel pour véhicules (GNV) par la France, notamment pour les bus et les cars. « Mais il n’est pas trop tard », a souligné Christine Revault d’Allonnes-Bonnefoy (PS) lors du débat TDIE. Marine Le Pen met tout particulièrement l’accent sur le développement de la filière hydrogène. Elle souhaite créer un fonds souverain participant à des projets innovants en matière de transition énergétique et augmenter le budget de la recherche publique.

6. Intégrer les nouvelles mobilités

Les attentes

« L’émergence des nouvelles mobilités est une très bonne nouvelle. Elle permet de réduire l’usage du véhicule personnel. Mais elle pose la question d’une forme de régulation à mettre en place. » Élisabeth Borne, PDG de la RATP, a résumé les nouveaux défis imposés au monde du transport public par l’essor du covoiturage, de l’autopartage, du vélopartage et des VTC. Voire, bientôt, des VTC autonomes. S’ils peuvent, parfois, concurrencer le train, le bus ou l’autocar, ils en facilitent aussi l’accès et offrent une alternative à « l’autosolisme ». Comment donc intégrer les nouvelles mobilités?

Les chiffres

74 % des Français utilisent la voiture pour se rendre au travail*.

44 % des utilisateurs du covoiturage longue distance ont recours aux transports en commun pour rejoindre leur lieu de covoiturage et 16,5 % pour rejoindre leur destination finale**.

Sources: *Dares, novembre 2015; **Ademe, septembre 2015.

Les propositions

Favoriser le parking dans les hubs d’intermodalité (gares) est pour beaucoup de candidats un point important. Notamment pour l’équipe de François Fillon, qui rappelle aussi que les villes peuvent créer des péages urbains. La France Insoumise soutient la création d’aires de parking, entre autres pour faciliter le covoiturage. Elle prône aussi l’utilisation de voies dédiées aux autocars en entrée de ville ou pour le covoiturage, sous réserve du maintien de la sécurité routière. Elle imaginerait volontiers un système d’aide à l’achat de véhicules en autopartage. « Notre priorité va à la promotion de tous les modes alternatifs à la voiture solo », résume, pour sa part, Benoît Hamon. Le candidat socialiste veut faire émerger un système d’information multimodale à l’échelle nationale, indépendant des grands opérateurs de transport mais aussi des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) et construire un système unifié indépendant de vente de titres de transport. « Il faut aussi développer des programmes de R&D pluridisciplinaires. Force est de constater que les transports n’ont pas été suffisamment pris en compte, en dehors de la construction automobile, dans les programmes d’investissements d’avenir », précise-t-il. Tout comme François Fillon et vraisemblablement Jean-Luc Mélenchon, il entend lancer un quatrième appel à projets Transports collectifs et site propre (TCSP), comme le demandent les États généraux de la mobilité.

Si François Fillon évoque un plan de soutien aux innovations digitales dans la mobilité, il n’avance pas de chiffres. Marine Le Pen prône, elle, la création de fonds de capital-risque et développement investissant dans des start-up et financé par 2 % de l’encours des contrats d’assurance vie. Mais aussi la création d’un secrétariat d’État aux Mutations économiques, qui veillerait à ce que les transformations engendrées par l’économie du partage ne créent pas une concurrence déloyale. Quant à Emmanuel Macron, il prévoit, dans son grand plan d’investissement, de développer de nouveaux services pour que tous les territoires soient raccordés efficacement aux lieux de travail, d’éducation, de culture ou de soins.

7. Préparer l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire

Les attentes

« L’ouverture à la concurrence doit être intelligente, avoir été concertée et n’oublier aucune question ». Guillaume Pepy, président du directoire de la SNCF, l’a appelé de ses vœux: l’État doit légiférer pour préparer l’ouverture à la concurrence prévue par le paquet ferroviaire européen et planifiée, pour les TER, en décembre 2023. Un propos partagé par l’AFRA, l’Association française du rail, qui regroupe les opérateurs alternatifs. « Les régions doivent pouvoir lancer des expérimentations qui permettront de fixer un cadre juridique, une politique tarifaire, les conditions d’accès aux gares, la sûreté et le transfert du personnel », expliquait Franck Tuffereau, délégué général, lors d’une récente conférence de presse. « Beaucoup de nos voisins étrangers ont libéralisé depuis longtemps. Cette ouverture a été positive pour tous. », conclut-il.

Les chiffres

28 % = part du coût du TER financée par les voyageurs*.

23,70 euros par train-kilomètre = coût moyen d’exploitation du TER (15 euros en Allemagne)**.

Sources: *Insee, Comptes des Transports; **AFRA.

Les propositions

« C’est sans doute l’un des sujets les plus clivants entre les candidats », souligne Dominique Auverlot, de France Stratégie. Laurent Courtois, conseiller de Jean-Luc Mélenchon, entend carrément « désobéir au paquet ferroviaire européen », qui impose la concurrence dans le transport de voyageurs, tout comme il veut supprimer les cars dits Macron et les remplacer par des trains. Marine Le Pen refuse, elle aussi, la privatisation du rail. Benoît Hamon est moins catégorique. « Les textes européens n’imposent pas une ouverture à marche forcée ni un modèle unique. Le prochain gouvernement pourra choisir les modalités et les principes directeurs qui vont régir une ouverture à terme du marché. Les autorités compétentes pourront choisir d’ouvrir les services ferroviaires ou de continuer à passer par l’attribution directe dès lors que la qualité du service public est garantie », précise-t-il. François Fillon, en revanche, prévoit une loi assez rapidement. « Il convient de définir en détail les modalités de la mise en concurrence – notamment les conditions de transfert de personnels – autour d’appels d’offres de type délégation de service public. Il faut donner aux réseaux, mais aussi aux gares, une autonomie complète. Et trouver une solution pour alléger la dette ferroviaire », explique son conseiller. Emmanuel Macron se prononce pour l’établissement d’un cadre législatif clair permettant l’ouverture. « Les régions qui sont prêtes pourront se lancer rapidement, les autres plus progressivement », a expliqué Arnaud Leroy lors du débat TDIE, précisant: « Nous sommes pour le transfert du personnel sous statut. L’État devra intervenir si certaines lignes manquent d’attrait. »

L’AFITF en mal de recettes pérennes

Opérationnelle depuis 2005, l’Agence de financement des infrastructures de transport France (AFITF) doit pourtant toujours se battre pour son budget. Elle devait notamment se voir affecter 800 millions d’euros par an provenant de l’écotaxe, qui a été d’abord amendée, puis abandonnée. « Tous les ans, le budget de l’AFITF est remis au goût du jour », a commenté Bruno Cavagné, président de la Fédération nationale des travaux publics. « Ainsi que le souligne le dernier rapport de la Cour des comptes, elle est confrontée à un mur de dépenses. Dans le même temps, les dépenses d’entretien du seul réseau routier national sont inférieures de plus de 100 millions d’euros à ce qu’elles devraient être et les dépenses de régénération du réseau ferroviaire le sont de plusieurs centaines de millions d’euros », constate Dominique Auverlot, de France Stratégie. Un dossier sensible pour le prochain gouvernement!

Dialogue social: l’éternel débat sur le service minimum

La demande a émergé lors des États généraux de la Mobilité durable: l’instauration d’un véritable service minimum dans les transports. Même si la loi de 2007 le prévoit, les acteurs dénoncent des utilisations abusives ou des contournements de certaines règles. Le sujet suscite la prudence des candidats. « Le service minimum, ça se négocie avec les partenaires sociaux, ça ne s’impose pas », explique Laurent Courtois, de l’équipe de Jean-Luc Mélenchon. François Fillon reconnaît que le service minimum n’est pas toujours très effectif, mais souhaite avant tout appliquer le dispositif existant, quitte à en clarifier certains aspects, comme le droit de retrait. Prudent, Benoît Hamon juge que la loi du 4 août 2014, qui a permis d’engager des négociations sur une convention collective dans la branche, constitue un élément positif pour le dialogue social.

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Auteur

  • Catherine Bernard, Caroline Albenois
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