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À Caen, les transports urbains changent de dimension

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À Caen, les transports urbains changent de dimension

Crédit photo Sandrine Garnier

La naissance de la communauté urbaine de Caen-la-Mer a élargi à quinze nouvelles communes le périmètre des transports urbains. Desservir de nouveaux territoires tout en restant performant et sans faire dériver la dépense publique: voilà la feuille de route des élus pour cette première étape de la transformation du réseau Twisto, qui aboutira à l’arrivée du tram fin 2019.

Avec la constitution de la communauté urbaine, Caen-la-Mer est passée de 35 à 50 communes au 1er janvier 2017. Le ressort territorial (ex-PTU) sur lequel s’exerce la compétence transport de la collectivité s’est étendu à trois nouveaux territoires, pour concerner au total près de 270 000 habitants. « Notre volonté commune, avec le président de la communauté urbaine, Joël Bruneau, est que chaque habitant bénéficie de l’offre de transport. Nos priorités en découlent: satisfaire les demandes des communes entrantes, faciliter le développement des modes doux et promouvoir les transports en site propre », énumère Rodolphe Thomas, vice-président de Caen-la-Mer en charge des Transports.

Première mesure de bon sens, l’intégration du réseau interurbain, communément appelé Bus verts, partout où cela était pertinent sur le territoire de Caen-la-Mer. « Il aurait été économiquement aberrant de rajouter des moyens là où ils existent déjà », souligne Bruno Guégan, directeur de l’exploitant du réseau Twisto, Keolis Caen… après avoir dirigé Keolis Calvados, gestionnaire des Bus verts! La complémentarité a été d’autant plus facilitée qu’il existait des accords tarifaires entre la ville et le département depuis 1985. Les modifications de compétences dues à la réforme territoriale obligent à présent l’autorité organisatrice caennaise à conclure de nouveaux accords avec la région, dont Rodolphe Thomas est également vice-président.

Complémentarité avec l’interurbain

Avec l’appui d’une campagne de communication dédiée, les usagers ont très rapidement compris le nouveau fonctionnement. « Certains trajets peuvent être plus efficaces avec les Bus verts », ajoute Bruno Guégan. Alignée sur les prix du transport urbain, la tarification est désormais plus avantageuse pour les anciens usagers des bus départementaux: 1,50 euro le ticket au lieu de 2,40 euros. Quant aux scolaires, ils conservent les mêmes conditions tarifaires sur leur nouvel abonnement Twisto. « Schématiquement, les Bus verts étaient réservés aux collégiens. Dorénavant, toutes les générations se retrouvent dans les véhicules », se félicite Rodolphe Thomas.

L’offre de transport a également été étendue au dimanche et aux jours fériés, avec un dispositif original. Sur réservation la veille du départ, deux allers-retours vers Caen sont proposés. À l’aller, la prise en charge se fait à l’arrêt choisi par le voyageur et la dépose est assurée à un point fixe en centre-ville. Et c’est l’inverse pour le retour. Ce transport à la demande s’effectue en partenariat avec une PME locale, les taxis Abeille, ce qui évite de mobiliser les véhicules du réseau et permet de maintenir les coûts à un niveau raisonnable. Autre nouveauté: le transport de soirée avec les lignes Flexo. Elles fonctionnent les vendredis et samedis soirs, et proposent deux départs à 22 h 30 et 0 h 30 depuis le centre-ville. « Un beau succès, notamment en périodes de vacances scolaires », relève Bruno Guégan.

Des transports adaptés à tous

Le service Mobisto de transport adapté est lui aussi étendu à l’ensemble du périmètre couvert par Twisto. Une flotte de neuf véhicules aménagés assure quotidiennement les déplacements de 7 heures à minuit, 7 jours sur 7, hormis le 1er mai. Le transport de porte à porte est effectué à la demande sur réservation préalable, aux tarifs en vigueur sur le réseau urbain.

« Un premier bilan des innovations sera effectué avant la rentrée de septembre, afin d’ajuster l’offre », poursuit Rodolphe Thomas. Le versement transport rapporte 51 millions d’euros par an. Les entreprises assujetties situées sur les communes entrantes verront le niveau de la taxe augmenter progressivement sur 5 ans, pour atteindre les 2 % en 2022. Si les élus sont décidés à améliorer l’offre du réseau urbain et à stimuler le recours au transport public, ils restent avant tout soucieux des finances publiques. « Notre objectif est de maîtriser l’évolution de la subvention d’équilibre, qui s’établit aujourd’hui à 11 millions d’euros par an », assure Rodolphe Thomas.

Une discipline budgétaire nécessaire pour préparer le réseau à vivre une forte mutation, avec la mise en service du futur tramway, prévue pour la rentrée 2019. Trois lignes permettront de desservir 36 stations, sur 16,2 km d’infrastructure, en partie sur le tracé de l’actuel Transport sur voie réservée (TVR, lire encadré en page 40). L’investissement se monte à 230 millions d’euros pour la communauté urbaine. Le tram reliera la presqu’île de Caen en traversant un nouveau pont. Les lignes du TVR caennais transportent aujourd’hui 40 000 voyageurs par jour, alors que la fréquentation du futur tramway est évaluée à 64 000 voyageurs quotidiens.

Un vrai tram pour 2019

Un nouveau centre d’exploitation et de maintenance dédié au tram sera construit à Fleury-sur-Orne: 2 500 m2 seront consacrés à l’exploitation et au poste de commande centralisé, 5 000 m2 à la maintenance et une station-service occupera 500 m2.

Caen a choisi le Citadis X05 d’Alstom, pour un montant d’environ 51,5 millions d’euros hors taxe. Les 23 rames seront livrées à partir de l’été 2018. Cette première commande pourra être complétée par des levées d’options, jusqu’à 9 rames d’ici à 2021. D’une longueur de 33 mètres, équipé de 6 portes doubles par côté, le Citadis de Caen-la-Mer pourra transporter plus de 210 passagers. Les trams circuleront sous alimentation aérienne, de façon à réutiliser les lignes de contact existantes. Les sous-stations, ainsi que les armoires électriques équipant les lignes du TVR, seront également conservées.

Le service du TVR prendra fin le 31 décembre 2017. Pour assurer la transition jusqu’à la mise en service du futur tram Citadis, 40 bus articulés vont circuler sur les lignes de remplacement. « Ces véhicules ont été acquis par anticipation et seront ensuite remis en circulation sur le réseau. Il ne s’agit donc pas d’un achat spécifique, précise Maxime Lecharpentier, directeur des transports à la communauté urbaine. La plus grosse difficulté sera de desservir les points d’arrêt qui se trouvent le long du chantier du tramway. » Pour garantir les meilleures conditions de transport, l’ensemble des arrêts, avec les dispositifs d’information voyageurs et les distributeurs automatiques doivent être déplacés.

Une DSP très disputée

Du fait de l’arrêt du TVR et de la fin des contrats liés à son exploitation et à sa maintenance, une nouvelle procédure a été lancée. « Après la gestion difficile de la fin des concessions d’exploitation et de maintenance, nous souhaitions nous engager dans une traditionnelle délégation de service public de six ans », lâche Maxime Lecharpentier, directeur des transports à la communauté urbaine de Caen-la-Mer. Pour autant, les missions du futur délégataire ne seront pas tout à fait classiques. En plus du lancement du nouveau réseau de tram, l’exploitant aura à gérer le démontage du TVR. Une première depuis la renaissance du tramway en France. « C’est un challenge supplémentaire, qui permettra à la société missionnée de démontrer sa capacité à mener à bien le démantèlement d’un tramway de nouvelle génération, déclare Maxime Lecharpentier. Nous attendons sur ce sujet les propositions des candidats, notamment en matière de recyclage. » L’exploitant sortant, Keolis, est opposé à Transdev et à RATP Dev pour la future DSP. Les dossiers sont actuellement en cours d’étude et le choix du délégataire sera connu à l’automne.

L’opération sera observée avec intérêt, particulièrement à Nancy (dont le réseau est opéré par Transdev), qui s’apprête à remiser son TVR. Même si la cité lorraine n’a pas encore arrêté le choix de son futur réseau structurant, les solutions retenues à Caen constitueront un retour d’expérience très utile.

Un parc de plus de 170 autobus

Le réseau Twisto se compose de deux lignes de tramway sur pneumatiques, le TVR, formant un axe nord-sud de 15,7 km. Autour de cette colonne vertébrale, circulent 25 lignes régulières d’autobus, trois navettes et sept lignes de transport à la demande; et six lignes d’autocar. Le réseau bus s’articule autour de quatre lignes structurantes, les Lianes, desservies par des bus articulés. Le service Mobisto dispose de sept véhicules adaptés pour réaliser tous types de déplacements. Le réseau Twisto dessert 50 communes, 1 258 points d’arrêts, et emploie 660 salariés. Près de 30 millions de voyages ont été effectués en 2016 avant l’élargissement du ressort territorial.

Sur 173 bus, 133 véhicules sont conformes aux normes Euro 4, Euro 5 et/ou EEV. Ces normes impliquent la mise en place d’équipements permettant de consommer moins de carburant et de limiter les émissions nocives pour l’environnement. Le parc de véhicules comporte 16 minibus, dont 6 Vehixel Cytios 2/18 et 5 Vehixel Cytios 3/23, 8 midibus Heuliez GX 127 et 137, une centaine de bus standard Heuliez, Irisbus, Volvo, Van Hool, et un peu plus de 50 bus articulés Heuliez et Irisbus. Des essais de bus électriques vont être effectués à partir du mois de juin, avec des véhicules Irizar et Heuliez.

Le dépôt d’Hérouville-Saint-Clair est équipé d’une station de traitement des eaux usées de lavage permettant de recycler 75 % de l’eau utilisée et de réduire la consommation d’eau de plus de 45 %.

Vers une billettique intermodale régionale

Caen a été, dès 2013, l’une des premières villes de France à expérimenter une solution de billettique dématérialisée intégrée au téléphone mobile via la technologie NFC. « Sur la base d’une très bonne idée, l’opération a été un flop technique et financier. Les résultats restent très en-deçà du niveau de l’investissement consenti », déclare Rodolphe Thomas, vice-président de Caen-la-Mer en charge des transports. Développée avec Orange, l’application NFC permet d’acheter un titre de transport 24 h/24 h et 7 j/7 directement à partir de son mobile, de le valider dans les bus et trams équipés de valideurs compatibles NFC, de consulter son solde de tickets ou de suivre sa consommation d’abonnement. Si la technologie fonctionne, l’absence d’un acteur majeur de la téléphonie, Apple, la condamne à rester marginale. La firme à la pomme préfère en effet développer sa propre interface de paiement, ce qui exclut de fait une bonne partie de la cible potentielle.

Avec le renouvellement du système billettique prévu pour 2018, l’autorité organisatrice se prépare à intégrer la solution intermodale liée à la carte régionale Atoumod. Lancée en 2007, Atoumod permet de voyager en train, en bus, en métro et en car et compte plus de 150 000 abonnés. Le dispositif regroupait quinze collectivités à la fin de l’année 2016. Le transfert à la région des transports départementaux implique l’intégration du Calvados, de l’Orne et de la Manche. L’abonnement est mensuel calendaire, valable du 1er au dernier jour du mois. Deux formules sont proposées: tout public et jeunes (moins de 26 ans).

Derniers tours de roue pour le TVR

Mis en service à la fin de l’année 2002, le Transport sur voie réservée (TVR) de Caen a été conçu pour proposer un mode de transport intermédiaire entre le bus et le tramway, adapté aux villes moyennes. Construit par Bombardier, le véhicule bimode diesel-électrique est doté d’une chaîne de traction électrique Alstom. Constitué d’un trolleybus bi-articulé de 24,50 mètres, à plancher bas intégral, le TVR peut circuler en mode guidé ou en mode conduit, aussi bien en traction électrique qu’en autonomie (mode diesel-électrique). En autonomie, le TVR circule sur la chaussée. En mode guidé, il suit un rail central, dans lequel s’insère un galet, et roule sur deux voies en béton. Pour quitter son rail de guidage, il suffit de relever les galets pour libérer le TVR de sa contrainte. Cette opération est appelée dédropage. L’inverse n’est pas aussi aisé, puisqu’il faut une sorte d’entonnoir qui replace un à un les galets sur le rail de guidage. L’alimentation électrique est réalisée au moyen d’un pantographe. À Caen, le véhicule fonctionne en mode thermique non guidé pour se rendre au dépôt et s’y déplacer. Dans ce cas, l’énergie électrique est fournie par un générateur diesel. Le véhicule n’étant pas bidirectionnel, il est nécessaire de prévoir des boucles de retournement aux extrémités de la ligne.

De nombreuses critiques s’étaient élevées au sujet du choix de cette technologie, soutenue à l’époque par l’État. En dehors de Caen, seule la ville de Nancy a opté pour le TVR, où il a été mis en service en 2001.

Après des débuts difficiles imputés au déverminage d’un matériel innovant, le TVR a continué à collectionner les incidents d’exploitation: usure prématurée, casse ou perte des galets de guidage, fragilité de la jupe de fibre de carbone de la rame qui s’arrache en cas de forte pluie, usure des timons reliant les différents modules des rames… Les avaries sont si nombreuses que le coût annuel de la maintenance serait supérieur d’un million d’euros aux prévisions initiales. En général, une quinzaine de rames sont disponibles sur les 24 achetées pour le réseau, ce qui réduit l’offre de transport sur les deux lignes du TVR. En 2009, Bombardier est même contraint de verser des compensations à l’autorité organisatrice, à hauteur de 1,8 million d’euros.

En 2010, un rapport du Conseil général du développement durable préconise le remplacement du TVR, au plus tard en 2019-2020. Un an plus tard, Bombardier annonce la fin de la fabrication du TVR pour 2018. Caen prend ensuite la décision d’opter pour un tram sur fer. L’arrêt du TVR implique la cessation anticipée des contrats de concession de 30 ans établis par l’autorité organisatrice lors du lancement du TVR. Le premier confie la construction de la ligne et l’entretien du matériel à la STVR, constituée de Colas et Bombardier. Le second contrat, signé avec Keolis, porte sur l’exploitation du TVR. Caen-la-Mer devra verser 17,3 millions d’euros à la STVR et 4 millions à Keolis. Motivé par des considérations financières, son coût d’achat étant inférieur de 40 % à celui d’un tramway, le choix du TVR n’a finalement pas été une très bonne affaire.

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  • Sandrine Garnier
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