Tandis que l’éclosion des navettes autonomes – sans conducteur – montre la faisabilité d’un transport collectif urbain à la demande en commandant une prestation de transport depuis un Smartphone, rappelons-nous qu’une prestation comparable était déjà proposée par le Busphone. Né il y a plus de quarante ans, ce service utilise les techniques de son temps: minibus avec conducteur et téléphone!
Au lieu de faire tourner des bus sur des lignes faiblement fréquentées, le service Busphone met en place un service à la demande. Il suffit de téléphoner à un opérateur pour convenir de l’heure du passage du minibus et de sa destination. Il s’agit donc d’un service proche d’un taxi, mais utilisant un minibus qui ne transporte généralement qu’un seul passager aux heures creuses. D’emblée, le coût du Busphone saute aux yeux. Il ne peut fonctionner qu’en étant largement subventionné par la commune.
Dans certaines conditions, la mise à disposition d’une flotte de véhicules, dont l’activité est organisée depuis un standard téléphonique, peut se révéler intéressante. La société LEX Inc exploite de la sorte un parc de 200 véhicules (transport de marchandises, ambulances, radio-taxis) à Santa Clara en Californie. Créée en 1973 par la régie Renault, la Trégie (Transports, Recherches, Études, Groupement d’Intérêt Économique) conclut un accord avec LEX.
Le 29 septembre 1975, les habitants de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) découvrent le transport à la demande avec la mise en service du Busphone dans leur ville. Aux heures de pointe du matin et du soir, les véhicules Busphone se consacrent au rabattage des usagers vers les gares SNCF, y compris celle de Garches/Marnes-la-Coquette, voisine de Saint-Cloud. Ils évitent ainsi le recours aux voitures particulières. Quant au service à la carte, il est disponible entre 8 h 30 et 17 heures, puis de 19 heures à 20 h 30. Le trajet est déterminé par l’usager, mais ses points de départ et d’arrivée doivent se trouver dans Saint-Cloud.
Le Busphone apporte la souplesse d’un taxi avec un coût bien moindre pour l’usager puisque le service est subventionné. Traduisez, il est financé principalement par ceux qui ne l’emploient pas. Il y a là une forme d’action sociale. Les usagers du Busphone qui l’utilisent pour se rendre à la gare ou en revenir évitent, ou retardent, la construction de parkings, d’où économie.
Pour l’opérateur de transport auquel est délégué le service, le transport à la demande élimine les détours et antennes non rentables. Le Busphone n’exige aucune infrastructure sur la voie publique puisque ses points d’arrêt sont variables. Il lui faut juste un bureau appelé « centre de contrôle et de répartition » où il sera répondu aux demandes, ainsi qu’un garage pour le stationnement et le petit entretien de ses véhicules. Autre point notable, le Busphone ne concurrence pas les autres systèmes de transport en commun, mais il les complète et draine vers eux. Seuls les taxis peuvent pointer du doigt une sorte de concurrence déloyale, mais il faut rappeler que le Busphone ne sort pas de la ville.
Les véhicules sont en liaison radio téléphonique permanente avec le centre de répartition. Une actualisation des missions à la volée est donc possible. Le Busphone de Saint-Cloud semble avoir été mis en place à l’initiative de la Trégie afin d’évaluer un tel système de gestion de flotte. C’est toutefois à la RATP qu’est déléguée l’exploitation du service.
Le 1er septembre 1983, le Busphone de Saint-Cloud est remplacé par deux lignes régulières de minibus. C’en est fini du transport en commun à la demande dans cette ville, mais les usagers gagnent la gratuité avec le passage au nouveau service.
En 1977, Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) crée à son tour son Busphone. Fait notable, ce service est toujours actif quarante ans plus tard! À l’heure d’Internet, le site Web de cette ville invite toujours, en 2017, à téléphoner pour réserver le Busphone! Il est d’ailleurs préférable de réserver la veille pour le lendemain. Cette méthode traditionnelle s’explique probablement par des usagers âgés, peu habitués aux formulaires du Web.
D’ici 2030, les navettes autonomes apporteront un service de transport à la demande. Il est concevable que la flotte de navettes soit vouée aux dessertes terminales à partir des systèmes de transport de masse aux heures de pointe, et qu’elle soit à la disposition d’utilisateurs isolés aux heures creuses. Le Busphone de Saint-Cloud a appliqué ce principe dès 1975.
