Que ce soit pour les trajets quotidiens ou les voyages au long cours, les prestataires de transport en autocar multiplient les services pour séduire toujours plus de clients.
Le wifi disponible en 2017 dans 80 % des TGV? Chez les autocaristes, l’annonce de la SNCF, fin 2016, a fait sourire: « Le wifi, c’est désormais un standard dans tous nos cars », remarque-t-on, par exemple, chez le leader du car longue distance, Flixbus. En effet, les cars font leur révolution depuis quelques années. Finis les véhicules inconfortables, surchauffés et les trajets ennuyeux dont les utilisateurs du voyage scolaire ont, en général, gardé un souvenir mitigé. Aujourd’hui, l’autocar s’affiche comme un moyen de transport résolument moderne et qui, en termes de bagages, connectivité et confort, donne même parfois le « la » à ses concurrents. Et ce, quelles que soient la nature et la longueur du trajet concerné.
L’arrivée des cars à Services librement organisés (SLO), à l’été 2015, a joué un rôle de détonateur. Pour s’imposer sur la longue distance face au train, à l’avion et à la voiture, les Flixbus, Ouibus et autre Isilines ont imposé de nouveaux standards. A commencer par le confort. « Tous nos bus sont équipés de sièges inclinables, moelleux, largement espacés de ceux qui les précèdent et de ceux qui sont situés à leur côté, de liseuses, de climatisation individuelle, de repose-pied, d’appuie-tête et, bien entendu, de toilettes », détaille ainsi Angélique Mantel, directrice marketing d’Isilines (groupe Transdev), troisième opérateur de cars longue distance.
Mais le confort n’est pas réservé qu’aux cars SLO. « Nous avions déjà des sièges largement espacés, nous venons en outre d’équiper nos cars de tourisme de têtières relevables et réglables », témoigne ainsi Jean-Luc Boubet, directeur de Boubet voyages, à Arconnay (72), qui, pourtant, effectue peu de transports en longue distance. Même témoignage du côté de Laurie Soulard, gérante de Loccars et bus (33), qui propose désormais repose-pied et repose-mollets pour les voyages de tourisme ainsi que des sièges inclinables, y compris pour ses publics scolaires! Et, de fait, le confort devient incontournable pour qui souhaite séduire une clientèle peu habituée à ce mode de transport, notamment en interurbain. « Nous utilisons des véhicules qui sont presque des cars de tourisme pour effectuer les transports du quotidien », assure ainsi Philippe Bihan, président de Bihan Cars, dans le Finistère, opérateur notamment de la ligne Brest-Lesneven. En Gironde, le département a même installé des zones de convivialité, autour de petites tables, dans certains de ses cars interurbains.
Le mouvement n’est sans doute pas près de s’arrêter. « Regardez le confort disponible sur certains cars à l’étranger, comme dans ceux de la compagnie balte Luxexpress qui propose des sièges en cuir particulièrement moelleux », remarque Cyril Darbier, patron de Darbier Voyages à Montargis et président de la commission tourisme à la Fédération nationale du transport de voyageurs (FNTV). Chez Flixbus, Yvan Lefranc Morin, directeur-général France, s’interroge: « Dans nos cars, faut-il proposer différents niveaux de confort avec des sièges encore plus spacieux et plus confortables pour ceux qui le désireraient et seraient disposés à s’acquitter d’un petit supplément? Cela se pratique dans certains pays, en Amérique latine par exemple, où les voyages en car au long court sont monnaie courante. Pour l’heure, nous n’avons absolument rien décidé! » Du côté de Ouibus, Roland de Barbentane, le directeur-général, nuance: « Tout mode de transport doit réfléchir à son niveau de gamme mais, pour l’instant, cette démarche n’est pas encore aboutie chez nous. »
Autre service désormais incontournable: le wifi. Certains avaient initié la tendance dans le début de la décennie, comme les cars Bihan dans le Finistère. « Nous l’avons introduit dès 2011 sur certaines lignes interurbaines », se rappelle Philippe Bihan. Une démarche imitée l’année suivante par le département de la Gironde, avec ses e-cars mis en service sur les lignes Bordeaux-Langon et Bordeaux-Lège. « Ils sont équipés de toits solaires qui alimentent le réseau wifi », rappelle Anne-Laure Fabre Nadler, vice-présidente chargée des mobilités au département.
Avec les cars SLO, ce qui n’était qu’expérimentation est devenu standard. Internet est désormais disponible gratuitement sur Ouibus, Flixbus ou encore Isilines. De quoi donner un coup de vieux à ceux qui ne suivent pas la tendance. La plupart des autocaristes spécialistes du tourisme sont désormais équipés, pour une facture d’environ 1 000 euros par an et par car. Mais la popularité du wifi a ses revers. Tout d’abord, impossible de se connecter à Internet sans terminal correctement chargé! Sur les longues distances, les cars doivent donc proposer aussi des solutions de recharge comme les prises électriques, voire les prises USB. « Il faut également gérer la bande passante du réseau local. Quel que soit le débit mis à disposition des voyageurs, il est toujours totalement utilisé, constate Roland de Barbentane. Facturer le service n’est cependant pas d’actualité. » En effet, le wifi n’est disponible que lorsque la couverture mobile est de qualité, ce qui ne peut être parfaitement garanti sur la totalité du trajet!
Côté divertissement, les offres avancent moins vite. « Que souhaitent vraiment les voyageurs? Rester dans leur bulle comme dans les transports urbains ou sont-ils prêts à partager des contenus collectifs? », interroge Cyril Darbier, le président de la commission tourisme de la FNTV. Sur les lignes régulières, qu’elles soient courtes ou de longue distance, la tendance semble être à des distractions toujours plus individualisées. La plupart des transporteurs proposent désormais la géolocalisation, qui permet de connaître l’avancement du car et son respect des horaires, exactement comme dans les transports urbains ou les avions. Certains vont plus loin. Ainsi Ouibus permet-il à ses clients de télécharger, avant le voyage, des contenus sur sa plate-forme dédiée et développée avec FnacPlay. Mais, pour l’instant, le succès n’est pas à la hauteur des espérances. « Nous réfléchissons à la façon d’optimiser ce service », explique Roland de Barbentane. Quant à Isilines (Transdev), l’opérateur propose un kiosque numérique pour la presse quotidienne et magazine. En Bretagne, les cars Bihan font de même mais en print puisque plusieurs dizaines d’exemplaires des deux principaux quotidiens locaux (Le Télégramme et Ouest France) sont distribués sur les principales lignes interurbaines avec un certain succès. « Les passagers les gardent, cela leur évite de s’abonner eux-mêmes! », sourit Philippe Bihan. En revanche, rares sont les transporteurs à avoir équipé leurs cars d’écrans individuels comme dans les avions. « Cela coûte de 25 000 à 30 000 euros par véhicule », souligne Cyril Darbier.
Les cars de tourisme sont également en pleine réflexion sur leur offre de divertissement: sauf si un guide est à bord, distraire les passagers n’est pas forcément simple. « Le car est considéré comme une sorte de salle de spectacle, soumis à un régime de droits d’auteur spécifique », rappelle Jean-Luc Boubet. Conséquence: il reste moins coûteux d’acquérir quelques DVD répondant à ces exigences et de les faire tourner entre les cars que d’équiper ces derniers de disques durs rassemblant plusieurs contenus. « Il faut alors payer pour chaque car », explicite Jean-Luc Boubet. Et quels contenus convient-il de prévoir? Des films, des jeux? « Pour ma part, je serais demandeur de services d’informations géolocalisées », précise le directeur de Boubet Voyages. Au passage à un endroit précis, l’écran du car diffuserait quelques photos, ou vidéos et quelques explications sur les particularités du lieu. Du diaporama simple au petit film d’animation actualisé en permanence, l’éventail des possibilités est infini. De son côté, Cyril Darbier se verrait bien créer de véritables événements. « À Paris, il existe bien le Bustronome, un restaurant ambulant ou encore The Ride à New York, expérience touristique High-Tech. Le car peut devenir une salle de spectacle à bord de laquelle on découvre des lieux chargés d’histoire grâce à des processus immersifs comme la réalité augmentée. Sur les plages du débarquement ou à Verdun, par exemple. » À bon entendeur…
Pourquoi la réservation d’un voyage en car ne deviendrait-elle pas la porte d’entrée vers l’organisation d’un voyage dans sa totalité? Challenger sur le marché des cars à services librement organisés, Isilines multiplie les partenariats en ce sens. Il était déjà possible de réserver via son site – ou ses agences – des nuits en auberge de jeunesse. Depuis le début de l’année, Isilines a noué un partenariat avec Booking, le site de réservation d’hôtels. Il est aussi possible de réserver des liaisons maritimes ou aériennes et de contracter une assurance voyage. Localement, la compagnie propose aussi l’accès à des événements spéciaux, gratuits ou à prix réduits: matchs de foot ou de handball, entrées dans un parc d’attraction, visites guidées, spectacles, etc. « Aujourd’hui, nous nous appuyons sur une vingtaine de partenaires et un client sur quatre profite de nos services et de nos offres », assure Angélique Mantel.
Aujourd’hui, s’ils se trouvent inclus dans le prix du billet – ou de la prestation -, les services annexes n’en constituent pas moins un investissement souvent rentable pour les autocaristes. « Avoir équipé tous nos cars de wifi nous différencie de notre concurrence locale et nous place dans une certaine dynamique », assure Jean-Luc Boubet. En Bretagne et en Gironde, le lancement de cars interurbains très bon marché, à haut niveau de service, très confortables, connectés, et offrant des services comme la presse ou des coins convivialité, a fait bondir le trafic. « Il a doublé depuis le début de la décennie », assure Philippe Bihan. Anne-Laure Fabre Nadler, en Gironde, avance des chiffres similaires pour ses e-cars.
La multiplication des services est aussi le nerf de la guerre dans la féroce concurrence que se livrent les compagnies de cars longue distance. C’est elle, également, qui leur permet d’élargir leur clientèle. « Nos enquêtes montrent une évolution de notre public, qui, au début, était concentré sur les jeunes. Aujourd’hui, plus de seniors et plus de femmes prennent nos cars et nous accueillons des catégories socio-professionnelles plus larges », assure Roland de Barbentane, chez Ouibus. « L’image du car s’est indéniablement améliorée, analyse Jean-Luc Boubet. Mais il reste du chemin à parcourir! »
Difficile, lorsqu’on prend le car, de miser sur la présence d’un service de restauration! Seul les grands opérateurs de cars longue distance comme Flixbus proposent du snacking à bord. « C’est compliqué: le chauffeur ne peut bien entendu pas assurer ce service lorsqu’il conduit », explique Cyril Darbier. Cependant, quelques opérateurs de tourisme offrent des services de traiteur (catering) et, au besoin, réservent des plateaux repas. Quant à Ouibus, il distribue régulièrement des exemplaires d’essai de bonbons ou de gâteaux. « C’est très apprécié », assure son Pdg. Morale de l’histoire, le distributeur automatique de boissons et de petits plats peu consommateur d’électricité reste à inventer!
En mai 2016, Keolis, opérateur des cars Air France a renouvelé la desserte par autocars des aéroports parisiens. Rebaptisé le Bus Direct, le service comprend désormais le wifi gratuit (utilisé par plus des 2/3 des clients), une prise USB à chaque place et d’une documentation touristique (sur écran et magazine). Surtout, les bagages sont désormais pris en charge par des bagagistes et les titres de transports sont dématérialisés. « En 2017, nous avons ajouté de nouveaux services comme la planification d’itinéraires en temps réel de porte à porte et le développement du site internet en trois nouvelles langues, explique Christine Pasquiou, directrice marketing et ventes d’Aérolis. Certes, la fréquentation n’a pas augmenté mais, dans un contexte de baisse de 15 à 30 % de la fréquentation touristique de Paris, le Bus Direct a tiré son épingle du jeu. »
