Newsletter S'inscrire à notre newsletter

Magazine

ITS: accompagner les territoires vers la mobilité 3.0

Comment stimuler l’innovation dans les territoires grâce aux nouvelles technologies? Deux ans après la rédaction d’un livre vert remis au gouvernement, la filière se structure afin d’assurer la valorisation et le déploiement des solutions françaises d’ITS.

Les transports intelligents constituent, depuis 40 ans, le sujet de réflexion de l’association Atec ITS France, qui rassemble 270 membres (exploitants, équipementiers, fournisseurs de solutions, chercheurs, collectivités territoriales et services de l’État). Mais si le sujet est ancien, l’intelligence est désormais une réalité. Bus, cars, trains, tramways, vélos et automobiles partagées sont aujourd’hui connectés, tout comme les infrastructures, et, bien sûr, les usagers. Comment donc gérer cette intelligence pour qu’elle serve au mieux exploitants et utilisateurs? Tel était l’objet de la journée technique organisée le 1er juin dernier par Atec ITS France à Issy-les-Moulineaux (92). Parce qu’ils fluidifient les trajets, facilitent l’intermodalité, « les systèmes et services intelligents constituent l’un des outils les plus prometteurs pour développer les modes alternatifs au véhicule particulier », a souligné Sandrine Gourlet, adjointe au directeur de la voirie et des déplacements à la Ville de Paris, et vice-présidente d’Atec ITS France, précisant: « Mais pour rendre les innovations possibles et crédibles, encore faut-il des territoires d’expérimentation. » Car il s’agit de relever au moins deux défis: être capable d’adapter l’offre aux besoins de mobilité d’une population en profond bouleversement et faire dialoguer les technologies pour les rendre totalement interopérables. « Aujourd’hui, la mobilité est liée au trajet domicile-travail à seulement 50 % », a souligné Sandrine Gourlet. Le modèle dominant des transports, reposant sur des trajets quotidiens toujours identiques aux heures de pointe n’est donc plus le modèle unique. Et ces bouleversements ne sont sans doute pas terminés. Le vieillissement de la population va-t-il, par exemple, augmenter ou réduire les besoins de déplacement? Mieux cerner les attentes de la population devient donc un défi.

Expérimenter pour mieux concevoir

Pour sa part, André Santini, maire d’Issy-les-Moulineaux, procède par expérimentations. « Nous n’avons pas de baguette magique pour effacer les bouchons ou la congestion des transports en commun. Mais nous pouvons tester. C’est pourquoi nous avons constitué, il y a dix-huit mois, un consortium (So Mobility) avec les grandes entreprises (Transdev, Cisco, Colas, Indigo, Ericsson, Enedis…), des start-up ainsi que le monde de la recherche. Nous appliquons le concept de Smart City à la mobilité urbaine. » Une expérimentation menée avec la société du Grand Paris, qui gère les travaux de la future gare du Grand Paris Express, a été lancée en mars dernier. Ainsi des capteurs ont-ils été installés sur certaines places de parkings en voirie. Combinés à l’information en temps réel communiquée par Indigo sur la disponibilité de ses parcs en infrastructure, ils alimentent un flux de données qui, transformées par la start-up Parking Map, permettent à l’automobiliste de trouver un stationnement puis de savoir comment continuer son trajet en transports en commun. Une fois son véhicule garé, l’usager a pu ensuite, pendant quelques semaines, traverser le parc piétonnier de l’île Saint-Germain pour rejoindre, sans se fatiguer ni, le cas échéant, subir les intempéries, la station de RER Val-de-Seine, grâce à une navette autonome Easymile. « 2 600 passagers l’ont utilisée, a souligné Coralie Renard, responsable de projet marketing et innovation au département systèmes de transport autonome chez Transdev. La satisfaction s’est établie à 9,3 sur 10 parmi les 200 passagers interrogés. » L’absence de conducteur n’a visiblement pas dérangé les passagers. Quant à la cohabitation avec les piétons, dont certains, parfois facétieux, s’amusaient à s’arrêter devant la navette, elle s’est bien passée. Avec une vitesse moyenne de 5,9 km/h, ce moyen de transport ne peut cependant servir qu’au dernier kilomètre.

L’open data, un outil indispensable

Pour mieux convertir les usagers aux transports collectifs, propres ou partagés, l’open data, autrement dit, la mise à disposition des données publiques – désormais obligatoires pour toutes les collectivités de plus de 3 500 habitants –, joue un rôle essentiel. « Il y a beaucoup de déplacements dans ma ville mais je ne sais pas qui voyage, ni pour quelle raison. Si je pouvais avoir plus de données, je pourrais prendre plus facilement des décisions à court terme. Par exemple pour savoir que faire en cas d’événement imprévu. Ou, à moyen terme, pour mieux planifier les transports », a expliqué Éric Legale, directeur d’Issy Media, société d’économie mixte qui gère notamment ces questions. De son côté, la société Transway, basée à Nantes, utilise les données publiques des systèmes de transports pour concevoir des outils d’incitation au report modal. « Grâce à notre connaissance des transports et des trajets réalisés, nous proposons des programmes de fidélisation avec récompenses associées pour favoriser, par exemple, le décalage d’horaire, le covoiturage ou l’intermodalité, a expliqué Nicolas Tronchon, son Pdg qui propose déjà son programme Ecomobi à Lyon, Bordeaux et dans 24 autres villes françaises. Les trois quarts des personnes qui y ont goûté utilisent notre service régulièrement. » Start-up bordelaise, Qucit agrège elle aussi les données: statiques (rues, crèches, restaurants, etc.), dynamiques (calendrier, événements sportifs, actualité météorologique, données issues de capteurs de bruits ou de pollution, etc.). Puis elle conçoit des algorithmes qui prévoient, par exemple, la disponibilité des vélos en libre-service. « Cette fonctionnalité est utilisée par le Stif pour favoriser l’intermodalité », a expliqué Marie Quinquis, responsable marketing de Qucit. Alors que Paris tente de redonner une nouvelle place à la marche à pied, QuCit réalise aussi des cartes estimant le niveau de confort des piétons sur certaines grandes places en fonction de différents paramètres. Ce qui devrait aider à optimiser leurs aménagements.

En Loire-Atlantique, de nouveaux voyageurs grâce à l’open data

Il y a deux ans, le département de Loire-Atlantique a décidé de mettre ses données de transport en open data. « Il a fallu passer du format Excel au format General Transit Feed Spécification (GTFS), un format standardisé pour communiquer des horaires de transports en commun et les informations géographiques associées. Surtout, il a fallu apprendre à visualiser les données que nous produisions, a expliqué Lætitia Berthomé, du service transport, information voyageurs de Loire-Atlantique. Auparavant, nous travaillions à l’aveugle et nos données étaient mauvaises à 78 %! La qualité a beaucoup progressé. » Cette amélioration a d’abord profité au Département lui-même qui a développé une application baptisée Lila. « Cette application est minimaliste car nous ne comptons que 10 000 voyageurs. D’où l’intérêt de fournir ces données à d’autres éditeurs qui touchent d’autres publics, notamment les touristes », poursuit Lætitia Berthomé qui se réjouit d’avoir déjà séduit Destineo. fr, Transitapp, Herewego, et RomeToRio.

À quel prix expérimenter?

À l’heure où les collectivités territoriales se retrouvent avec des contraintes budgétaires très serrées, mettre en place des expérimentations n’est pas toujours simple. D’où la vogue des appels à projets dans lesquels la collectivité met en avant ses besoins, son cadre réglementaire, labellise des initiatives privées, mais ne finance rien. Ainsi fonctionne, par exemple, So Mobility à Issy-les-Moulineaux. Difficile cependant, pour les nombreuses start-up, de toujours y trouver leur compte. Pdg de Clem’, qui propose de l’autopartage électrique, du covoiturage et des services de réservation de recharge électrique dans plusieurs régions françaises (Orne, Ardennes, Marne-la-Vallée, Saclay, etc.) et, désormais, à l’étranger, Bruno Flinois avoue ne pas avoir encore atteint tout à fait l’équilibre. « Nous ne coûtons rien aux collectivités. Celles-ci doivent simplement investir dans des bornes de recharge, largement subventionnées », précise-t-il. D’où l’importance de certains acteurs publics, comme la Caisse des Dépôts, désormais actionnaire de plusieurs start-up actives dans la mobilité – Clem’, City Scoot (scooters électriques partagés), Citizen Mobility (transport de seniors), TOTEM mobi (véhicules électriques en autopartage).

L’indispensable harmonisation technique

Autre écueil: l’interopérabilité. « À présent, le toit d’un bus peut être équipé de cinq ou dix antennes GPS ou Wifi qui interviennent pour la maintenance préventive, l’information en temps réel, la connectivité des passagers, la gestion de l’écoconduite, etc. », insiste Anders Selling, secrétaire général de l’association ITxPT. Une inflation synonyme de surconsommation électrique mais aussi de surcoûts. « Ces services atteignent entre 32 et 38 % du coût des équipements d’un bus, eux-mêmes estimés à environ 30 % de son prix », assure Emmanuel de Verdalle, directeur technique de l’organisation. Créée en 2013, et comptant une quarantaine d’adhérents, ITxPT développe une architecture ouverte et labellise les équipements. « Les bus de demain doivent être équipés d’un réseau informatique sur lequel peut se brancher en Plug & Play n’importe quel système venant de n’importe quel fabriquant. Cela fera baisser les coûts, mais augmentera aussi la concurrence », a résumé l’expert. D’ores et déjà, Ruter, l’autorité de transport d’Oslo (Norvège), ou encore TFL (celle de Londres) ont décidé de renouveler leurs matériels en exigeant cette interopérabilité. « Elle est d’autant plus importante que les véhicules devront à l’avenir dialoguer entre eux et avec les infrastructures », a noté Thierry Ernst, fondateur de Yogoko, spécialisée dans les communications.

La carte KorriGo, un exemple d’interopérabilité

L’interopérabilité ne concerne pas que les matériels roulants. Elle touche également les systèmes d’information. Pouvoir circuler dans toute la Bretagne – soit deux métropoles et 17 autorités organisatrices de mobilité – avec une seule carte: tel a été l’objectif, dès sa création en 2006, de la carte KorriGo. « Cela a été un énorme travail, très progressif et qui n’est pas achevé », témoigne Stéphanie Chérel, chargée de l’interopératiblité des systèmes billettiques bretons. Le déploiement a commencé à Rennes puis sur le réseau TER, à Brest, Quimper, Lorient, Saint-Brieuc et bientôt Saint-Malo, soit 800 000 cartes émises depuis 2006. Aujourd’hui, chacun peut donc acquérir des droits dans un ou plusieurs de ces lieux et voyager avec une carte unique. Certains services complémentaires sont également proposés (piscines, services de la vie universitaire, bornes de recharge, etc.). Prochaine étape: « Pour dématérialiser les cartes, les recharger par téléphone ou faire rentrer des villes moyennes qui n’ont pas les moyens d’installer des solutions lourdes, nous devons développer des systèmes de billetteries légères où le titre de transport est conservé dans le système d’information et non sur la carte », a expliqué Stéphanie Chérel. Ce qui contraint tous les opérateurs de transports adhérents à relier leurs systèmes. Ce qui n’est pas, pour l’instant, le cas. Un nouveau défi en perspective!

En Allemagne, une interopérabilité presque fédérale

Outre-Rhin, 60 millions de personnes, vivant dans 402 agglomérations, soit 70 % du réseau de transport en commun, peuvent désormais utiliser leur solution de transport locale pour voyager où bon leur semble sur tout le territoire allemand. Créée en 2003, l’association sectorielle VDV (Verband Deutscher Verkehrsunternehmen), qui réunit les acteurs du transport, a créé un système d’interface de données permettant de mettre en relation l’immense majorité des systèmes de transports (locaux, régionaux, urbains, longue distance). Se développent aussi des services annexes: parkings, auto et vélo partage, services urbains. Prochaine étape: permettre la compensation pour que, comme en matière de télécommunications, un opérateur de transport puisse vendre un titre de transport d’une autre région et transférer la somme à son homologue distant.

Retour au sommaire

Auteur

  • Catherine Bernard
Div qui contient le message d'alerte

Envoyer l'article par mail

Mauvais format Mauvais format

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format

Div qui contient le message d'alerte

Contacter la rédaction

Mauvais format Texte obligatoire

Nombre de caractères restant à saisir :

captcha
Recopiez ci-dessous le texte apparaissant dans l'image
Mauvais format