Ofo, indigo Weel, oBike ou Gobee.bike, ces vélos en free floating s’apprêtent à envahir les chaussées des grandes agglomérations françaises. Sans abonnement ni station, ils se présentent comme des services complémentaires aux vélos officiels de type Vélib’.
Les vélos en free floating ont envahi les travées du salon Autonomy qui s’est déroulé du 19 au 20 octobre à la grande halle de La Villette à Paris. Un avant-goût de ce qui pourrait réellement se produire dans les grandes agglomérations françaises car ces vélos en libre accès et sans station, que l’on peut prendre et reposer (presque) où l’on veut, s’apprêtent à coloniser les pavés. Les deux-roues peuvent être loués par le biais d’une application, localisés à l’aide d’un GPS, puis déposés sur n’importe quelle place publique. Début octobre, Gobee.bike a commencé à essaimer quelques centaines de vélos à Lille et Paris. L’entreprise, venue de Hong-Kong, compte s’étendre dans une dizaine de villes en France et en Europe d’ici la fin de l’année 2017. Elle juge son offre « complémentaire » aux services des vélos officiels type Velib’ et n’hésite pas d’ailleurs à déposer ses vélos vert pomme juste à côté des bornes officielles. Les vélos du consortium franco-espagnol Smoovengo (choisi aux dépens de JCDecaux), vont devoir partager la chaussée. Le singapourien oBike, créé début 2017, s’annonce quant à lui dans la capitale avant la fin de l’année avec 300 vélos. L’entreprise compte ensuite se développer « dans plusieurs autres grandes villes et les villes étudiantes », indique Rudy Igoufe, directeur des opérations. Mais de nouveaux acteurs beaucoup plus puissants débarquent à leur tour.
Ofo, le leader mondial de la location de vélos en libre-service sans station, déjà présent dans 180 villes à travers le monde avec 10 millions de vélos, a dévoilé ses ambitions sur le salon Autonomy. « Nous voulons être leader » en France, a déclaré Laurent Kennel, son directeur général France. Ce dernier se montre beaucoup plus discret sur le déploiement de sa flotte jaune canari. L’entreprise serait en pourparlers avec « au moins cinq villes majeures ». Ofo ne se positionne pas comme un concurrent frontal des Velib’: « Nous sommes complémentaires à l’offre publique subventionnée », explique M. Kennel, en rappelant que la mairie de Paris s’est fixé un objectif de 15 % de déplacements quotidiens à vélo en 2020, bien supérieur au taux actuel qui plafonne à 4 % malgré 20 000 Vélib’. « Nous sommes prêts à proposer notre service à Paris et aux autres grandes villes françaises. Nous privilégions la collaboration avec chaque ville pour en comprendre les contraintes et proposer le meilleur service possible aux utilisateurs », souligne ce patron aux allures de start-uper. Sur son stand, plusieurs représentants de collectivités défilent, forcément intéressés. Car ce système ne leur coûte rien et ne nécessite aucune infrastructure ni service de maintenance: tout est pris en charge par les opérateurs. En revanche, ces derniers ne payent aucune redevance pour l’utilisation du domaine public, et certaines collectivités, à commencer par la Mairie de Paris, pourraient envisager d’y remédier (cf. encadré).
Face au péril jaune d’Ofo, le français Indigo (filiale de Vinci), leader mondial du parking, présente son service Indigo Weel. L’opérateur annonce une première implantation à Metz début décembre avec l’objectif de proposer un vélo « tous les 150 mètres », soit 500 vélos en tout. Deux autres villes françaises figureront au catalogue avant la fin de l’année. Comme chez Ofo, Indigo n’envisage de s’installer « que dans les villes demandeuses », explique Paul Valencia, responsable du pôle mobilité d’Indigo. Contrairement à ses concurrents, Indigo dispose déjà d’une forte présence dans les villes françaises, à travers son réseau de 200 parkings. « Nous connaissons les besoins et pouvons travailler en collaboration avec les collectivités », assure Paul Valencia. Notamment pour déterminer les zones d’implantation et les quantités de vélos à déployer en fonction des besoins, voire les partenariats locaux pour associer des réparateurs locaux. Indigo Weel vise les villes françaises de plus de 200 000 habitants. Pour cela, l’entreprise s’est associée avec le chinois OBK Holdings qui fournit les vélos et l’application mobile. Les deux sociétés visent une implantation dans 16 pays d’ici 18 mois, avec une priorité donnée à la France sur 2018. Particularité, certains vélos d’Indigo Weel pourront disposer d’une batterie électrique, amovible et disponible dans des distributeurs que l’on pourrait trouver dans les parkings du groupe.
Pour assurer un minimum de rentabilité, les opérateurs de free floating ont intérêt à assurer un taux de rotation au moins équivalent à celui du Vélib’, soit 7 utilisations par jour, ce qui tient également compte du prix de la maintenance et des dégradations. Car l’inflation des vélos sur la chaussée peut donner lieu à quelques gestes d’énervement. En Suisse, une invasion de vélos oBike sur les emplacements de stationnement cyclistes a excédé les habitants, qui en ont saccagé 200 exemplaires. Et les images glanées sur Internet, qui montrent des pelletées de bicyclettes jetées en vrac dans les fourrières des villes chinoises, donnent une image peu reluisante de vélos jetables. Pour éviter de retrouver ses vélos déposés de manière anarchiques dans les villes, Indigo Weel mise sur un système de bonus, destiné à inciter les usagers à laisser leurs engins dans des lieux appropriés. « Nous avons répertorié tous les arceaux des villes dans notre application », explique Paul Valencia. De même, les usagers sont priés de ne pas sortir d’une zone prédéfinie. « Certains de nos concurrents vont rechercher les vélos très loin. Afin de garder une densité suffisante, nous mettons en place une zone de geofencing en accord avec les collectivités. Ainsi, sur Metz, qui fait 40 km2, il ne sera possible d’utiliser les vélos que sur les 25 km2 du centre urbain. » À l’inverse, Ofo ne se donne aucune contrainte géographique. « C’est le client qui a raison, nous sommes capables de nous adapter à tous les flux », assure Laurent Kennel. Il est vrai qu’en disposant d’un trésor de guerre – la start-up a levé 700 millions de dollars en juillet dernier – Ofo a de quoi semer ses vélos à tous les vents.
Contrairement aux vélos de type Vélo’v ou Vélib’, les vélos en free floating sont accessibles et peuvent être déposés dans n’importe quel espace de parking public destiné aux vélos (voire un peu n’importe où). Il faut, au préalable, télécharger l’application de l’opérateur et se créer un compte, avec ses coordonnées carte bleue pour une caution (entre 15 et 50 €). Un code QR permet de déverrouiller le vélo avec un téléphone portable (le cadenas libère la roue arrière). En fin de parcours, l’utilisateur abaisse manuellement un verrou situé sur la roue arrière. Le GPS intégré dans le vélo permet au prochain utilisateur de localiser l’engin. Il sert aussi de balise en cas de parking inadéquat (par exemple au milieu de la chaussée) ou de vol ou déplacement frauduleux. Mieux, tous les déplacements sont enregistrés pour constituer en temps réel une cartographie des déplacements. Ces vélos fonctionnent sans abonnement avec un paiement par tranche de 30 minutes (environ 50 centimes la demi-heure). Plus cher que le Vélib’, qui propose un abonnement à 29 € l’année, mais plus pratique: pas besoin de se préoccuper de l’emplacement des stations. Les vélos pèsent en général 3 à 4 kg de moins que les derniers modèles de vélos en libre-service. Moins robustes donc, mais plus légers.
« Nous sommes favorables à ces nouvelles offres, mais il faut les organiser et les réguler », explique Christophe Najdovski, adjoint à la maire de Paris chargé des transports. Soucieux d’« éviter une concurrence déloyale manifeste », M. Najdovski précise que ses services réfléchissent à « la possibilité d’une redevance d’occupation du domaine public, pour une activité qui est privée et lucrative ». Concédant qu’il existe un « vide juridique » pour ce genre de système, il a invité les représentants des opérateurs à en discuter.
