Strasbourg est désormais à 1 h 45 de Paris grâce à l’arrivée du TGV est-européen. Une réorganisation des transports régionaux a ainsi été mise en place par les autorités organisatrices dès 2007, afin de relier les dessertes urbaines et périurbaines au TGV.
La région Grand Est se pose en carrefour de l’Europe. Son territoire est traversé par deux liaisons à grande vitesse (LGV): le TGV Rhin-Rhône (2011) et le TGV est-européen, construit en deux phases pour étaler les coûts. Le premier tronçon de 300 km reliant Vaires-sur-Marne (77) à Baudrecourt (57) est en service depuis le 10 juin 2007. Le second tronçon, long de 106 km, inauguré le 3 juillet 2016, met Strasbourg à 1 h 45 de Paris. Le transport quotidien régional est-il suffisamment interconnecté avec le Paris-Strasbourg? « Cette LGV, qui constitue l’ossature du réseau ferroviaire de cette nouvelle grande région, consolide son potentiel et améliore encore ses perspectives, commente Éric Vande Gehuchte, directeur du TGV est-européen. Le porte-à-porte est notre priorité. Nous nous focalisons notamment sur les correspondances TGV avec les grands axes TER. Comme le TER 200 qui parcourt la plaine d’Alsace. » Seul bémol: les aléas de production liés aux nombreux travaux de rénovation du réseau, qui obligent parfois la SNCF à adapter rapidement des horaires TGV sans laisser la possibilité aux TER et aux autorités organisatrices de complètement moduler leur offre pour garantir les correspondances.
La région Grand Est se place au deuxième rang en France pour le nombre de trains qui circulent: 1 676 par jour. Et avec la meilleure régularité: 96 % pour l’Alsace et 95 % pour la Champagne-Ardenne, quand la moyenne nationale se situe aux environs de 92 %. « La Région a déjà l’expérience du TGV, avec l’arrivée de la première phase en 2007 et le Rhin-Rhône en 2011 », explique David Valence, président de la commission transports au conseil régional Grand Est. Suite à la mise en service du deuxième tronçon, la Région a mis en place le cadencement de ses lignes TER. Une décision qui a permis d’ajouter 200 trains par jour depuis le 1er janvier 2017. « Nous poursuivons un double objectif: connecter les TER aux LGV et faire en sorte que les liaisons quotidiennes ne soient pas trop perturbées. »
Certaines lignes sont ainsi moins bien desservies mais la grille horaire est plus lisible. « Auparavant, un TER pouvait passer à 7 h 06 puis 8 h 14, poursuit David Valence. Aujourd’hui, l’usager sait que son train passe toutes les 10 minutes, toutes les heures ou toutes les deux heures. » La Région a également lancé un plan de modernisation des gares. Selon l’autorité organisatrice, mieux vaut une gare bien aménagée, avec des capacités de parking importantes et des bus fréquents que de trop nombreux arrêts desservis par les TER. « Les temps de parcours ferroviaires doivent rester compétitifs. À chaque arrêt, on multiplie le risque de pannes, de problèmes techniques et on alourdit le bilan carbone », continue David Valence. Dans la région Grand Est, 270 millions d’euros ont ainsi été investis en 2016 pour moderniser et développer le réseau ferré classique.
Mais les interconnexions entre TGV et TER sont complexes à mettre en place. Certains TGV ont des horaires précis et réguliers. C’est le cas pour les grandes liaisons comme Strasbourg-Paris et Mulhouse-Paris. D’autres LGV radiales, comme Strasbourg-Mulhouse ou Strasbourg-Colmar sont plus difficiles à rallier car les services sont irréguliers. « Avec l’arrivée du deuxième tronçon, nous avons perdu certaines dessertes TER. À Saint-Dié-desVosges, le TGV occupait des sillons dédiés aux TER, ajoute David Valence. Et les gares, pensées au XIXe siècle, ne permettent pas toujours de faire arriver tous les trains. Plusieurs mois de travail avec la SNCF ont permis d’identifier les solutions techniques pour que le TER puisse aussi circuler et éviter les correspondances de 1 h 30 en gare de Nancy par exemple, ramenées à 20 minutes. »
Pour la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut) Grand Est, la desserte de certaines communes d’Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne ne permet pas toujours de rejoindre le TGV de façon efficace. « Être à 1 h 45 de Paris c’est bien mais les usagers qui habitent à Haguenau (67) et qui doivent prendre le Strasbourg-Paris de 5 h 42 sont obligés d’utiliser leur voiture jusqu’à Strasbourg et de payer un surcoût de parking car les TER n’ont pas la même amplitude horaire que les TGV, dénonce François Giordani, président de la Fnaut Grand Est. Le porte-à-porte n’est pas assez développé. Les correspondances entre TER et transports urbains doivent être développées pour compléter les effets du TGV. »
Pour coller le plus possible aux horaires du TGV, Trace, qui opère le réseau de bus de l’agglomération de Colmar, travaille en amont avec la SNCF. « Notre objectif est d’être le plus en correspondance possible avec le fer et l’urbain, indique Michel Madinier, le directeur. D’où la fréquence de la ligne 1 par exemple, qui passe par la gare: toutes les 11 minutes. » Comme de nombreux opérateurs, un toilettage annuel est effectué en septembre sur le réseau Trace: « On balaie les horaires des gros pôles d’attractivité, des écoles et ceux de la SNCF et nous adaptons nos moyens sur route », ajoute Michel Madinier.
Autre problème soulevé par la Fnaut: la pertinence des infrastructures. « La gare Lorraine TGV située en pleins champs à Louvigny (57) a été construite en dépit du bon sens, à mi-chemin de Nancy et de Metz mais sans connexion au réseau TER. Il faut donc y aller en voiture ou en car. » C’est le serpent de mer de la politique dans la région depuis son implantation en 2000. Une gare d’interconnexion aurait pu la remplacer à Vandières, au croisement de la LGV est et de la ligne Metz-Nancy. Mais une consultation populaire en 2015, avec un taux de participation de moins de 10 %, bloque cette initiative. Une gare doit donc être située en centre-ville pour optimiser les connexions entre le transport urbain et périurbain. L’agglomération de Strasbourg l’a bien compris et place sa gare centrale au cœur de sa politique multimodale. « L’impact majeur de l’arrivée du TGV s’est fait en 2007 », indique Ronan Golias, chef du service des déplacements à Strasbourg Eurométropole. Cette même année, la gare de Strasbourg, classée bâtiment historique, s’est radicalement transformée, avec notamment l’adjonction d’une imposante verrière. « L’arrivée de la LGV a rendu la gare trop exiguë, précise Ronan Golias. Cette annexe a élargi les espaces intérieurs et a permis l’accès à la station de tramway souterraine. Car, en 1994 lors de la création du tramway, le hall de la gare ne pouvait pas accueillir les flux. Le rendez-vous manqué de 1994 dans la connexion train-tram a été rattrapé en 2007. »
La place de la gare a également été réaménagée avec la création d’un parking de 850 places de vélos, saturé jour et nuit. Quant au parc relais automobile, largement étendu, il peut désormais abriter 1 526 véhicules. Du fait de sa situation en cœur de ville, le trafic piéton aux abords de la gare est important. Strasbourg Eurométropole a donc pour ambition de favoriser un itinéraire piéton confortable avec des rues aménagées. À l’instar de la rue du Maire-Kuss, face à la gare, qui vient d’être piétonnisée.
L’offre de transport en commun a été renforcée aux abords de la gare. Des lignes de bus et deux lignes de tramway, telle que la ligne C, qui va de la gare au campus universitaire, ont été ajoutées. « L’idée est de rééquilibrer les flux et d’alléger la saturation au niveau de la gare », affirme Ronan Golias. Une ligne de bus à haut niveau de service (BHNS) de la place de la Gare vers l’Espace européen de l’entreprise, une zone tertiaire dense, avec 80 % en site propre, a également été inaugurée en 2013. Depuis, cette ligne courte de 5 km transporte 10 000 passagers par jour. Ces renforts progressifs visent à désengorger la gare. Cependant, cet objectif n’est que partiellement atteint. C’est pourquoi l’ambition de l’Eurométropole est d’optimiser l’utilisation des 13 gares situées sur son territoire. Un BHNS de rocade est ainsi en projet afin de desservir entre elles les polarités de première couronne. « Pour ce faire, la mise en place d’une desserte systématique et cadencée des gares de banlieue, dans la logique d’un RER à la strasbourgeoise a été inscrite comme un objectif à moyen ou long termes dans le plan local d’urbanisme (PLU) communautaire voté fin 2016. »
L’agglomération de Mulhouse établit la même politique de mobilité. « L’arrivée de la LGV a été le déclencheur de la construction d’une politique multimodale plus ambitieuse, explique Denis Rambaud, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération (M2A), en charge des mobilités. Nous avons fait de cette gare en centre-ville le point de rencontre de toutes les modalités: flux piéton, station de tramway, gare de tram-train (voir encadré) et de RER, avec 261 TER par jour, deux stations de vélo, le canal Rhône-Rhin et les travaux du contournement routier de Mulhouse sont en train de se terminer sous la gare. » La gare de Mulhouse, plus grande gare du Haut-Rhin avec 5 millions de voyageurs par an est également une porte d’entrée vers l’Europe. Le TGV Paris-Bâle (Suisse) a réussi à capter 50 % des déplacements aériens, 30 % à partir de Zürich. Seul hic: les liaisons entre Belfort et Mulhouse, qui devaient se faire en vitesse TGV, ont été abandonnées à cause d’un manque de financements.
Avec l’intégration le 1er janvier de six nouvelles communes dans l’agglomération, M2A gère un territoire plus grand, composé de 39 communes. « Notre mission est à présent de travailler avec la SNCF, Soléa (NDLR: réseau de transport en commun de Mulhouse) et la Région pour améliorer les interconnexions tarifaires, précise Denis Rambaud. Nous avons pour objectif de réorganiser le réseau et mettre au point un système de ticket unique: si les usagers prennent le bus pour se rendre au TER par exemple, ou pour qu’ils puissent monter dans un TER ou un tram-train avec un ticket urbain. » C’est dans cet esprit que M2A crée le compte mobilité, qui permet à l’usager d’accéder, sur un même site, aux bus, tramway, aux parkings payants, au vélopartage et à l’autopartage. « Chaque jour, l’usager utilise le mode de transport le plus adapté à ses besoins et reçoit à la fin du mois une facture reprenant sa consommation réelle », précise Denis Rambaud. La maquette de l’application smartphone a été mise au point début octobre et devrait voir le jour à grande envergure en septembre prochain. Prochaine étape pour M2A: intégrer la SNCF à son compte mobilité pour inclure le TER et le tram-train.
Compromis entre le tramway et le train, le tram-train est un véhicule ferroviaire qui circule aussi bien sur les rails du tram que sur les voies ferrées. Le tram-train Mulhouse Vallée de la Thur, inauguré en 2010, est exploité conjointement par Soléa et la SNCF. La section en milieu urbain appartient à Mulhouse Alsace Agglomération, le reste de la ligne fait partie du réseau ferré national, propriété de SNCF Réseau. « La grosse difficulté du tram-train est de réussir à faire travailler deux cultures professionnelles différentes, explique Denis Rambaud, vice-président de Mulhouse Alsace Agglomération (M2A), en charge des mobilités. En ville, la norme est celle des traminots, avec une conduite à vue alors que la tradition cheminote est la conduite avec les signaux. » Au volant des tram-trains, deux tiers de cheminots, un tiers de traminots, chacun effectuant le trajet de bout en bout.
À la fois site internet et application mobile, ce service créé en février 2010 par Cityway, filiale de Transdev, a pour objectif de faciliter la mobilité des citoyens en Alsace en combinant l’ensemble des modes de transport en commun et les modes doux. Dix Autorités organisatrices des transports (AOT) participent à son financement. « Partis du calcul d’itinéraire mutimodal, nous avons rapidement intégré le transport individuel et les modes doux comme le vélo mais aussi le covoiturage et l’autopartage, explique Jean-Claude Bildstein, responsable d’exploitation du site. L’idée est de proposer un maximum de solutions de mobilités. » Vialsace s’appuie sur le consortium de collectivités territoriales européennes EU Spirit pour inclure dans ses calculs certains secteurs de l’Allemagne et de la Suisse. Dernière innovation en date: l’information en temps réel. « Depuis septembre, nous complétons les horaires théoriques des transports publics par une connexion directe au système d’exploitation des opérateurs. »
