Prêt à livrer en 24 heures quelque 65 000 références de pièces détachées identiques aux pièces d’origine, Car et bus maintenance (CBM) fonde sa compétitivité sur l’absence d’intermédiaire et sur une massification des achats facilitée par son internationalisation. Originale à bien des égards, cette PME mancelle appartient à ses salariés.
Le groupe Verney a la particularité d’avoir été à la fois transporteur et constructeur de véhicules. Cette seconde activité a été menée à travers différentes entreprises depuis l’entre-deux-guerres, jusqu’à la création de CBM (Cars et bus du Mans) en 1977. Dix ans plus tard, CBM cesse son activité de construction automobile. C’est alors que son directeur des achats, Jean-Claude Clavier, reprend le stock de pièces détachées CBM et lance une nouvelle entreprise CBM recentrée sur la vente de pièces et dont le sigle signifie dès lors Cars et bus maintenance. Dans un premier temps, il s’agit essentiellement d’assurer l’approvisionnement des réseaux et des transporteurs qui exploitent des véhicules CBM. Or, face à la disparition du constructeur CBM, ces exploitants utilisent de plus en plus des véhicules fournis par d’autres marques. CBM a donc pour mission d’identifier les équipementiers auxquels font appel les constructeurs afin de devenir, pour la fourniture de pièces, une alternative intéressante aux réseaux des constructeurs. Ce travail est facilité par les précédentes fonctions de Jean-Claude Clavier qui l’ont conduit à rencontrer de nombreux équipementiers.
CBM ne propose que des pièces identiques à celles de première monte en s’interdisant les pièces adaptables et les marques de distributeurs (MDD). Pour autant, les clients n’accordent pas leur confiance aveuglément et effectuent des contrôles. Dans cet esprit, la RATP parisienne fait auditer le stock français de CBM au Mans par ses responsables techniques, tandis que la Metropolitan Transportation Authority (MTA) de New York agit de même avec le stock de Montréal dont elle dépend.
CBM fonde sa compétitivité sur un circuit court, sans distributeur. La pièce est achetée à son fabricant et stockée par CBM, puis vendue directement à l’utilisateur final avec un délai de livraison réduit à celui du transport express. Contrairement à d’autres revendeurs de pièces détachées, CBM se consacre exclusivement à celles qui concernent les cars, bus et tramways en écartant volontairement tout ce qui est propre aux camions et aux remorques. Cette spécialisation de CBM et son internationalisation en font une entreprise leader sur son marché. Sur ce dernier, les concurrents sont ATS (à Arques, Nord), des réseaux comme AD Poids Lourds, Euro Parts ou G-Truck et, bien sûr, les constructeurs, sans oublier des acteurs spécialisés dans un domaine précis, qu’il s’agisse du freinage ou des pare-brise. Face à tous, CBM fait valoir sa spécialisation, son expérience, la largeur de sa gamme permise par son volume d’activité, son déploiement international et, bien sûr, son stock, clé de sa réactivité.
Tous les exploitants de cars, de bus ou de tramways ont un atelier et sont donc consommateurs de pièces. CBM compte 1 500 clients en France parmi lesquels on trouve les réseaux urbains lillois, lyonnais, parisien ou toulousain. Un client s’adresse à CBM d’abord pour des pièces récurrentes en recherchant une alternative aux constructeurs. C’est pourquoi le freinage, la suspension et la filtration représentent ensemble la moitié du chiffre d’affaires de CBM.
Le parc des clients a un âge moyen qui est de l’ordre de sept ans, l’évolution du parc ayant lieu avec une grande inertie. Pour les véhicules récents, CBM ne peut naturellement vendre que ce qui n’est pas sous garantie.
Certaines catégories de véhicules sont beaucoup plus consommatrices de pièces que d’autres en raison de la sévérité de leurs conditions d’emploi. Un car scolaire qui parcourt environ 15 000 kilomètres par an ou un car de grande ligne qui couvre plus de 200 000 kilomètres par an en restant sur l’autoroute s’use moins rapidement que des bus urbains qui arpentent 50 000 à 100 000 kilomètres par an tout en répétant très fréquemment leurs freinages, démarrages et ouvertures de portes.
À la fin des années 1990, les clients de CBM se trouvent pour la plupart en France et en Belgique francophone. Actuel président de CBM, Alain Fauconnet rejoint l’entreprise en 1998 pour seconder Jean-Claude Clavier. Hispanophone, Alain Fauconnet saisit les opportunités de développement international. En 2005, il répond aux demandes de l’Empresa municipal de transports (EMT) de Valence (Espagne) pour l’entretien de ses Renault R312. Parallèlement, les ventes se développent en Belgique et éclosent en République tchèque alors que CBM apprend que la Société des transports de Montréal (STM) lance un appel d’offres pour des pièces ZF destinées à ses Nova Bus. CBM y répond et est retenu. Commence alors l’aventure américaine de CBM qui monte en puissance en Amérique du Nord au fil des appels d’offres lancés par les réseaux de transport public.
L’implantation à l’étranger commence toujours modestement avec une première personne ayant une fonction commerciale, rapidement secondée par d’autres chargées de la préparation des commandes et de l’administratif. CBM stocke toujours à proximité de ses clients et dispose ainsi de plusieurs plateformes logistiques.
Pour les nouvelles implantations, le stock est limité aux seules pièces consommées par les clients de CBM sur le territoire concerné. Là où le marché de CBM est mature, le stock couvre le parc roulant du pays.
L’organisation des ventes à l’étranger mène à la création de la filiale CBM Iberica pour l’Espagne en 2006, suivie en 2007 par celles de la filiale allemande et de CBM North America au Canada. Le choix de ce pays n’est pas un hasard, de grands constructeurs de cars et de bus nord-américains étant canadiens. En 2014, CBM crée de nouvelles filiales en Australie et aux États-Unis, suivies par une filiale polonaise en 2016. L’histoire italienne de CBM constitue une exception puisqu’il s’agit d’un cas isolé de croissance externe pour CBM avec l’achat de VAR, spécialiste italien de la pièce détachée pour autobus.
CBM travaille sur un marché de niche. L’expansion de l’entreprise n’est raisonnablement possible que par son internationalisation. Celle-ci est l’occasion de constater que les besoins de maintenance sont sensiblement les mêmes chez tous les transporteurs. En 2009, CBM réalisait 15 % de ses ventes hors de France. En 2017, ce taux dépassera 50 %. Bien qu’étant une PME, CBM a aujourd’hui une organisation internationale.
En Europe, les commandes confirmées avant 16 heures sont livrables chez le client le lendemain avant midi. Geodis et TNT assurent le transport en France.
En Amérique du Nord, le stock situé à Montréal livre le Québec en 24 heures, le nord-est des États-Unis en deux jours ou la côte Pacifique en trois ou quatre jours.
Il y a vingt ans, CBM était une alternative à RVI qui régnait alors sur le marché français. Depuis, de nombreuses nouvelles marques sont arrivées sur le marché français. L’internationalisation de CBM aide à répondre à cette diversification.
Évoluant en permanence, au fil de la production des équipementiers et de l’évolution du parc roulant, le catalogue de CBM comportait 20 000 références en 2010. Il en contient 65 000 aujourd’hui. Elles se répartissent entre sept familles: châssis et suspension, essieux et direction, moteur et environnement, boîtes de vitesses et embrayages, carrosserie et équipements, électricité et visibilité et, enfin, freinage. Pour éviter de stocker des pièces inutiles, CBM modélise la fin de vie d’un véhicule à partir de l’arrêt de sa production.
Le commerce des pneus et celui des peintures sont des métiers à part. Le stockage des batteries, des huiles et des lubrifiants entraîne des contraintes particulières. C’est pourquoi CBM ne commercialise pas ces produits.
Afin de capter le marché, les constructeurs ont intérêt à verrouiller l’accès aux pièces. Ils ne le peuvent réellement que pour certains organes précis comme les boîtiers de gestion moteur qui exigent un paramétrage, ou lorsque les pièces ont été financées par le constructeur avec interdiction pour l’équipementier de les vendre à des tiers. On parle alors de pièces captives.
Actuellement, CBM n’est pas une SCOP (société coopérative et participative), mais une SAS (société par actions simplifiées). Cela ne l’empêche pas d’être majoritairement détenue par ses salariés.
Bien que Car et Bus du Mans (CBM, version originale) trouve son origine dans le groupe Verney, Cars et Bus Maintenance (CBM, deuxième manière) est, à ses débuts, une entreprise indépendante de Verney et le restera pendant une dizaine d’années. Cependant, au milieu des années 1990, le groupe Verney est un transporteur très important, et donc un client régulier de CBM. Verney rachète donc CBM qui, dans le sillage de son nouveau propriétaire, intègre Connex en 2002. Sans doute jugé extérieur au cœur de métier de Connex, CBM est cédé en 2005 au fonds d’investissement N.I. Partners (Natixis). À son tour, N.I. Partners souhaite vendre CBM en 2009. C’est alors qu’éclate un conflit entre N.I. Partners et Alain Fauconnet, président de CBM, en raison d’un désaccord à propos de cette vente. Fait peu commun, Alain Fauconnet est soutenu par les salariés de CBM qui se mettent en grève pendant une dizaine de jours afin d’obtenir la réintégration de leur patron débarqué par l’actionnaire! L’issue du conflit est également originale puisque CBM est racheté par Alain Fauconnet et par Samuel Turboust, directeur général qui a rejoint CBM en 2000. La suite est à l’avenant, puisque les salariés de CBM entrent au capital de leur entreprise. Il en résulte aujourd’hui une grande stabilité des ressources humaines et une responsabilisation enviable de tous, le capital étant détenu par les salariés (60 %) et par un industriel européen (40 %). Ceci participe à l’identité de l’entreprise. La quitter impose de vendre ses parts aux autres salariés.
« Nous ressentons un fort accroissement de l’exigence des clients finaux qui sont attentifs aux délais de livraison. Le véhicule doit rouler et le client n’attend pas. À nous d’être réactifs afin de réduire les délais de livraison. Le défi est d’aller au-devant de la demande en matière d’amélioration de la qualité de service », déclare Robert Khanoyan. Alain Fauconnet n’en est pas moins confiant et souligne une « belle année 2017, conforme aux objectifs avec une forte progression hors de France, ce qui est conforme aux prévisions ». Avec 120 collaborateurs, le groupe CBM réalise 100 millions de chiffre d’affaires et a l’intention de poursuivre son développement international.
En tant que constructeur de cars et de bus, CBM n’a vécu que dix années qui furent l’épilogue de l’aventure industrielle de la famille Verney.
L’histoire de CBM (Cars et Bus du Mans) s’inscrit dans le prolongement de l’activité de transporteur de la famille Verney. À la fin du XIXe siècle, Louis Verney est entrepreneur de travaux publics. Il se rapproche de MM Baërt, Beldant et Joly dans le cadre de l’attribution de voies ferrées d’intérêt local (VFIL). En 1891, l’activité de transport commence avec la signature par Baërt-et-Verney d’un contrat de concession d’exploitation de VFIL dans le Finistère; d’autres suivront. L’entreprise se lance dans le transport routier de voyageurs en 1913 avec un premier service dans les Ardennes. Parallèlement, l’optimisation économique du transport ferroviaire de personnes est recherchée en adaptant au chemin de fer des camions GMC. Ceci participe à la création du concept d’autorail (appelé automotrice à cette époque). Reprenant les initiales de l’entreprise dans son sigle, le premier autorail BV1 est livré le 11 juillet 1922. Une série d’une cinquantaine d’exemplaires sortira ensuite en cinq ans.
L’entreprise devient la Société centrale de chemins de fer et d’entreprise (SCF) le 7 février 1927; elle sera souvent appelée SCF Verney. En 1929, les réseaux dont elle a la charge se déploient sur 2 000 km, ce qui représente 11 % des VFIL françaises d’alors. Cela justifie la construction de matériel roulant ferroviaire, ce qui est facilité par l’achat des ateliers manceaux Delaroche-et-Turquet en 1929.
Les autorails évoluent, s’éloignent des véhicules routiers et adoptent une caisse autoportante. Ce principe de construction est appliqué aux camionnettes SCF ainsi qu’aux cars et bus du constructeur à partir de 1941.
Au cours des années 1930, la SCF évolue du rail vers la route. Cela se traduit par la création de la Société des transports automobiles de l’ouest (STAO) en 1933 et par la construction d’autocars à partir de 1934 qui conduira en 1956 à la constitution de la Société des autobus & matériels Verney (SAMV), ancêtre de CBM. De nombreuses dessertes ferroviaires sont ainsi converties en services routiers au cours des années 1930. Certaines subsisteront néanmoins jusqu’à l’après-guerre. La construction des autorails Verney prend fin en 1956 avec la fourniture aux chemins de fer turcs de 20 autorails et de leurs remorques assorties.
Ainsi, la SCF Verney passe du statut d’exploitant ferroviaire et de constructeur de matériel ferroviaire à celui de transporteur routier et de constructeurs de cars et bus. Naturellement, les lignes exploitées par l’entreprise assurent un débouché commercial aux véhicules Verney. Quelques succès remarqués ont cependant lieu hors de ce cadre, notamment avec la livraison de soixante autobus Verney RU à la RATP parisienne à partir de 1961. Les années 1960 sont celles de la croissance externe avec la reprise de plusieurs réseaux et transporteurs. À l’époque, l’entreprise a pour principale activité l’exploitation de lignes régulières, mais elle assure aussi des services occasionnels et est un important transporteur de marchandises.
Michelin étant actionnaire de la SCF depuis 1972 et ayant une histoire mêlée à celle de Citroën depuis 1934, on comprend que la branche « Transport de voyageurs et agences de voyages » des Transports Citroën rejoigne la SCF en 1976 à travers la Compagnie financière et industrielle de transports (CFIT). En 1977, la SCF clarifie ses activités en créant Tourisme Verney d’une part, et Car et bus du Mans (CBM) d’autre part. Au cours de cette même année, Verney exploite 1 200 cars et 750 camions. Les années qui suivent sont tumultueuses. Le 1er juillet 1991, la SCF devient la Compagnie générale des transports Verney (GTV). Cette nouvelle holding contrôle les sociétés Verney qui sont alors l’un des plus importants groupes privés et familiaux français.
En 1999, Verney s’associe à la Compagnie générale d’entreprises automobiles (CGEA) dans le cadre de l’acquisition de Künegel. Ce rapprochement mène à la vente de Verney à Connex en février 2002, CGEA étant devenu Connex en 2000. Dès 2005, Connex devient Veolia Transport, puis fusionne le 3 mars 2011 avec Transdev.
Du côté de l’activité construction automobile, faute de volume de production et d’avantage concurrentiel déterminant, CBM dépose le bilan en décembre 1984 dans un contexte de baisse des ventes des bus de 11-12 m. Dès 1981, CBM avait arrêté la production de son car de tourisme LMC 12/80S Albatros après 23 exemplaires seulement. Rappelons que l’Albatros est l’un des très rares cars à transmission 6x4.
Le constructeur tente de se relancer sur la niche des midibus en introduisant le CBM 220 en 1983. Le dernier véhicule sort en 1986 et l’activité de CBM cesse en 1987, tandis qu’une partie de CBM a été reprise par Renault véhicules industriels (RVI) dès 1985. Cela contribue à expliquer que le CBM 220 est rebaptisé R212 par Renault qui confie sa production à Heuliez Bus chez qui il deviendra le GX77H, ancêtre du GX117 auquel succèdent le GX127 et l’actuel GX137.
Le stock de pièces détachées CBM sera le point de départ d’une nouvelle entreprise CBM (Cars et bus maintenance), aujourd’hui spécialiste de la fourniture de pièces aux utilisateurs finaux.
De 1986 à 2005, CBM se trouvait sur le site de l’ancien constructeur de véhicules, avant de déménager dans la zone industrielle du Mans. Les vitres et pare-brise imposant des contraintes spécifiques pour leur manutention, leur emballage et leur transport, CBM leur a dédié en 2011 une plateforme logistique spécifique, toujours au Mans. Directeur marketing de CBM et arrivé dans l’entreprise en février 2009, Robert Khanoyan rappelle qu’« un problème avec une vitre ou avec un pare-brise immobilise le véhicule. Il faut donc avoir le stock et livrer rapidement ». Pour la pose des vitrages, il existe des poseurs indépendants qui peuvent être clients de CBM. Toutefois, les gros transporteurs ont généralement un carrossier en interne et CBM leur fournit également des pièces de carrosserie apprêtées ou peintes d’après une référence RAL. Les verriers imposent des quantités minimales de commande (MOQ, Minimum Order Quantity) de l’ordre de 6 à 10 pièces pour les pare-brise et de 10 à 20 pièces pour les vitres latérales. Or le nombre de références est pléthorique avec par exemple 600 références pour les vitres latérales d’un Mercedes Citaro si l’on considère toutes les variantes possibles. L’organisation du stock est donc un métier en soi pour que CBM soit viable. L’Espagne étant un pays de carrossiers, la diversité des vitres y est telle que CBM y dispose d’un service de vitres découpées à la demande.
