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Essai

L’hybridation discrète mais efficace du Mercedes Citaro

C’est un hybride, et c’est heureusement marqué dessus car il faut vraiment être extrêmement attentif pour distinguer ce Citaro de l’un de ses homologues purement thermiques. Mercedes a fait le choix d’un système accessible, c’est-à-dire peu onéreux, susceptible d’être amorti et n’exigeant ni adaptation des garages, ni formation spécifique des chauffeurs et des mécaniciens. Ce Citaro apparaît ainsi comme un compromis raisonnable, voire rentable, à défaut d’être spectaculaire.

C’est dans les rues de Mannheim, au sud-ouest de l’Allemagne, que nous avons pris en main le nouveau Citaro hybride en environnement urbain. Lors de son installation au poste de conduite, puis dans la circulation, le chauffeur n’est pas dépaysé s’il vient de conduire un Citaro diesel ou gaz, car rien ne change! À l’atelier, le personnel ressentira la même impression de déjà-vu. Au plus notera-t-il l’apparition d’un « disque » entre le moteur et la boîte de vitesses, et celle d’un boîtier en toiture. Cette discrétion de l’hybridation est un argument fort: il n’y a ni rupture, ni nouvelle habitude ou nouveau savoir-faire à acquérir. Le Citaro hybride peut ainsi s’insérer dans un parc de façon totalement transparente.

Un TCO réduit de 2,5 % par rapport au diesel

À la fin de la décennie précédente, lors de la floraison des premiers prototypes hybrides, l’hybridation était à la mode et utilisée comme moyen de communication par les réseaux. Aujourd’hui sortie de l’enfance tapageuse et confrontée au marché, l’hybridation doit s’imposer face aux solutions concurrentes. Pour être choisie, elle doit être rentable et présenter un coût total de possession (total cost of ownership, TCO) compétitif. Mercedes a donc opté pour des solutions économiques qui n’entraînent qu’un faible surcoût. Corollaire de cette modestie, l’économie de carburant n’est pas extraordinaire. Cependant, à l’heure des comptes, le compromis est rentable. En effet, le surcoût par rapport au diesel est de l’ordre de 15 000 euros pour une économie de carburant atteignant 8,5 % grâce à l’hybridation et aux autres optimisations, notamment celle de la direction. Finalement, le TCO est réduit de 2,5 % par rapport au diesel. C’est froidement comptable, mais ça fait un bus gratuit tous les 40 bus achetés! Là est le bonus économique auquel s’ajoute l’avantage environnemental avec des émissions de CO2 réduites dans les mêmes proportions que la consommation de carburant.

Comme une Mercedes avec chauffeur

Les berlines de luxe Classe S de Mercedes sont proposées en versions hybrides et reçoivent dans ce cas un moteur électrique Mitsubishi en complément de leur moteur thermique. C’est tout simplement le même moteur électrique que l’on trouve entre le moteur diesel du Citaro hybride et sa boîte de vitesses. Mercedes évite ainsi le surcoût d’un moteur spécifique. Côté boîte de vitesses, le Citaro hybride n’est pas sectaire. Il s’accommode de la ZF Ecolife ou de la Voith Diwa et se conforme ainsi à l’habitude du réseau où il sera exploité.

Basse tension et petit poids

Habituellement, une hybridation diesel-électrique recourt à des batteries. Ce n’est pas le cas du Citaro hybride qui leur préfère des supercapacités (MHS, Mild Hybrid Storage, stockage hybride léger), c’est-à-dire des condensateurs. Ce système stocke moins d’énergie que les batteries des hybrides parallèles concurrents, mais il offre plusieurs avantages. En particulier, ses condensateurs supportent beaucoup mieux le stress de la recharge rapide que des batteries. Et surtout, la durée de vie des supercapacités est a priori nettement supérieure à celle des batteries. Les supercapacités peuvent donc probablement accompagner un Citaro hybride pendant toute sa vie (une douzaine d’années), ce qui n’est pas le cas des batteries qui ne « vivent » qu’un certain nombre de cycles. Autre atout, les supercapacités sont légères. L’ensemble du dispositif d’hybridation incluant moteur, refroidissement et supercapacités ne pèse donc que 156 kg et se montre peu pénalisant quant au déplacement du centre de gravité. Enfin, le système fonctionne à la tension de 48 V, ce qui, pour l’entretien, évite les contraintes liées à la haute tension (zone dédiée et signalée, formation spécifique du personnel). En outre, la maintenance n’exigerait pas d’outillage spécifique. Le Citaro hybride a donc bien l’intention de ne pas se faire remarquer à l’atelier.

À quoi sert la micro-hybridation?

Lors des phases de ralentissement, le moteur électrique agit en alternateur et convertit le mouvement du véhicule (son énergie cinétique) en électricité stockée dans des supercapacités placées sur le toit du véhicule. À la différence des bus hybrides concurrents (MAN par exemple), le moteur diesel fonctionne ici en permanence. Il est assisté par le moteur électrique lors des phases de ralenti et de démarrage. Il en résulte une économie d’énergie.

La récupération d’énergie commence dès que l’accélérateur est relâché. Cela se traduit par un couple ralentisseur d’environ 80 à 100 Nm. En cas de pression sur la pédale de frein, la récupération est maximale avec un couple de ralentissement atteignant 250 Nm. Lorsque le moteur thermique est au ralenti, l’assistance fournie par le moteur électrique correspond à environ 30 Nm. Lors du démarrage, le couple grimpe à 220 Nm puis est maintenu à 100 Nm tant que les supercapacités peuvent alimenter le moteur électrique.

Mercedes considère que le stop’n start du moteur thermique, c’est-à-dire son arrêt quand son fonctionnement n’est pas nécessaire, pénaliserait la fiabilité du véhicule en raison des violentes variations de pression dans la rampe d’injection lors de chaque redémarrage.

La direction contribue significativement à l’économie

En supprimant à la fois le fonctionnement permanent d’une pompe hydraulique associée au moteur thermique et une vingtaine de mètres de canalisation, l’assistance électro-hydraulique de la direction (Intelligent Eco-steering) est un facteur d’économie décisif. Avec ce système, la pompe d’assistance de direction est placée dans la face avant du bus et n’est entraînée par un moteur électrique qu’en cas de besoin. Plus l’itinéraire est sinueux, plus l’économie induite est sensible.

De configuration « portique », le pont arrière ZF AV133 est optimisé par une finition spéciale, le remplacement de ses tuyaux de ventilation par des pare-air, et l’emploi d’une huile synthétique au lieu d’une huile minérale. Ainsi, ses intervalles d’entretien passent de 180 000 à 240 000 km.

Et au volant?

Habituellement, le fonctionnement du moteur diesel d’un bus hybride parallèle s’interrompt lors de la phase de ralentissement et le véhicule accoste silencieusement à son point d’arrêt avant d’en repartir en mode électrique, le diesel n’étant réactivé que vers 15 ou 20 km/h. Avec le Citaro hybride, les sensations, tant pour le conducteur que pour les passagers ou les passants, restent identiques à celles suscitées par un bus thermique classique. Les montées en régime et les changements de rapports sont donc ressentis. Le silence et la progressivité de la propulsion électrique sont ici absents. Ceci dit, il est quand même possible d’identifier un Citaro hybride quand on en prend le volant! Quand? Uniquement lors des phases de ralentissement, car c’est alors que la retenue du moteur électrique agissant en alternateur est sensible au lever de pied. Sur terrain plat, et en pratiquant la conduite anticipative, la retenue de l’alternateur évite le recours au ralentisseur.

Bouteilles de gaz et supercapacités en toiture

Avec le Citaro, l’hybridation est une option au même titre qu’un système d’éclairage, de signalétique, de chauffage ou de climatisation. Le Citaro hybride n’est donc pas un véhicule spécifique, allogène dans la gamme, mais un Citaro quelconque ayant fait l’objet d’une option à la commande. Cette insertion de l’hybridation au catalogue des options autant que la conception modulaire du dispositif facilitent leur application à toutes les configurations, y compris articulées (Citaro G). Toutes? Non, pas exactement. Faute de place, les modèles équipés du moteur OM470 sont exclus, mais ils ne concernent pas le marché français. En revanche, tous les Citaro munis du bloc 936 sont éligibles à l’option hybride. Traduisez: il est possible d’hybrider un moteur diesel OM936 autant que son dérivé M936G fonctionnant au gaz! Dans ce second cas, le Citaro cumule les avantages du gaz (réduction du bruit et des émissions de particules) à ceux de la micro-hybridation (réduction de la consommation, du CO2 et du TCO). Comme l’hybridation du Citaro n’exige aucun équipement spécifique, la version hybride du Citaro gaz (Citaro NGT) peut être introduite dans un parc fonctionnant au gaz sans y provoquer une révolution organisationnelle.

L’intérêt du Citaro hybride réside donc dans son aptitude à s’insérer dans un parc diesel ou gaz sans y modifier les habitudes d’entretien et de conduite, ce qui est aussi facteur d’économie. À défaut du silence qu’offrent des phases de roulement en mode électrique, le Citaro hybride met en avant ses atouts économiques et la fiabilité associée tant aux supercapacités qu’à l’absence de stop’n start. En effet, comment être absolument certain qu’un moteur redémarrera après s’être arrêté? Les choix de Mercedes ont donc leurs justifications. Reste à convaincre les donneurs d’ordre qui, lorsqu’ils imposent l’hybride, en attendent non seulement l’image, mais aussi le son, ou plus exactement, l’absence de bruit.

Et bientôt, le Citaro électrique

Mercedes présentera au printemps 2018 un Citaro E-Cell purement électrique afin de répondre à la demande des municipalités qui défendent ce mode de propulsion. La recharge au terminus étant à la fois onéreuse et dépourvue de souplesse, Mercedes devrait choisir la charge nocturne au dépôt. Cela oblige à embarquer l’énergie pour une journée d’exploitation, mais laisse un certain choix pour la technologie des batteries.

Caractéristiques techniques du Citaro hybride 12 m (Caractéristiques du véhicule essayé)

Dimensions (L x l x h): 12,135 x 2,550 x 3,120 m.

Empattement: 5,900 m.

Porte-à-faux: 2,805 m (AV), 3,430 m (AR).

Rayon de virage (trajectoire des roues): 8,529 m.

Rayon de balayage en virage: 10,607 m.

Masse à vide: 11,5 t.

PTAC: 19 t.

Moteur thermique: diesel, 4 temps, Euro VI, Mercedes OM936h, 7,7 l, 6 cylindres, dépollué par EGR, SCR et FAP, puissance 300 ch/220 kW à 1 200 tr/min, couple 1 200 Nm à 1 200 tr/min.

Hybridation: par système 24/48 V avec moteur-alternateur Mitsubishi (14 kW/220 Nm) intercalé entre le moteur et la boîte de vitesses.

Boîte de vitesses: automatique à 6 rapports (1: 3,364 à 1: 0,615) avec convertisseur de couple, ZF Ecolife 6AP1200B, couple admissible 1 200 Nm, masse 348 kg.

Essieu avant: à suspension indépendante avec barre anti-roulis, ZF 75EC, capacité 7,5 t,

Pont arrière: de type portique pour plancher bas, avec barre anti-roulis, ZF AV133/87, capacité 11,5 t.

Pneus: 275/70R22.5.

Direction: ZF Servocom 8098, pompe d’assistance entraînée électriquement.

Aménagement: bus urbain pour services réguliers avec 100 passagers dont 36 assis. Sièges City Star Eco. Convecteurs de chauffage sur les parois latérales. Air conditionné EvoCool Basis.

Hauteur de seuil d’embarquement: 0,320 m au niveau de toutes les portes.

Réservoirs: 270 l (gazole), 27 l (AdBlue).

Vitesse: limitée électroniquement à 85 km/h. Prix: 260 000 euros.

Quand le Citaro électrique passera à l’hydrogène

En octobre 2013, trois Citaro électriques alimentés par une pile à combustible (générateur de courant fonctionnant à l’hydrogène) ont été déployés à Milan. Cette technologie sort aujourd’hui de sa phase expérimentale et arrive sur le marché. Mercedes s’apprête donc à commercialiser un Citaro F-Cell destiné à des services exigeant une autonomie pour laquelle l’emploi de batteries serait déraisonnable. D’un point de vue écologique, le générateur à hydrogène rejette de l’eau sur le lieu de circulation, mais la production de l’hydrogène consomme en amont plus d’électricité qu’il en sera restitué pour le déplacement du véhicule. La solution n’est donc pertinente qu’en produisant l’hydrogène lors des heures creuses de consommation électrique. Il faut en outre acheminer l’hydrogène par camion car il n’existe pas de réseau enterré pour sa distribution. À bord, l’hydrogène est stocké à l’état gazeux avec une pression de 700 bars.

Face à lui, le Citaro F-Cell aura les véhicules Van Hool (en service à Oslo depuis 2013), mais aussi le bus Toyota présenté en 2015, celui de Tata révélé en 2017 ou encore, tous ceux qui recevront le pack fuel-cell de BAE Systems.

Le générateur à hydrogène est un système complexe qui fait appel à des membranes dont la durée de vie est limitée, mais aussi à des batteries utilisées comme stockage-tampon entre le générateur et le moteur électrique. En cela, les véhicules à hydrogène s’apparentent à des « hybrides série ». En France, la mobilité hydrogène est défendue par l’AFHYPAC, mais aussi par Air Liquide.

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Auteur

  • Loïc Fieux
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