Les préconisations du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures consacrent le retour en grâce de la route. Méprisée et déconsidérée il y a dix ans, la route est aujourd’hui le vecteur de toutes les innovations. De la voiture partagée au véhicule autonome, du péage inversé aux infrastructures connectées, tout passe par la route. Sa souplesse et ses réserves de capacités rapidement mobilisables la rendent terriblement tendance, en période de contraintes budgétaires. Mais la tentation est grande de demander à la route une chose et son contraire: débrider l’innovation tout en remplissant le bas de laine de l’État.
Support de multiples ambitions, la route est aussi le lieu de convergence des bonnes vieilles stratégies financières du gouvernement. D’abord parce qu’elle donne une base solide à la fiscalité dite environnementale, qui ne vise en fait qu’à profiter des errements antérieurs. Après avoir soutenu le diesel, et encouragé une bonne partie de la population à choisir des véhicules au gazole, le rattrapage progressif de la TICPE vise en fait davantage à tirer profit d’une large assiette qu’à réorienter les comportements. Tant mieux si c’est pour la bonne cause, et qu’une partie des recettes collectées retourne à la route, afin d’en assurer l’entretien et la modernisation. Faute de crédits, le réseau secondaire s’est considérablement dégradé ces dernières années. À tel point qu’il devient dangereux d’y circuler. Pour y remédier, le Premier ministre a donc annoncé la réduction des limitations de vitesse à 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur, à compter du 1er juillet.
Cette décision a surpris, au point que le Sénat s’est engagé dans une mission de réflexion, après avoir auditionné le délégué interministériel à la sécurité, Emmanuel Barbe. Les élus locaux ont du mal à défendre cette réduction des vitesses maximales, d’autant que l’expérimentation menée l’an dernier sur trois tronçons de routes nationales n’a pas permis de démontrer une baisse des accidents. Dans ces conditions, l’incompréhension domine. D’autant plus que dans le cadre des Assises de la Mobilité, le groupe de travail consacré à la sécurité, présidé par Gilles Savary, avait préconisé de mettre en place des vitesses maximales différenciées, afin de tenir compte des spécificités locales.
