Pierre Calvin préside Routes de France, qui regroupe les entreprises de l’industrie routière.
Pierre Calvin. Je dirais plutôt que la route revient à sa juste place. Les travaux menés durant les Assises ont permis de repositionner ce mode au cœur de toutes les mobilités. Il est clair que la route est essentielle dans la chaîne des déplacements. Les blocages consécutifs aux intempéries l’ont d’ailleurs bien démontré: des trains ou des avions n’ont pas pu bouger, tout simplement parce que le conducteur, le pilote, ou le personnel de bord n’avait pas pu rejoindre son lieu de travail. Dès que le maillon routier est coupé, on perturbe l’ensemble des déplacements. Quel que soit le mode ou l’usage, on a besoin du support de l’infrastructure routière. C’est la raison pour laquelle les enjeux d’entretien du réseau routier et de préparation de ce réseau aux nouvelles mobilités sont primordiaux.
P.C. Le scénario 2 préconise un montant d’investissement de 300 millions par an pour le réseau routier national, de façon à rattraper le retard pris sur l’entretien. C’est bien, mais il faudrait en connaître la répartition. La ministre des Transports, Élisabeth Borne, a reconnu le retard pris dans l’entretien du réseau. Elle a d’ailleurs annoncé une augmentation des budgets routiers de 100 millions d’euros dès cette année. Ce qui nous inquiète davantage, c’est la capacité d’investissement des collectivités locales, afin d’agir sur le périurbain et les zones peu denses. Et pour planifier ces investissements, les décideurs locaux doivent pouvoir s’appuyer sur une ingénierie de qualité. L’ingénierie publique a souffert de la disparition des DDE. Depuis, certains territoires se sont dotés d’agences spécifiques, d’autres comptent sur le savoir-faire des entreprises. Nous souhaiterions qu’une position nationale soit définie sur l’organisation de cette ingénierie.
P.C. Je m’interroge sur le rôle que pourrait jouer cet Epic. En tant que maître d’ouvrage du réseau national, il aurait la gestion de 10 000 km de linéaire, soit 1 % du total. La DGITM gère déjà très bien le réseau routier, et l’Afitf se charge de financer les investissements. Quant à préparer le retour des concessions autoroutières dans le giron de l’État, le moment est peut-être prématuré, puisque ces concessions doivent se poursuivre jusqu’en 2032… Ce qui est certain, c’est qu’il est essentiel d’affecter des budgets à l’entretien et à la préparation du réseau routier. Les investissements s’inscrivent dans la durée, et les acteurs du secteur ont besoin de visibilité. Créer des voies réservées au covoiturage ou aux autocars sur les autoroutes nécessite d’adapter les infrastructures: parkings de rabattement, gestion intelligente du trafic. Nous sommes capables d’identifier les besoins et de lancer de nouveaux services de mobilité grâce au numérique, mais nous risquons de créer de la frustration, faute d’équipements. Nous avons l’opportunité fantastique de faire évoluer la mobilité du quotidien. Il faut absolument la saisir, et prendre de l’avance sur nos voisins, de manière à promouvoir le savoir-faire des entreprises françaises. Cela sera bénéfique à l’ensemble du secteur de la mobilité, pas seulement aux entreprises de la construction routière.
