Élaboré avec le soutien du pôle I-Trans, l’outil collaboratif SurferLab a pour ambition de rendre les trains plus intelligents au plan de la maintenance. D’autres modes de transport pourraient, à leur tour, bénéficier de ces avancées, la technologie utilisée étant la même.
Le train de banlieue Francilien a ouvert la voie de la maintenance prédictive à des matériels de banlieue à partir du second semestre 2009. Il s’agit, à présent, d’aller plus loin dans cette démarche en combinant la maintenance prédictive au train connecté. C’est tout le travail réalisé par SurferLab, inauguré le 25 octobre 2017, en présence, notamment, de Xavier Bertrand, président de la région Hauts-de-France. Prolongement naturel du programme Surfer (Surveillance Ferroviaire Active) qui a donné naissance au système de surveillance et de diagnostic embarqué dans les trains franciliens, SurferLab est un laboratoire commun construit autour d’un concept novateur. Celui d’embarquer dans des systèmes de transports (ferroviaire, routier, aérien ou maritime) organisés en flotte et en lien avec un centre de contrôle et de maintenance, des agents intelligents coopérants et organisés. Répondant au nom de Superflo, ces agents virtuels de maintenance sont conçus pour optimiser les fonctions de surveillance, de diagnostic et d’évaluation de l’état de santé des équipements d’une rame ferroviaire, afin d’améliorer la disponibilité et la maintenabilité de la flotte.
Ce qui fait la spécificité de la nouvelle structure est d’être née de la collaboration de Prosyst, une société de la banlieue lilloise spécialisée dans les systèmes de contrôle/commande, de Bombardier Transport, qui fabrique des trains dans son usine toute proche de Crespin, et de l’Université de Valenciennes. Accueillant plus de 10 000 étudiants sur des campus à Valenciennes, Cambrai et Maubeuge, cette dernière est reconnue comme pilote régional et, de ce fait, comme acteur de recherche national et international dans les domaines des transports et de la mobilité durables.
Parmi les travaux de recherche en cours orientés autour de trois axes prioritaires dont la maintenance connectée et prédictive, trois ont été présentés lors de l’inauguration de SurferLab.
Le premier concerne la supervision technique de flotte du futur. Grâce à l’apport de l’intelligence artificielle au travers de Superflo, le train anticipe lui-même ses pannes et transmet son diagnostic au superviseur de flotte. En fonction des remontées d’information apportées par Superflo, le superviseur peut, ainsi, anticiper sa prise de décision. Mais le système va encore plus loin en précisant le lieu où la maintenance corrective peut être réalisée le plus rapidement possible du fait, notamment, de la présence des pièces détachées nécessaires à l’opération. Comme les exploitants demandent une forte disponibilité des trains et une capacité à anticiper les pannes, ce premier projet pourrait rapidement se concrétiser sous forme de contrat.
L’intelligence artificielle est aussi mise à profit dans le second projet. Là, il s’agit de faciliter le recueil d’informations issues d’un train intelligent. En utilisant la réalité augmentée, le train intelligent peut montrer à l’opérateur l’état de santé de chacun de ses équipements (portes, pantographe,…) directement au travers d’une tablette interactive. L’opérateur de maintenance n’est, ainsi, plus physiquement connecté au train. Il est désormais mobile et peut évoluer librement autour du train.
Des développements en cours vont encore plus loin puisqu’il est d’ores et déjà prévu de libérer les mains de l’opérateur en l’équipant d’un casque de réalité augmentée. Ce troisième axe de recherche est tout aussi ambitieux que les précédents car il fait du train un acteur de sa propre maintenance. Il aide, en effet, l’opérateur à réaliser sa tâche en lui détaillant les opérations à mener et en le guidant vers l’équipement à tester ou à remplacer. Il peut, tout aussi bien, l’amener à vérifier de manière opportuniste un équipement suspect. Un dialogue verbal pourrait même s’instaurer entre l’opérateur et le train, voire même avec un expert extérieur.
Les autres modes de transport comme les tramways, métros et bus pourront, à leur tour, bénéficier des solutions développées par SurferLab car « la technologie est la même. Ce qui intéresse les opérateurs est évidemment le retour sur investissement qui varie selon le type de matériel, la taille de la flotte et son utilisation », explique Pierre Michard, directeur des activités services de Bombardier France. Pressé d’indiquer le coût des investissements embarqués et la durée du retour sur investissement, le dirigeant n’a pas souhaité, en revanche, donner des ordres de grandeur, « ces données étant d’ordre confidentiel ».
Laurent Bouyer, président de Bombardier Transport France se montre, en revanche, plus disert sur les gains apportés au plan des coûts de maintenance. « Nous avons pour aspiration de les réduire de 30 % d’ici deux à trois ans. Nous souhaitons, par ailleurs, augmenter la fiabilité des rames de l’ordre de 40 % par rapport à d’autres matériels. Premier train intelligent comportant autant d’informatique embarquée, le Francilien est, depuis plusieurs années, le matériel le plus fiable de la région Ile-de-France. Cette maintenance prédictive autour des portes, nous voulons aussi la déployer sur d’autres équipements sensibles comme la climatisation et le freinage. Ce mariage de la digitalisation avec la réduction des coûts de maintenance et de l’augmentation de la fiabilité pourra également être apportée sur les rames existantes, Regio 2N par exemple, sous forme de rétrofit. »
Reste à savoir, à présent, si la notion de « véhicule augmenté » aura, à l’avenir une incidence sur la taille des flottes nécessaires pour couvrir tel ou tel service. Car la nouvelle maintenance qui en découle pourrait devoir s’accompagner d’un nouveau dimensionnement des parcs de matériel du fait de la moindre immobilisation des rames pour entretien ou réparation.
