La Commission européenne veut encourager la création d’un « Airbus des batteries », avec l’objectif de créer dix méga-usines. La BEI aidera au financement, avec une première concrétisation en Suède. Les constructeurs traditionnels restent pour le moment en retrait.
Malgré un retard à l’allumage, l’Europe compte bien jouer un rôle prépondérant pour la production de batteries pour équiper les véhicules électriques. « L’Union européenne s’est lancée dans la course mondiale pour la production de cellules de batterie un peu trop tard », a regretté Maroš Šefcovic, le vice-président de la Commission chargé de l’union de l’énergie. Il reste toutefois une opportunité pour jouer un rôle de premier plan dans ce que la Commission considère comme le « Saint Graal » de l’énergie propre, a-t-il martelé le 12 février dernier à Bruxelles. Selon la Commission, le potentiel de ce marché en Europe pourrait atteindre 250 milliards d’euros par an d’ici 2025. La demande européenne en cellules de batteries devrait atteindre 200 GWh, et la demande mondiale 600 GWh. Maroš Šefcovic a réitéré la volonté de l’UE de créer un « Airbus des batteries », estimant que la situation actuelle était proche de celle de l’industrie de l’aviation dans les années 1960, lorsqu’aucune entreprise européenne n’était suffisamment développée pour affronter la concurrence américaine.
L’Europe compte notamment les allemands Bosch et Continental, ainsi que les français Saft (filiale de Total), grand spécialiste du lithium, ou encore le groupe Bolloré, expert du LMP solide (tout comme Continental). Mais bon nombre d’autres équipementiers, et surtout de constructeurs, préfèrent rester en dehors de ce marché, qu’ils estiment ne pas relever de leur cœur de métier. Renault et PSA ont ainsi salué la possibilité qu’un fournisseur européen de batteries vienne compléter l’offre asiatique, mais se sont empressés de souligner qu’il lui faudrait d’abord être compétitif. Volkmar Denner, président du directoire de Bosch, dresse un constat lucide: « Le marché des cellules est essentiellement aux mains de cinq fabricants asiatiques. Et avec l’évolution des technologies, il va être le théâtre d’une guerre des prix farouche. La marge pour créer et exploiter un avantage compétitif restera très étroite. » En fin de compte, l’Europe va plutôt miser sur l’émergence de mini-Airbus solides plutôt que d’un seul acteur dont personne ne souhaite prendre le leadership. « Je ne pense pas que nous aurons une seule entreprise de production de batteries en Europe », a concédé Maroš Šefcovic. « Je souhaiterais que l’Europe dispose d’au moins dix méga-usines commercialisant sur les marchés mondiaux des produits de grande qualité, au meilleur prix. »
Pour soutenir cette initiative, la Banque européenne d’investissement (BEI) a promis d’apporter des financements à plusieurs projets, dont le premier a tout juste été dévoilé. La BEI vient en effet d’approuver un financement de 52,5 millions d’euros, aux côtés du gouvernement suédois, pour le projet Northvolt. Ce site pilote, situé au nord-ouest de la Suède, sera la plus grosse usine européenne de cellules de batteries lithium-ion. Northvolt se positionne comme l’équivalent européen de la Gigafactory construite par Tesla, usine dans le désert du Nevada. La comparaison donne une idée de l’écart technologique séparant nos deux continents: l’usine suédoise, qui commencera à fonctionner en 2020, devrait produire 32 GWh de batterie par an à l’horizon 2030. Pour sa part, Tesla annonce une production de 35 GWh dès cette année, pour viser 150 GWh à terme.
