Bienvenue dans les transports du futur. Électrique et autonome, la navette EZ10 est un petit minibus aux formes arrondies. EasyMile, la start-up toulousaine qui la produit, est en pleine expansion, avec une quarantaine de véhicules en expérimentation dans le monde entier.
Après avoir fait ses preuves un peu partout dans le monde, la navette EZ10 roule enfin dans sa ville d’origine. Sur les allées Jules-Guesdes au centre-ville de Toulouse où elle circule actuellement, les riverains en raffolent. « Je travaille juste à côté, je pourrais y aller à pied mais je la prends, sourit une utilisatrice, et mes collègues font pareil! » Depuis le mois de décembre, le véhicule effectue des allers-retours sur 670 m, devant le muséum de Toulouse, à deux pas du siège social de la start-up qui le produit, EasyMile.
À l’intérieur, six places assises, une dizaine debout. Et deux opératrices aux vestes floquées du logo de l’opérateur Transdev qui, inlassablement, présentent la navette EZ10 (de son petit nom Easy Ten) à ceux qui montent à bord. Leur expliquant qu’elle est 100 % électrique, avec une autonomie d’environ 14 heures, et qu’elle se déplace à 7 ou 8 km/h, bien que techniquement elle pourrait pousser une pointe jusqu’à 45 km/h.
La navette d’EasyMile roule également à Paris depuis novembre 2017, entre la station Château-de-Vincennes et le parc floral, avec un arrêt intermédiaire au Fort-Neuf-de-Vincennes. Comme à Toulouse, elle est gratuite. Ce n’est pas son premier passage dans la capitale puisque l’an dernier, grâce à un partenariat entre la Ville de Paris et la RATP, elle a transporté plus de 30 000 personnes pendant trois mois sur le pont Charles-de-Gaulle pour rallier les gares de Lyon et d’Austerlitz.
« La navette a été créée pour venir en complément du réseau de transports en commun, pour effectuer le premier et le dernier kilomètre », précise Marion Lheritier, du service marketing et communication d’EasyMile. Ces fameux derniers kilomètres qui souvent, se font en voiture.
Cette start-up en pleine expansion a son siège social à Toulouse. « Nous sommes nés de l’association de deux entreprises: Ligier qui fait des plateformes de véhicules dans l’Allier et Robosoft à Bidart qui a amené la compétence des logiciels », retrace Marion Lheritier.
Une cinquantaine de développeurs travaille dans les bureaux en open space. Tandis que les tests et validations se font sur les pistes de l’ancienne base militaire de Francazal: « On reçoit les navettes de chez Ligier, on fait des tests kilométriques, des mises à jour de logiciels… ».
Le véhicule se déplace grâce à une ligne pré-enregistrée dans les circuits. « On cartographie son environnement et les arrêts », explique Marion Lheritier. Easy Ten bénéficie de la fusion de trois technologies: un laser de localisation qui scanne l’environnement et le compare à la carte pré-enregistrée dans le logiciel, un GPS d’une précision de 3 cm et des capteurs qui calculent la vitesse de rotation des roues.
Quatre lasers lui permettent de détecter des obstacles à 360° sur 40 m, pour décélérer ou stopper net si besoin. Sans oublier deux lasers 3D à l’avant et à l’arrière. D’autres logiciels ne sont pas embarqués, comme ceux pour la gestion de la flotte et la supervision. Si un quartier entier était cartographié, l’utilisateur pourrait techniquement commander sa navette qui circulerait par le chemin le plus court… « Mais les véhicules autonomes n’ont pas encore l’autorisation de fonctionner sur la voie publique », rappelle la chargée de communication.
Sur son site, Ligier liste les potentielles applications: « campus universitaires, centres-villes piétonniers, zones de mobilité douce, tunnels piétons et partagés avec voie cyclable, zone intermodale de lien entre location de vélo en libre-service et stations d’auto-partage, aéroports, parcs d’attractions, parkings, centres hospitaliers, ports ou sites industriels ». Actuellement, une quarantaine de navettes sont en circulation sur la planète, pour des expérimentations grandeur nature.
À Singapour, elle fonctionne depuis un an et demi en service régulier dans un parc botanique: « Il s’agit d’un service payant, qui permet de visiter le parc à l’abri de la pluie ou de la chaleur. Ça marche très bien », précise Benoît Perrin, directeur des opérations chez EasyMile. De même qu’à Arlington au Texas, « deux navettes relient deux stades aux parkings, sur 1 km de voie privée. C’est le cas typique des premiers services commerciaux ».
A Bad Birnbach, une station thermale de Bavière, le véhicule achemine les passagers de la gare jusqu’aux thermes. Le projet va plus loin car les chemins de fer allemands ont développé une filiale dédiée à l’e-mobilité qui devrait tester de tels minibus dans plusieurs villes. « Nous avons la seule navette autonome approuvée pour cette expérimentation sur voie publique », rappelle Benoît Perrin.
En France aussi, à Pibrac près de Toulouse, où une expérience a été menée l’an dernier, le maire aimerait rendre l’EZ10 pérenne. À Paris, les minibus d’EasyMile ont sillonné le parc d’affaires de Rungis durant trois mois, fin 2018, transportant les travailleurs du site jusqu’à leur lieu de restauration. « C’est une première en France sur voie publique », souligne le directeur des opérations. Et ce, avec l’appui de la Caisse des dépôts. Le véhicule devait passer une intersection, ce qui fut d’abord réalisé grâce à un feu tricolore de chantier puis à un feu connecté que la navette faisait passer au vert à son arrivée. « Ces expérimentations nous permettent de tester notre technologie. » Ainsi, dans le Minnesota, la vaillante petite EasyTen a roulé sur la neige par -19 °C. « Cela nous fait aussi beaucoup progresser sur la façon dont les personnes perçoivent la navette », ajoute Benoît Perrin.
La start-up toulousaine a le vent en poupe. « Nous sommes en rapport avec TLD, une entreprise française qui fournit des véhicules pour les aéroports », annonce Marion Lheritier, évoquant également un rapprochement avec le constructeur d’engins industriels Iveco. Alstom a injecté 14 M€ dans le capital d’EasyMile et Continental est entré au capital de la société avec une prise de participation minoritaire. De 2015 à 2016, les effectifs de la start-up sont passés de 15 salariés à plus d’une centaine. Et les embauches d’ingénieurs continuent. Des bureaux ont été ouverts à Singapour, en Australie, aux États-Unis, en Allemagne et en Australie. « Notre objectif est d’avoir un service commercial sans opérateur, d’abord sur voie privée, ce qui est prévu pour 2018, puis sur voie publique, en fonction de la réglementation », ponctue Benoît Perrin.
En novembre dernier, EasyMile recevait une invitée de marque: la ministre des Transports, Élisabeth Borne. « En particulier sur le véhicule autonome, le gouvernement souhaite que l’on soit vraiment à la pointe, a-t-elle rappelé. Je crois beaucoup à ce que ces navettes peuvent nous apporter, dans les grandes villes mais aussi en zone rurale. » Elle a ainsi nommé une haute responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes. Il s’agit d’Anne-Marie Idrac, qui fut ancienne secrétaire d’État aux Transports, présidente de la RATP, de la SNCF, puis du conseil de surveillance de l’aéroport de Toulouse-Blagnac.
