En queue de peloton pour la qualité de service, les TER PACA vont bénéficier d’investissements sans précédent pour améliorer le réseau ferroviaire. Mais en attendant, les dessertes se dégradent encore et les usagers préfèrent leur voiture ou les cars express.
Systématiquement pointé du doigt par le président de la région PACA Renaud Muselier, le réseau ferroviaire régional vieillissant nuit à la qualité de la production ferroviaire régionale. Ce diagnostic se généralise au niveau national, comme l’a rappelé le Premier ministre, Édouard Philippe, en présentant son plan de réforme du système ferroviaire. Cette situation implique de réaliser d’importants travaux de maintenance et de modernisation. SNCF Réseau va injecter 234 M€ en 2018 en PACA et prévoit, pour mener à bien ses chantiers, des réductions voire des suppressions de services. Sur Aix-Marseille et Cuneo-Vintimille, les travaux s’avèrent plus compliqués que prévu. Pendant ce temps, la part de la route progresse de 1 % par an.
« 30 ans, c’est l’âge moyen de notre réseau ferroviaire, contre quinze ans en Allemagne », pose en préambule Jacques Frossard, directeur territorial de SNCF Réseau en PACA. Des voies, des caténaires, du ballast à changer… Quand ce ne sont pas des ouvrages d’art entiers à remplacer: 40 M€ seront consacrés en 2018 au remplacement du viaduc centenaire de la Siagne, dans les Alpes-Maritimes. Le réseau ferroviaire azuréen, qui totalise 1 276 km de linéaire (soit 4,4 % du réseau national), sur lequel 900 trains circulent chaque jour, s’avère particulièrement vieillissant dans un contexte où la priorité avait été donnée jusque-là à l’ouverture de nouvelles lignes TGV entre les métropoles.
87 millions d’euros seront donc consacrés en 2018 à la maintenance (contre 120 M€ en 2017) et 147 millions d’euros à la modernisation du réseau ferroviaire en région Provence-Alpes-Côte d’Azur en 2018. À comparer aux 63 millions d’euros alloués en 2017. Un des gros chantiers de l’année sera le démarrage de la phase 2 de la ligne Marseille-Gardanne-Aix. L’objectif étant de doubler en 2021 le nombre de TER afin de passer à un train toutes les quinze minutes et d’augmenter les capacités. Atteindre ces fréquences suppose de doubler les voies et de porter à 220 m les quais des gares d’Aix, de Gardanne et de Saint-Antoine. Cependant, le chantier s’avère complexe avec quelques mauvaises surprises.
Aussitôt la déclaration d’utilité publique signée par le préfet, la maire d’Aix Maryse Joissains a déposé un recours gracieux contestant le projet. Ce dernier étant, selon elle, surdimensionné et guère compatible avec l’environnement. Toujours est-il que Jacques Frossard semble déterminé. « Cela ne nous empêche pas de démarrer les travaux dès juillet. Des travaux qui dureront jusqu’en octobre », lance-t-il. Ce chantier aura un impact majeur sur la circulation avec un train de moins vers Aix, l’ajout d’une navette omnibus et avec des vitesses limitées à 40 km/h. En juillet et août, plus aucun train ne circulera entre Aix et Gardanne. « Lors de la phase 1 en 2008, cette ligne avait fermé deux ans. Nous ne voulions pas à nouveau de fermeture totale. Nous sommes sur une réduction de l’offre », explique Jean-Yves Petit, de l’association NosTer PACA.
« Avant même le début des travaux d’augmentation de capacité de la ligne, un tiers des trains Marseille-Aix disparaît, dont ceux qui assurent les liaisons directes entre Aix et les quartiers nord de Marseille et les trains des Alpes mettent 15 à 30 minutes de plus », déplore l’association des usagers du TER. Des interruptions totales de trois à quatre mois seront également programmées en 2019, 2020 et 2021. Quand 8 000 voyageurs circulent chaque jour sur cet axe stratégique, 10 000 personnes prennent l’autocar, c’est un flot de 200 000 véhicules qui circule chaque jour sur l’A7.
Face à ces perturbations récurrentes, les voyageurs trouvent des alternatives au rail. Les habitudes ont été prises et ramener les voyageurs sur les quais, une fois les travaux achevés, n’est pas une mince affaire.
À l’est de la métropole, sur l’axe Marseille-Aubagne, seulement 2,7 % des voyageurs prennent le train. « Cette faible part du ferroviaire résulte de la mauvaise qualité de service qui se traduit par un recul du nombre d’abonnés. Par ailleurs, le train s’avère être un mode de transport coûteux », admet Jacques Frossard.
« Les travaux sont un mal nécessaire. Ils dégradent l’offre ferroviaire. Actuellement, les voies entre Aubagne et Toulon sont renouvelées. Lorsque les travaux de nuit s’achèvent avec du retard, ils impactent tous les trains du matin lors du pic de fréquentation. Le ralentissement des trains induit aussi des temps de parcours plus long », précise Jean-Yves Petit.
Sur le tronçon Marseille-Aubagne, la voiture s’impose, loin devant les transports en commun. Les autocaristes parient sur l’aménagement de voies dédiées.
SNCF Réseau va également s’attaquer cette année au nœud ferroviaire toulonnais. « Nous allons réaliser 5 M€ de travaux dans le remplacement de dix appareils de voies en gare de Toulon avec une interruption de service du 25 au 31 octobre entre Toulon et Cannes », annonce Jacques Frossard.
L’entretien et la modernisation du réseau influent non seulement sur les habitudes mais elle constitue un risque financier pour SNCF Réseau. Comment s’assurer que l’opérateur ferroviaire déploiera effectivement davantage de trains une fois les travaux réalisés? « Sur Marseille-Gardanne, nous avons demandé au conseil régional la garantie qu’il déploiera quatre trains par heure en période de pointe. Il s’est engagé sur cent trains par jour », explique Jacques Frossard. Cet engagement constitue une première en région PACA.
Autre point noir: la ligne vers l’Italie, particulièrement lente. « Un désaccord profond sépare la France de l’Italie. Les discussions qui étaient interrompues ont repris en 2017 », souligne Jacques Frossard. Le patron de SNCF Réseau en région avouant même se rendre en Italie en avion plutôt qu’en train pour mener les négociations, vu les temps de parcours.
Dans le cadre d’une convention avec SNCF Réseau, c’est la région Piémont qui finance les travaux de cette ligne. Cet axe, qui relie deux villes italiennes, comprend une portion de 47 km sur le territoire français où les trains circulent à une vitesse maximale de 40 km/h compte tenu de la vétusté du réseau. « Comme l’Italie ne paie pas, nous faisons le minimum d’entretien », ajoute-t-il. Pour l’association NosTer Paca, ce bras de fer entre les États riverains conduit à « une prise d’otage inacceptable » des passagers.
Parfois, les situations deviennent ubuesques. En 2017, SNCF Réseau a procédé à la modernisation de l’axe Mont-Dauphin-Briançon pour 20 M€. « Pour autant, à l’issue des travaux, quatre trains ont été supprimés et remplacés par des lignes en autocar. Or, circuler en hiver sur les routes des Alpes s’avère compliqué », dénonce Jean-Yves Petit.
SNCF Réseau bénéficie depuis un an de davantage de visibilité. « Le Contrat de performance signé en avril 2017 entre l’État et SNCF Réseau prévoit 46 milliards d’euros pour faire de la régénération de voies jusqu’en 2026. Auparavant, nous avions des dotations année après année. C’est une situation plus confortable en contrepartie de laquelle nous nous sommes engagés à réaliser des gains de productivité. Le rapport Spinetta a rajouté un tour de vis », ajoute Jacques Frossard. Il se félicite également de la réévaluation des investissements ferroviaires à 696 M€ en décembre 2016, au contrat de plan État-Région (2015-2020). Le patron de SNCF Réseau en PACA n’est pas mécontent de voir deux projets régionaux retenus dans le rapport remis par Philippe Duron, président du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), à la ministre des Transports, Élisabeth Borne. À savoir la réalisation de la Ligne nouvelle Côte d’Azur incluant la création d’une gare souterraine à Saint-Charles et l’introduction de l’ERTMS 2 sur l’axe Marseille-Vintimille. « C’est une satisfaction. Il faudra voir comment s’échelonneront ces projets en fonction des ressources financières disponibles », souligne-t-il.
« Le Comité d’orientation des infrastructures impose de revoir l’enveloppe pour rééquilibrer les projets. Avec la loi d’orientation des mobilités, il se pourrait que de nouveaux changements interviennent dans l’allocation des ressources financières », commente le directeur territorial de SNCF Réseau en PACA.
Ainsi, le déploiement de l’ERTMS 2 en 2026 dans les Alpes-Maritimes représente à lui seul entre 300 et 400 M€ d’investissement. Il permettra de gérer plus efficacement les aléas de circulation. « Ce système de communication permet sur l’axe Paris-Lyon de faire circuler deux à trois trains supplémentaires par heure. Dans notre région, une même ligne supporte des trains fret, des TER et TGV. Nous n’avons donc pas les mêmes facilités mais cela contribue à améliorer la robustesse grâce à une meilleure régulation du trafic et à déployer plus de trains sur les cantonnements », ajoute Jacques Frossard. L’introduction de l’ERTMS 2 suppose également l’acquisition de nouvelles rames. 26 millions de passagers ont circulé en 2016 sur l’axe Marseille-Vintimille. En attentant 2026 et l’ERTMS, les voyageurs empruntant le TER ont désormais accès aux trains Thello depuis janvier.
Réagissant aux déclarations d’Édouard Philippe, le président de la région PACA se dit prudent sur l’avenir des petites lignes. « Sous ma présidence, il ne sera procédé à aucune fermeture de ligne et aucune fermeture de gare. Je suis très attaché à l’équité au sein de Provence-Alpes-Côte d’Azur et le train est un outil vital que j’entends préserver et conforter tant qu’on ne me demande pas de faire rouler des TER vides. Je reste toutefois vigilant parce que ces lignes nécessitent des investissements lourds pour assurer leur pérennité, et l’État ne doit pas se désengager comme il a pu le faire sur Paris-Briançon, par exemple », a déclaré Renaud Muselier.
