La halle-climatique mobile Sense-City a été inaugurée le 3 avril dernier pour étudier l’impact du climat sur la ville du futur. Cette plateforme R& D, installée sur le site de l’université Paris-Est, va permettre de tester les dernières innovations dédiées à la mobilité urbaine.
La ville de demain se prépare dans le laboratoire climatique géant de Sense-City. Cet équipement d’excellence, qui vient d’être inauguré le 3 avril dernier, est installé sur le campus de l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar), au cœur de la Cité Descartes à Paris Est. Son originalité? Une maquette grandeur réelle. « Nous avons souhaité une portion de ville à l’échelle 1, appelée Mini-ville, plutôt qu’une maquette plus complète au 1/10e, afin de pouvoir tester différentes conditions climatiques en condition réelle », explique Anne Ruas, chercheuse à l’Ifsttar et coordinatrice du projet. De fait, Sense-City se présente comme une coiffe climatique amovible de 20 mètres sur 20 mètres (et 8 mètres de haut), pouvant recouvrir deux espaces de 400 m2 grâce à un système de rails. Sur chacun de ces espaces, les ingénieurs ont construit une portion de territoire, équipée de multitude de capteurs. De quoi étudier la performance des aménagements et de matériaux urbains, tout en contrôlant la pollution atmosphérique, de l’eau ou des sols.
Température, hygrométrie, ensoleillement, pluie ou pollution (SO2, CO2 et NO2): la chambre climatique permet de programmer des conditions météorologiques spécifiques sur des durées déterminées et de reproduire l’expérience autant de fois que nécessaire », détaille Anne Ruas. La chambre climatique permet ainsi de tester les effets d’une vague de chaleur sur la pollution urbaine, tout comme sur la résistance de la végétation ou la calibration des capteurs. Pour confronter les mesures aux conditions réelles du climat, il suffit de déplacer la chambre pour que le mobilier se trouve exposé à l’air libre en 45 minutes. La première mini-ville va accueillir des projets scientifiques portant sur la performance de la géothermie, le monitoring des mobiliers urbains et sur les matériaux innovants dans le bâtiment. La seconde mini-ville, en cours de conception, accueillera des nano capteurs de pesage et du contrôle de véhicules, avec des tests sur les interactions piétons-vélos/véhicules (lire interview Anne Ruas). Cette seconde cité, qui devrait être achevée fin 2018, s’intéressera également aux services rendus par la végétation avec la présence d’un « canyon urbain », deux façades très rapprochées séparée par une portion de route.
Parmi les nombreuses expérimentations mises en avant lors de l’inauguration, deux d’entre elles concernent directement le monde de la mobilité. Ainsi, la solution Connecte-City doit permettre de piloter à partir d’une interface unique toutes les installations électriques urbaines: éclairage public, feux tricolores, caméras de vidéoprotection, capteurs de qualité de l’air, bornes de véhicules électriques, ou encore panneaux à messages variables. « Actuellement, les villes utilisent un logiciel différent pour chaque type d’équipement électrique. Connecte-City proposera un hyperviseur interopérable, c’est-à-dire une interface capable de centraliser toutes les données produites par ces systèmes, afin de les rendre lisibles et exploitables instantanément » explique Emmanuel Dallery, responsable d’affaires chez Citeos, une filiale du groupe Vinci dédiée à la lumière et aux équipements urbains. Citeos fait partie du consortium public-privé Connecte-City, qui regroupe également Actemium, Arcom, Factory Systemes, Actility, CETU ETIcS (Université de Tours) et l’ESIEE, en partenariat avec l’Ifsttar.
Pour chaque test mené à Sense-City, un scénario type a été prévu. Ainsi, en cas d’un accident filmé à un carrefour, les feux tricolores deviennent clignotants pour laisser passer les véhicules de secours. Connecte-City entend également optimiser la maintenance: chaque luminaire, doté d’un capteur détectant sa consommation, mais aussi les pannes, ce qui limite les déplacements des équipes chargées de vérifier l’état des installations. « Un autre capteur doit aider les automobilistes à repérer les places de stationnement libres, cela pourrait être signalés par les panneaux à message variable ou par une application appelée CityZen », souligne Emmanuel Dallery. Les premiers tests débuteront en juillet 2018, après la mise en place d’un réseau de communication dédié. « Nous utilisons une nouvelle génération de capteurs LoRaWAN (radio longue portée), caractérisés par une très longue durée de vie. Nous privilégions l’usage d’équipements peu gourmands en énergie », complète-t-il.
La chambre climatique de Sense-City abrite également les expérimentations menées par Altaroad. Cette start-up issue du monde de la recherche développe un réseau de nano-capteurs, couplés à des algorithmes innovants développés par l’École Polytechnique et l’Ifsttar. Le prototypage et son évaluation sont actuellement peaufinés dans la première mini-ville avec une utilisation en surface. Les micro-capteurs seront directement intégrés à la chaussée, à 4 cm de profondeur, dans la seconde ville. Ils permettront d’identifier les routes à entretenir ou de détecter rapidement les situations à risque comme la présence de verglas ou des véhicules à contresens. Ils seront aussi capables d’évaluer le type d’un véhicule et son poids. Comment? Grâce à l’étude en temps réel de la propagation des ondes en quatre dimensions. « Les capteurs classiques n’évaluent que la pression verticale alors que les nôtres prennent aussi en compte la propagation horizontale », explique Rihab Jerbi, co-fondatrice. Les algorithmes recoupent ensuite les données reçues pour identifier chaque véhicule roulant sur la bande de capteurs. Il est alors possible de signaler un véhicule en surpoids, un poids lourd ou un autocar en infraction dans une zone restreinte, ou un pneumatique sous gonflé. À terme, les capteurs pourront alerter lorsqu’un véhicule autonome se décalera de sa trajectoire. Destinée aux opérateurs routiers et aux gestionnaires de zones de transit (villes, chantiers, entrepôts logistiques ou pourquoi pas dépôt de bus…), la solution d’Altaroad compte proposer un outil innovant de prise de décision en temps réel. Mais avant de songer à une phase d’industrialisation, les ingénieurs vont devoir optimiser certaines phases à Sense-city. Pour l’instant, les informations sont transmises avec un temps de latence d’une minute et les données sont encore remontées de façon filaire.
Une halle climatique de 200 tonnes, d’un volume utile de 3 200 m3 et déplaçable d’une mini-ville à l’autre en moins de 45 minutes.
Deux espaces d’expérimentation de 400 m2 au sol chacun dont l’un est doté d’une fosse étanche de 1 900 tonnes et d’un volume utile de 1 000 m3.
Un rayonnement solaire généré par 30 lampes de 2 000 W chacune.
Une régulation de la température de – 10 °C à + 40 °C (en moins d’une demi-journée) et de l’humidité de 30 à 98 %.
Un plafond thermo-régulé de – 10 °C à + 40 °C, indépendant de la température de la halle, qui permet d’obtenir des cycles de type jour/nuit ou ciel dégagé/nuageux.
Une thermalisation de la pluie de + 5 °C à + 30 °C. Simulation de deux types de pluie (crachin ou orage).
Introduction de polluants gazeux (SO2, CO2 et NO2).
