Testé à Lyon l’an dernier, le couloir de bus dynamique améliore les temps de parcours, mais un certain nombre de conditions doivent être réunies pour qu’il soit totalement efficient. Et ne dégrade pas trop les conditions de circulation des automobilistes…
Le couloir (ou voie) de bus dynamique rejoindra-t-il prochainement l’arsenal de mesures que déploient les villes pour faciliter la cohabitation entre transport en commun et voitures et, surtout, pour améliorer la régularité des transports de surface? Telle est la question dont s’est saisie la Métropole de Lyon, confrontée à la congestion grandissante de plusieurs artères de la ville. « Nous étions parvenus à un point où les bus n’arrivaient pas à atteindre leur couloir, d’où l’idée de chercher une autre façon de faire que les couloirs fixes », explique Pierre Soulard, responsable du service mobilité urbaine à la Métropole de Lyon. Auparavant, Melbourne (Australie) et Lisbonne (Portugal) avaient, elles aussi, déjà initié des tests sur le partage spatial et temporel de la voirie, permettant à Lyon de paramétrer son dispositif au regard de ces résultats.
Pour vérifier la pertinence de ce couloir dynamique, c’est une artère majeure de la ville qui a été choisie: le site Dauphiné-Lacassagne, qui fonctionne dans le sens nord-ouest > sud-est. Pour les habitants de l’Est lyonnais, il constitue une des portes de sortie du quartier très fréquenté de la gare Part-Dieu – Villette. Le test a été réalisé durant quatre mois, au cours du premier semestre 2017, et il a été décliné selon trois sénarii, afin de disposer de mesures précises pour vérifier l’efficience de plusieurs solutions. La voie dynamique a été implantée sur un tronçon de 300 mètres. Sur les trois lignes qui empruntent cet axe, seuls les bus de la ligne C13 des transports en commun lyonnais (TCL) ont été équipés pour bénéficier de la voie dynamique.
Le principe consistait à affecter temporairement une voie de circulation générale aux bus. Le flux automobile n’était ainsi plus pénalisé au profit du bus, de façon constante sur plusieurs kilomètres, mais sur quelques minutes seulement. Avant de lancer les tests, une première étape a consisté à mettre en place les aménagements. En l’occurrence, une signalisation lumineuse au sol à base de LED ainsi que des panneaux lumineux de rabattement, indiquant aux usagers la conduite à tenir lorsqu’un bus est en approche. Un système communiquant a par ailleurs été positionné dans chaque bus, afin qu’il soit détecté quelques mètres avant son arrivée sur la voie dynamique et, ce faisant, active le dispositif des panneaux lumineux invitant les automobilistes à se rabattre sur la voie de gauche pour laisser celle de droite au transport en commun. De même, les LED positionnées au sol s’activaient, elles aussi, à l’approche du bus afin de matérialiser avec plus de précision, la voie réservée.
Organisée sur quatre mois, l’expérimentation a été fragmentée en trois parties. En janvier 2017, la Métropole et ses partenaires ont étudié une première configuration visant à uniquement matérialiser le couloir dynamique avec le système lumineux (LED au sol et panneaux de signalisation lumineux). En février et mars, un deuxième scénario combinant le fonctionnement du système lumineux au sol, ainsi que la priorité aux feux pour les bus C13 a été mis en place. Enfin, en avril, les bus ont bénéficié simplement d’une priorité aux feux, mais plus de leur voie dynamique.
Au global, le bilan est assez contrasté suivant les aménagements retenus. Ainsi, en analysant les résultats en heure de pointe, et en considérant la médiane et les écarts types (et pas seulement la moyenne), les partenaires de l’expérimentation lyonnaise ont observé jusqu’à 28 % de gain en temps de parcours pour le bus. « La combinaison « voie bus dynamique + priorité aux carrefours à feux » est la plus pertinente, avec un gain de temps de parcours de 13 % pour le bus. Avec la priorité aux carrefours à feux seule, on note un gain de temps de parcours de 10 %, et avec la voie bus dynamique seule, ce gain atteint 8 % », constate Pierre Soulard. La Métropole a également relevé un gain de régularité de 25 % pour la ligne de bus concernée par l’expérimentation. « Ces résultats sont globalement encourageants sachant que la distance sur laquelle a été faite l’expérimentation était relativement courte », estime toutefois Pierre Soulard. Reste un élément moins positif: celui du respect de ce dispositif par les automobilistes. Suivant les jours et sans aucun contrôle de police, seuls 40 à 60 % des conducteurs de véhicules ont respecté le couloir dynamique.
Depuis l’expérimentation, les acteurs de la signalisation routière ont mis sur le marché des équipements de série, comme des panneaux lumineux indiquant cette voie dynamique ou des LED réglementaires, de nature à simplifier les prochaines étapes en vue de l’installation de couloirs de bus dynamiques. Autres enseignements: la fréquence des bus appelés à circuler sur la voie dynamique doit être supérieure à 8 minutes. Et ce couloir dynamique perd beaucoup de son efficience sur les voies où le trafic est supérieur à 900 à 1 000 véhicules/jours, car le pincement qui s’effectue au moment du rabattement des véhicules est trop pénalisant. Cette phase de test a également permis de définir une sorte de profil type des applications possibles. « La voie de bus dynamique peut avoir une valeur ajoutée à titre transitoire en amont de l’installation d’un couloir pérenne ou sur une section de voierie située entre deux couloirs de bus existants », résume Pierre Soulard. Autant d’avancées significatives vers cette ultime étape que Lyon devrait franchir, sans toutefois fixer d’échéances.
La Métropole souhaite donc étudier plus en détail cette solution de couloir de bus dynamique. Pour ce faire, elle dispose maintenant d’un outil de simulation, puisque le laboratoire LICIT, co-maître d’œuvre de ce projet, a modélisé l’expérimentation permettant de tester de nouvelles configurations en différents endroits, avant de les vérifier sur le terrain. Pour l’heure, ces sites ne sont pas encore définis, mais pour les choisir Pierre Soulard pose déjà des conditions issues des observations du test in situ. « La durée d’expérimentation doit être plus longue, pour que la période d’appropriation du système lumineux par les usagers soit prise en compte, avec une marche à blanc du système. La section équipée en voie de bus dynamique mérite d’être plus étendue pour compenser la perte de temps liée au pincement en amont du dispositif. Enfin, il est nécessaire de parfaire la signalisation sur site en privilégiant la sémiologie existante, par exemple à travers un marquage à plat en blanc du mot “BUS” plutôt que des LED en rive. De même, nous devons améliorer la signalétique amont », analyse le responsable du service mobilité urbaine à la Métropole de Lyon.
