Lyon est la plus grande ville française à faire circuler des trolleybus. Une vaste opération de révision à mi-vie vient de débuter pour la quasi totalité de la flotte, qui doit durer quatre ans. À la clé, une prolongation de la durée de vie des matériels.
D’ici à 2020, les 123 trolleybus Cristalis, standards et articulés mis en service entre 2003 et 2011 sur le réseau des Transports en commun lyonnais (TCL) vont tous passer entre les mains des experts en maintenance et en révision du groupe Keolis, délégataire du Sytral (Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise). Au programme, une révision dite à « mi-vie » leur permettant de circuler pendant au moins 20 ans sur les lignes de la ville et de l’agglomération. Ce programme d’une ampleur inédite concerne 123 des 130 véhicules de la flotte de trolleybus composée de 69 standards (12 m), de 54 articulés (18 m) et de 7 Miditrolleys (10 m), ces derniers n’étant pas inclus dans la grande révision. Il mobilisera 120 000 € HT pour un trolleybus standard et 160 000 € HT pour un véhicule articulé. Autant dire que la révision à mi-vie a fait l’objet de moult arbitrages avant d’être lancée en fin d’année dernière.
Face à la complexité des processus à mettre en œuvre et à l’importance du budget, le Sytral a d’abord mandaté un bureau d’études chargé de réaliser une estimation du coût de la révision à mi-vie de ses trolleybus. Une étape indispensable, d’autant qu’il fallait non seulement s’assurer de la faisabilité financière, mais aussi technique. En effet, Iveco, constructeur des trolleybus en circulation à Lyon, a stoppé sa production, et les pièces de rechange et l’expertise en maintenance sont désormais rares. « Keolis a également réalisé une estimation financière et technique à partir d’un test réalisé sur le démontage et la rénovation d’un trolleybus », précise Magalie Campmas, chef de projet systèmes transport bus et trolleybus du Sytral. Budget en main, le Sytral a finalement arbitré en faveur de la révision. « Sans cette grande révision, nos véhicules n’auraient pas pu atteindre le cap des 20 ans de durée de vie. L’analyse financière a montré que cette opération était rentable, c’est pourquoi nous avons opté pour cette solution », explique Magalie Campmas, reconnaissant qu’il s’agit là d’une « grosse décision ».
Au-delà du prisme financier, l’ancrage environnemental que le Sytral souhaite donner à sa flotte de véhicules a aussi fait pencher la balance. « Aujourd’hui 75 % des déplacements faits sur nos lignes sont réalisés sur le mode électrique. L’intérêt de la technologie des trolleybus est d’être non polluante », fait valoir le Sytral. De fait, la flotte de trolleybus lyonnaise, la plus importante de France a encore de beaux jours devant elle, si l’on se fonde sur ses avantages mis en avant par les équipes du Sytral. « Le respect de l’environnement est un atout, mais nous prenons également en considération le fait que la durée de vie des véhicules et celle des trolleys est de 20 ans, là ou les bus thermiques atteignent en moyenne une quinzaine d’années », souligne Magalie Campmas. Le dernier paramètre pris en compte dans le cadre de l’arbitrage est tout simplement calendaire. « Nous avons saisi l’opportunité de la mise en site propre de la ligne C3 pour réaliser cette grande révision. Les trolleybus habituellement en circulation sur cette ligne ont été les premiers à passer en grande révision, et maintenant, ils nous permettent d’effectuer un roulement avec les véhicules des autres lignes », commente la chef de projet systèmes transport bus et trolleybus du Sytral.
Pour prendre en charge cette révision sans précédent, le Sytral a choisi de s’appuyer sur l’expertise de Keolis, son délégataire qui réalise l’entretien régulier de sa flotte de véhicules thermiques et des trolleybus. « Nous disposons d’un personnel qualifié capable de mener à bien l’ensemble des opérations à réaliser dans le cadre de la grande révision. De plus, les équipements de l’atelier central du centre de maintenance de Villeurbanne Alsace sont dimensionnés pour de la maintenance lourde, donc nous pouvons les utiliser pour cette opération. Cela étant, il s’agit d’une première car si nous prenons en charge les opérations de rénovation régulières, c’est la première fois que nous réalisons une grande révision sur les trolleybus », explique Lionel Debarreix, responsable de la maintenance des bus chez Keolis Lyon.
Les interventions à réaliser sortent toutefois du quotidien des opérateurs de Keolis. La révision à mi-vie consiste en effet en un important contrôle technique qui vise notamment à réviser l’ensemble des équipements mécaniques, électriques, pneumatiques et électroniques, apporter des améliorations techniques, rénover la caisse et le compartiment voyageurs et fiabiliser le matériel. Une équipe de 15 techniciens répartis sur sept postes de travail spécifiques sont entièrement dédiés à ce chantier d’envergure. « Il s’agit de démonter chaque véhicule de A à Z afin de mettre le châssis à nu. Partant de là, nous réalisons le traitement du châssis en reprenant certaines zones attaquées par l’usure ou la corrosion. Nous effectuons ensuite la réfection des sols, le traitement des aménagements intérieurs, avant de remonter le trolleybus pour le rendre autonome et le conduire jusqu’à la cabine de peinture et enfin nous remontons les équipements intérieurs et effectuons les dernières finitions », décrit Lionel Debarreix. Pas moins de 12 à 18 semaines de travail par véhicule, en prenant soin de n’apporter aucune modification aux équipements sous peine de perdre l’homologation du véhicule. A ce jour, 30 trolleybus ont déjà subi leur cure de jouvence. Les derniers sortiront de l’atelier de maintenance fin 2020, au plus tard début 2021.
Inédite, cette opération devrait permettre aux équipes du Sytral et de Keolis d’affiner leur savoir-faire dans le domaine de la maintenance. Pas tant sur le plan technique, puisque les opérateurs avaient déjà l’expertise requise, mais surtout sur le plan organisationnel. « Il nous a fallu environ un an de mise au point. Nous avons mis en place des process nouveaux en amont et ce travail s’enrichit au fil des mois avec des ajustements », analyse Lionel Debarreix qui estime que la grande révision est de nature à « faire progresser l’organisation des ateliers centraux ». De là à parler de modélisation permettant d’avoir un outil « normé » en matière de maintenance, le pas n’est pas encore franchi. « Il est possible que nous adaptions nos processus de maintenance suite aux enseignements que nous tirerons de cette grande révision », commente-t-il.
A ce stade, une chose est néanmoins certaine, le Sytral souhaite poursuivre le développement des lignes de trolleybus. Et ce, même si les inconvénients ne sont pas niés. « Les bus thermiques sont évidemment plus souples, puisque les lignes aériennes figent le parcours des trolleybus. C’est pourquoi, nous sommes en train d’étudier de nouvelles générations de trolleybus équipés de la technologie In Motion Charging (IMC) qui ont l’avantage de se recharger en roulant, et donc de ne plus figer les tracés aussi strictement que nos véhicules actuels. Aujourd’hui, six lignes sont à l’étude avec ce type de trolley IMC. Notre objectif est de mutualiser au maximum le réseau de lignes aériennes existantes », décrit Magalie Campmas. À ce jour, le réseau de trolleybus peut compter sur 121 km de lignes aériennes de contact, dont 5,5 km qui ont été aménagés en 2014. Si le Sytral décide d’implanter des véhicules IMC, ces lignes pourraient permettre de doubler les dessertes en trolleys puisque les IMC peuvent circuler sur des portions comprenant environ 50 % de lignes aériennes sur leur trajet total.
Il est d’usage de qualifier Lyon de « capitale des trolleybus ». Sans aller jusque-là, la relation qui unit Lyon et les trolleys est une histoire ancienne. Les tout premiers, très précisément les électrobus Nithard, sont apparus sur la nationale 6 entre Tassin et Charbonnières-les-Bains en 1901, mais ils furent rapidement supprimés suite à l’électrocution d’un élagueur d’arbres. Il faut alors attendre 1933, avec l’essai d’un trolleybus Vétra type CS48 à caisse bois sur une boucle dans le quartier de Gerland, pour que ce mode de transport reprenne de la vigueur. Leur développement devient alors exponentiel, particulièrement après-guerre, quand les Omnibus et tramways de Lyon (OTL) suppriment les tramways pour les remplacer par des bus et des trolleybus. Dans les années 50, le parc de trolleybus atteint 360 véhicules. Le début des années 60 et la généralisation de l’automobile portent un nouveau coup d’arrêt aux trolleys, avant que la crise pétrolière n’inverse la tendance. Les Transports en commun Lyonnais (TCL) s’appuient alors sur les usines du constructeur local Berliet pour redévelopper leur réseau de trolleys. Depuis, Berliet a été avalé par Renault et s’est recentré exclusivement sur la construction de poids lourds, mais de nouveaux constructeurs ont pris le relais.
• 15: le nombre moyen de semaines nécessaires pour réviser un trolleybus;
• 120 000 € HT: le montant moyen du coût de la grande révision pour un trolleybus standard;
• 160 000 € HT le montant moyen du coût de la grande révision pour un véhicule articulé;
• 123: le nombre de trolleybus qui seront révisés;
• 15: le nombre de techniciens entièrement dédiés à cette grande révision;
• 4: le nombre d’années nécessaires à la réalisation de la grande révision.
