Le salon Viva Tech dédié aux nouvelles technologies aura été l’occasion pour la RATP de faire la démonstration qu’elle était tournée vers les nouvelles solutions de mobilités. Des solutions de billettiques sans infrastructures aux applications de transport extrascolaire, en passant par les taxis volants, l’entreprise multiplie les initiatives.
Le groupe RATP était venu en force sur Viva Tech, le salon dédié aux nouvelles technologies qui s’est tenu fin mai à Paris, porte de Versailles. La société présentait sur son stand – pardon, son « Lab »! – une trentaine de start-up développant leurs services autour la mobilité urbaine, comme du ticketing sur smartphone, des applications de mise en relation entre voyageurs ou des services de bus sur-mesure. Un éclectisme volontairement foisonnant qui agite le transporteur, bien conscient de la nécessité d’évoluer. Le groupe va même jusqu’à s’afficher avec le projet des taxis volants du toulousain EVA, dont il est partenaire. Un choix totalement assumé par Mathieu Dunant, directeur de l’innovation de la RATP. « Les navettes volantes d’EVA font le buzz, mais cela arrivera un jour. Nous les considérons comme la dernière brique de la mobilité autonome, à laquelle nous nous intéressons, ne serait-ce que pour apprendre comment intégrer ces solutions. Nous souhaitons que les véhicules autonomes deviennent un service comparable au RER, avec des besoins propres qui tiendront plus du rabattement ou d’une offre personnalisée en dernier kilomètre. Ainsi, nous testons une navette autonome dans le bois de Vincennes. »
Pas question, toutefois, de survoler les embouteillages du périphérique en taxi volant dans un avenir proche. Ne serait-ce qu’en raison des contraintes réglementaires. Mais d’autres pays se montrent plus souples sur ces aspects, comme la Malaisie ou les Émirats Arabes Unis. Pour son exposition universelle en 2020, Dubaï nourrit l’ambition de disposer d’une flotte de taxis à 30 % aérienne. Le terrain n’est pas inconnu pour RATP Dev, qui opère déjà les bus de Riyad et a remporté fin décembre l’appel d’offres du métro de Doha, en association avec Keolis. « À l’international, nous nous positionnons comme un opérateur de mobilité », souligne Mathieu Dunant. Le partenariat avec EVA prend ici tout son sens.
Retour sur le plancher des vaches en France, où la RATP mise sur des services plus accessibles, axés sur l’économie collaborative. Ainsi, il n’est pas étonnant que RATP Capital Innovations, la filiale dédiée à l’investissement dans les PME et start-up (30 millions d’euros de budget), ait financé plusieurs services communautaires comme Klaxit (covoiturage domicile-travail-voir article plus loin), Communauto (autopartage), ou encore Cityscoot (scooters électriques en libre-service). Au-delà d’une prise de participation capitalistique, la régie noue des partenariats avec d’autres jeunes pousses, pour développer des expérimentations, quitte à participer à des appels d’offres ensemble ou monter au capital plus tard. Présente sur le stand de la RATP, la start-up allemande Motion Tag envisage de faire du smartphone le couteau suisse du voyage, et ceci indépendamment des infrastructures. « Motion Tag est une application de billettique sur smartphone, en pay-as-you-go. Nous utilisons les données sensorielles du smartphone, comme l’accéléromètre, couplées au machine learning pour déterminer comment, quand et où un utilisateur se déplace. Ainsi, notre application est capable de faire la différence entre dix modes de transport différents, et ceci en temps réel », explique Fabien Sauthier, responsable du développement. Motion Tag provient de l’incubateur de la Deutsche Bahn et teste son application sur plusieurs lignes territoriales ferroviaires allemandes. En Suisse, Motion Tag est également associé, en tant que fournisseur de données, au projet Green Class CFF, une offre MaaS expérimentale qui propose un package (de luxe) comprenant un pass de train, la location d’une voiture électrique BMW i3 ainsi que des services de vélos et voitures partagées. Car Postal a également testé la technologie de pay-as-you-go de Motion Tag lors de son expérimentation CIBO (Check-in, Be-out) menée à Sion en 2016: les clients déclenchaient eux-mêmes le checking en montant à bord des bus et le désactivaient à la fin de leur parcours projet. Les tests ont toutefois révélé que le système reposant sur la seule utilisation des téléphones portables s’avérait moins fiable que le système recourant à du matériel informatique installé à bord des véhicules (routeur wifi ou balise Bluetooth). Nul doute que Motion Tag a depuis affiné son modèle.
La prochaine expérimentation de pay-as-you-go, qui sera réalisée à Nice fin 2018 sur le réseau Ligne d’Azur, sera suivie avec attention, notamment par la RATP. « Nous ne déploierons pas forcément cette solution demain mais c’est important de pouvoir la tester à Paris ou en France », précise Mathieu Dunant. Ce dernier ajoute que le mode opératoire sans infrastructure peut se révéler très pertinent pour de nouveaux contrats, notamment à l’international. « Ce système permet également de recueillir le feed-back des voyageurs, un élément important pour la billettique de demain », ajoute-t-il.
D’autres services présentés sur le Lab RATP, moins technologiques, mettaient l’accent sur le service et l’économie de partage. Les accompagnements scolaires et extra-scolaires représentent souvent un véritable casse-tête pour les parents. L’application Cmabulle est un service de mise en relations entre parents dont les enfants se rendent au même endroit et au même moment, pour les amener à l’école ou à leurs activités de loisirs. Un gain de temps apprécié pour les parents et un moyen de désengorger le trafic aux abords des écoles ou autres lieux d’activités. Lancé il y a deux ans, l’application compte 3 500 utilisateurs sur Paris, Lille, Dijon et Le Mans. « Nous sommes gratuits pour les parents et les structures, car nous nous rémunérons auprès des collectivités qui achètent notre service, le coût étant dépendant du nombre d’utilisateurs », indique Florence Résillot, directrice associée de Cmabulle.
La start-up travaille ainsi avec la Setram, au Mans, et Divia, l’opérateur de Dijon Métropole. Cmabulle, en partenariat avec Keolis, figure parmi les lauréats de l’appel a` projets concernant les nouvelles mobilités, lancé par la Société du Grand Paris et Île-de-France Mobilités. Les expérimentations sont menées sur les sites de six gares du Grand Paris Express, dont la gare Rueil-Suresnes-Mont-Valérien dans les Hauts-de-Seine. « Là-bas, 150 familles utilisent notre service. Cmabulle ne se réduit pas à une application car nous mettons également en place des ateliers pédagogiques. À Rueil, nous avons mis l’accent sur un mode de déplacement doux en trottinette avec des ateliers sur le code piéton et le Code de la route », précise Florence Résillot.
Mais l’innovation ne provient pas toujours des start-up; elle peut aussi émerger au sein de sa propre structure. La RATP a mis en place un programme d’intrapreneuriat destiné à faire émerger de nouvelles idées. Depuis septembre 2017, Typhaine Guillemain travaille à l’évolution de l’offre au sein de la direction bus de la RATP (services urbains et affrètement). Elle finalise le projet Bento Kids, une application qui permet de répondre au besoin de transport des enfants de 8 à 14 ans lors d’activités sportives. Un service hyper-segmenté en B2C qui vient en complémentarité de l’offre de transport en commun. « Nous effectuons du sur-mesure en adaptant notre offre à un besoin, celui des associations sportives qui doivent gérer les déplacements de leurs jeunes adhérents, notamment pour des compétitions. C’est une grosse contrainte, car elles ont parfois des pénalités si elles ne peuvent honorer leurs rendez-vous », détaille-t-elle. Le projet Bento Kids, qui doit encore être validé définitivement par la RATP, est destiné à devenir l’application de référence des clubs sportifs et les décharger de tous les aspects transports.
Nous construisons notre service dans un esprit collaboratif. L’idée, c’est de faire le dernier kilomètre en étant conduit en toute sécurité par un tiers de confiance. Cela peut être un bus de la RATP, mais l’application pourra proposer d’autres solutions si elles se révèlent plus adaptées. Notre application doit surtout servir à renforcer les pratiques collectives et associatives, d’entraide, en favorisant aussi le covoiturage car nous visons des transports 100 % locaux, 100 % éco, sans engagement et économiquement vertueux », souligne Typhaine Guillemain. En cas de succès, le modèle Bento pourrait s’appliquer sur d’autres sites. Le pôle de compétitivité de Saclay ainsi que le centre anti-cancer Gustave-Roussy, à Villejuif, ont été évoqués. « Pour la RATP, il est important de montrer que les machinistes peuvent contribuer au lien social dans la ville. Les travaux du Grand Paris risquent d’impacter la circulation, le réseau de bus va devoir s’adapter et il faudra être présent, même s’il n’y a plus de solutions de transport en commun classique. Un peu comme à Bristol où RATP Dev a mis en place une ligne de bus virtuelle et ponctuelle », conclut Mathieu Dunant.
