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Licencié pour avoir refusé de passer le permis D!

Le dirigeant d’entreprise dispose d’un pouvoir de décision unilatéral et discrétionnaire pour déterminer des formations dont il souhaite faire bénéficier ses salariés. Lorsque la formation proposée est dans l’intérêt de l’entreprise, refuser cette formation constitue pour le salarié un motif de licenciement pour faute. Rappel des droits et devoirs de l’employeur en matière de formation des salariés.

Pour être pérenne, une entreprise doit faire évoluer ses ressources, y compris ses ressources humaines. La formation continue des salariés est un enjeu de compétitivité et de longévité pour l’entreprise. Elle lui permet de s’adapter à l’évolution du marché et du contexte dans lequel elle évolue.

Mais de quel pouvoir dispose le dirigeant pour faire évoluer les compétences de ses salariés, autrement dit, pour leur faire suivre des formations dans l’intérêt de l’entreprise?

C’est à cette question que répondent aujourd’hui les juges d’appel de Saint-Denis (Réunion), en revenant sur un jugement du Conseil des Prud’hommes de cette même ville.

Le passage du permis D par un mécanicien

Tout commence avec l’embauche de Monsieur B. en contrat à durée indéterminée, en qualité de « mécanicien » par la société de transport C. Joseph (« la société »).

Quelques années plus tard, la société propose à Monsieur B. de passer le permis D, aux frais de la société. Mais celui-ci refuse. Il considère qu’ayant été recruté comme mécanicien, il n’a pas à conduire d’autocar. Les relations avec son employeur s’enveniment et, trois ans plus tard, Monsieur B. est licencié pour faute grave.

Non content de cela, il décide de porter l’affaire en justice, devant le Conseil de Prud’hommes de Saint-Pierre, afin d’obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il indique notamment à l’appui de son recours que son contrat de travail ne prévoyait pas qu’il doive passer le permis D. Il considère ainsi que la proposition faite par son employeur de combiner ses activités de mécanicien avec une activité de chauffeur, constituait une modification essentielle de son contrat de travail qu’il était en droit de refuser.

Une formation constituant une modification essentielle du contrat de travail?

Par jugement du 15 décembre 2015, les Conseillers prud’homaux décident de lui faire droit, et accueillent sa demande. Son licenciement est alors jugé « sans cause réelle et sérieuse » et la société de transport est condamnée à lui verser des dédommagements.

Bien décidée à ne pas en rester là, cette dernière fait appel du jugement. Dans ses conclusions, elle indique que le refus de formation de Monsieur B. était constitutif d’une faute grave, puisque celui-ci n’avait pas de motif légitime pour justifier ce refus.

Et, la Cour d’appel de Saint-Denis, dans son arrêt du 24 avril 2018, va suivre l’argumentation de la société de transport et infirmer la décision des conseillers prud’homaux.

La Cour estime, pour commencer, que la formation proposée était conforme à l’intérêt de l’entreprise.

Une formation conforme à l’intérêt de l’entreprise

En effet, elle aurait permis à Monsieur B. de conduire les autocars de plus de sept personnes, et aurait ainsi évité le déplacement de trois personnes à chaque opération de dépannage.

La Cour poursuit en rappelant qu’en matière de formation, l’employeur dispose d’un pouvoir de décision unilatéral et discrétionnaire pour déterminer le type de formation et les salariés qu’il souhaite en faire bénéficier.

Partant, le refus par un salarié, sans motif légitime, de suivre une action de formation décidée par l’employeur dans l’intérêt de l’entreprise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Seules exceptions à ce principe: les formations pour lesquelles l’accord du salarié est requis, à savoir:

• les formations devant se dérouler hors du temps de travail,

• les bilans de compétence,

• les actions de validation des acquis par l’expérience.

Enfin, la Cour applique la règle de droit aux faits du cas présent et juge que:

• M. B. n’invoque aucun motif légitime au soutien de son refus,

• la formation qui lui était proposée était conforme à l’intérêt de la société,

• la formation qui lui était proposée n’entrait pas dans le cadre des exceptions, pour lesquelles l’accord du salarié est requis.

Dès lors, le licenciement de Monsieur B. est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Droit et devoir de l’employeur en matière de formation des salariés

Est-ce à dire que l’employeur est omnipotent en matière de formation? Certainement pas! Comme nous allons le voir maintenant, si celui-ci dispose de droits, il a aussi des devoirs.

L’évolution de l’entreprise entraîne fréquemment une modification des emplois. Lorsque tel est le cas, l’employeur a une obligation d’adaptation et de formation des salariés aux nouveaux postes. Si celui-ci ne respecte pas cette obligation, il se prive de la possibilité de reprocher aux salariés leur insuffisance professionnelle à leur nouveau poste.

En revanche, lorsque l’employeur remplit son obligation et propose aux salariés une formation à leur nouveau poste, le salarié qui refuserait une telle formation pourrait licitement être licencié pour faute.

Il est à noter que la Cour de cassation a même étendu cette solution au salarié qui, bien qu’ayant bénéficié des formations adéquates, ne parvient pas à s’adapter à son nouveau poste.

Le licenciement de ce dernier serait validé par les tribunaux.

La clause de dédit-formation

L’employeur dispose également d’un moyen juridique de protéger l’investissement que constitue le paiement d’une formation à un salarié: la clause de dédit-formation.

Cette clause prévoit que, pendant un certain temps après la formation, si le salarié démissionne, il doit rembourser à son employeur une somme d’argent destinée à compenser le prix de celle-ci. Attention toutefois, la somme d’argent contractuellement prévue doit rester proportionnée aux frais de formation payés, et ne doit pas avoir pour conséquence d’empêcher le salarié de démissionner.

Cours d’appel de Saint-Denis (Réunion), chambre sociale, 24 avril 2018.

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Auteur

  • Jacques Cheneau
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