Avec sa nouvelle pile à combustible, Symbio s’attaque au créneau des véhicules lourds, dont les bus, et VUL hydrogènes. L’équipementier français indique que trois constructeurs devraient sortir des autobus à hydrogène dans les mois à venir.
L’électrification des véhicules se heurte rapidement à un problème de taille lorsque l’on s’attaque au segment des utilitaires, encore plus à celui des véhicules lourds. « Lorsque l’on est confronté à des terrains un peu moins plats, ou demandant une grande autonomie (comme les circuits périphériques du Grand Paris ou ceux mixant ville et campagne), l’autonomie dont disposent les bus électriques se montre insuffisante, surtout si l’on veut en plus disposer d’options comme la climatisation », explique Fabio Ferrari, pdg de Symbio, une entreprise grenobloise spécialisée dans la fabrication de piles à combustible. Pour cet équipementier, le modèle tout électrique n’est pas adapté aux besoins du transport collectif dès que les circuits empilent les kilomètres. Jusqu’à présent, un bus électrique trouve rapidement ses limites aux alentours de 200 km. Symbio préconise donc une motorisation hybride électrique/hydrogène qui permet de prolonger l’autonomie du moteur électrique avec une pile à combustible, elle-même alimentée par de l’hydrogène sous pression. Ce dispositif autorise une autonomie triplée par rapport au modèle tout électrique, avec un poids et un volume de transport quasiment inchangés par rapport au thermique. Autre avantage, le plein d’hydrogène ne prend que 10 minutes environ.
L’entreprise vient ainsi de sortir un modèle de pile à combustible dédié au segment lourd, H2MotivL (VUL, car, bus et camions). En l’espèce, la pile à hydrogène se « connecte » sur le moteur électrique, auquel il faut également rajouter un radiateur pour garantir une température constante à 80 °C. Ce module, précise Fabio Ferrari, présente l’avantage d’être compact et pré-intégré, ce qui permet de réduire les tests d’homologation à 9 mois au lieu de 24 à 36 mois. De quoi accélérer la mise sur le marché de nouveaux modèles. Sur ce point, Fabio Ferrari indique travailler avec trois constructeurs d’autobus. « Dans quelques mois, trois marques de bus seront prêtes à lancer des modèles sur le marché en version hydrogène », annonce-t-il, sans pour autant dévoiler de noms. Créé en 2010 sous le nom de Symbio FCell, cet équipementier a été soutenu dès le départ par le fonds d’investissement stratégique du CEA, qui détient 9 % du capital, aux côtés d’Engie (23 %) et Michelin (46 %). Michelin assure par ailleurs la production des piles à combustibles.
Symbio s’est notamment illustré par la motorisation hydrogène de plusieurs modèles Kangoo, avec déjà plus de 250 exemplaires homologués dont certains vont commencer à être déployés dans la région Rhônes-Alpes (dans le cadre du projet Zero Emission Valley). Si, pour ces Kangoo H2, une pile à hydrogène de 5 kW est suffisante, les nouvelles piles H2MotivL délivrent 40 kW, ce qui permet de déplacer un bus urbain de 12 m. Il faut rajouter un second module pour un bus de 18 m. Disponibles pour l’instant uniquement en première monte, ces produits pourraient faire éventuellement l’objet d’une offre en retrofit. L’équipementier indique travailler à cette solution qui s’avère complexe, notamment en matière d’homologation. La technologie de Symbio reste pour l’heure plus coûteuse qu’un véhicule électrique fonctionnant uniquement sur batteries. Mais Fabio Ferrari se veut confiant: « Les modèles construits relèvent de la petite série, les prix seront bientôt équivalents. »
Les kits façonnés par Symbio permettront de rouler entre 10 000 et 40 000 heures selon les configurations. Ensuite, le bloc-moteur sera renvoyé en usine pour un remplacement de certaines pièces usagées, notamment les membranes. « Le platine utilisé pour la catalyse sera recyclé à 95 %, ce qui permet de répondre à ceux qui s’inquiètent d’une pénurie de métaux rares », précise Fabio Ferrari. Chaque bloc-moteur est connecté afin d’aider le gestionnaire de parc à mettre en place des stratégies de maintenance prédictive, mais également d’affiner les réglages entre consommation électrique et consommation hydrogène. « Les kilomètres parcourus en électrique coûteront toujours moins cher que ceux provenant de la pile à combustible, car il y a une transformation supplémentaire. En revanche, seul l’hydrogène permet de faire beaucoup de kilomètres. Ainsi, le client a le choix de faire son propre mix entre la batterie et l’hydrogène, selon l’usage qu’il fait de son véhicule, et il peut en modifier les ratios si un bus est par exemple amené à faire des missions différentes le week-end », détaille Fabio Ferrari.
En tant que coordonnateur de Mobilité Hydrogène France, un consortium d’industriels dédié à ce vecteur énergétique, Fabio Ferrari s’attend à ce que le modèle électrique (batterie et/ou pile à hydrogène), soit prédominant à l’horizon 2030 sur tous les segments du marché: véhicule individuel, car, bus ou même camions. « La courbe de réduction des émissions de CO2 prévue par l’Union européenne et le rejet actuel vis-à-vis des particules fines ne sera ni favorable au gazole ni au GNV », justifie-t-il. L’entreprise compte également surfer sur le plan Nicolas Hulot, lancé en juin dernier et axé sur les flottes professionnelles, qui prévoit la création de 100 stations hydrogènes, destinées à alimenter 5 000 véhicules utilitaires légers et 200 véhicules lourds d’ici à 2023. Reste un dernier problème. Pour l’instant, l’hydrogène utilisé en France est constitué à 95 % d’origine fossile. Difficile dans ce cas de parler d’une énergie verte. La production par électrolyse à partir d’énergie alternative comme le solaire ou l’éolien, encore balbutiante, coûte 30 à 40 % plus cher que la production à partir d’hydrocarbure. « L’un des chantiers du plan Hulot consiste à rendre l’hydrogène par électrolyse compétitif, car c’est un excellent moyen de capter les énergies renouvelables. Il faut mettre en place les mêmes mécanismes qui ont favorisé le solaire et l’éolien », soutient Fabio Ferrari. Comprendre: taxer un peu plus les énergies fossiles au profit des énergies alternatives.
