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Licenciement pour faute disciplinaire: attention à la prescription des faits!

En matière de licenciement pour faute, le délai pour intenter une procédure disciplinaire est très court, puisqu’il n’est que de deux mois à compter des faits litigieux. L’employeur qui aurait intenté la procédure de licenciement une fois ce délai écoulé verrait le licenciement pour faute requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il aurait par conséquent l’obligation de payer au salarié des dommages et intérêts.

Un chauffeur de car, bien que mis au service de clients, reste sous l’autorité exclusive de son employeur. Ainsi, ne pas avoir suivi les directives du client ne saurait être considéré fautif, à moins que ces directives soient identiques à celles données par son employeur.

La société Nice Pullman est une société de location d’autocars qui propose diverses prestations allant du transfert d’hôtel aux voyages organisés. Elle avait engagé Monsieur O. en qualité de chauffeur. Mais au bout d’un an, elle décide de le licencier pour faute grave.

En effet, elle lui reproche des plaintes de clients à son égard pour les comportements suivants:

→ ne pas avoir répondu aux directives données;

→ avoir été grossier, de mauvaise foi et non professionnel.

La société Nice Pullman a donc mis un terme immédiat à son contrat de travail, sans préavis ni indemnité. Monsieur O. a porté l’affaire devant les Prud’hommes pour contester ce licenciement et a obtenu gain de cause.

En effet, il a fait valoir qu’il n’était subordonné qu’à son employeur, et que, par conséquent, on ne saurait lui reprocher un défaut d’obéissance au client.

Il invoque également la prescription, sur l’ensemble des comportements invoqués, l’engagement de la procédure disciplinaire ayant été engagée plus de deux mois après les faits litigieux.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence suit son argumentation et requalifie le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société Pullman est ainsi condamnée à verser à Monsieur O. des dommages et intérêts.

Les enseignements à tirer de cette jurisprudence sont de deux ordres:

→ en matière de licenciement pour faute, il y a des écueils à éviter;

→ la subordination du salarié envers son employeur ne saurait être étendue à des tiers sans encourir de sanction au titre du prêt de main-d’œuvre illicite.

Les écueils à éviter du licenciement pour faute

Les causes de licenciement sont de deux sortes: économique ou pour motif personnel.

Dans le cas présent, il s’agit d’un licenciement pour motif personnel.

Les licenciements pour motif personnel sont également de deux sortes: fautifs ou non fautifs.

C’est le premier cas qui nous occupe aujourd’hui puisque Monsieur O. avait été licencié pour faute, et même pour faute grave.

La jurisprudence distingue quatre niveaux de faute:

→ la faute légère: elle peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire, mais ne constitue pas un motif de licenciement;

→ la faute sérieuse: elle constitue un motif de licenciement, mais pas nécessairement sans préavis;

→ la faute grave: le comportement du salarié rend impossible, même temporairement, la continuation de son contrat de travail;

→ la faute lourde: la faute est ici d’une extrême gravité puisque l’intention de nuire à l’entreprise est caractérisée. La rupture du contrat de travail sera donc également immédiate.

La société Pullman avait agi en cohérence avec la qualification de faute grave puisque le contrat de travail de Monsieur O. avait été immédiatement rompu, celui-ci ayant été dispensé de son préavis.

Il est intéressant de préciser que, si elle avait permis à Monsieur O. d’effectuer son préavis, le licenciement aurait pu être requalifié en licenciement sans fautes réelle et sérieuse pour ce motif.

En effet, la qualification de faute grave aurait alors été jugée erronée au vu des suites données par l’employeur au licenciement.

Mais ici, c’est pour d’autres raisons que le licenciement a été requalifié.

Première raison: les faits étaient prescrits!

En matière disciplinaire, les faits litigieux se prescrivent par deux mois. L’employeur doit donc agir avec célérité. Bien entendu, si les faits sont réitérés, le délai de prescription recommence à courir pour deux mois à partir de chaque occurrence.

Seconde raison: le fait de ne pas avoir suivi les directives des clients ne saurait être qualifié de faute.

En effet, l’employé ne saurait être subordonné à une autre personne que son employeur.

Lien de subordination et prêt de main-d’œuvre illicite

Le contrat de travail entre un employeur et son employé implique nécessairement un lien de subordination de l’un envers l’autre.

Si ce lien de subordination fait défaut, par exemple s’il est démontré que l’employé n’est pas sous la direction de son employeur, la qualification de contrat de travail peut être rejetée par le juge.

C’est ce qui a pu se passer dans les débuts du contrat de portage salarial, avant que celui-ci n’ait fait l’objet d’une réglementation spécifique.

Ainsi, le salarié anciennement « porté » se voyait refuser d’éventuelles allocations chômages par les Assedic au motif que le travail effectué ne l’avait pas été au titre d’un contrat de travail. En effet, le salarié porté n’était pas subordonné à son employeur (la société de portage). Le lien de subordination est donc un élément constitutif du contrat de travail. Mais ce lien de subordination ne saurait être étendu à d’autres personnes. Le salarié n’a d’ordre à recevoir que de sa hiérarchie.

Mais l’employeur ne peut-il pas ordonner à son salarié de se mettre au service d’une tierce personne? La réponse est oui, mais à une condition: que l’opération soit faite à but non lucratif!

Dans le cas inverse, le prêt de main-d’œuvre serait nécessairement qualifié d’illicite. Ainsi, un chauffeur de bus exécutant une mission auprès de clients ne saurait être placé sous la subordination de ceux-ci. Monsieur O. a donc pu se justifier de ne pas avoir suivi les directives des clients, d’autant que la société Nice Pullman n’a pu prouver que les directives du client étaient conformes aux siennes.

Source: Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 mai 2018.

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Auteur

  • Jacques Cheneau
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