Fondée il y a quatre ans, Jwebi propose aux voyageurs de transporter des petits colis contre rétribution. En plein essor, le « crowdshipping » attire de plus en plus de startup, parfois même en partenariat avec certains transporteurs, ou des enseignes de distribution.
Transformer n’importe quel quidam en coursier. Telle est l’ambition des plates-formes de mise en relation participatives, qui proposent du coconvoyage de colis. Le principe consiste à mettre en relation des particuliers, afin de transporter du courrier ou des petits colis pour le compte de tiers en profitant d’un déplacement (en avion, voiture, train ou tout autre). De quoi rembourser une partie des frais de transport pour le voyageur, et économiser beaucoup par rapport à l’envoi par coursier professionnel pour son client d’un jour. Parmi les nombreuses startup à s’être engouffrées sur le créneau du crowdshipping, Jwebi tente de tirer son épingle du jeu. Lancée en 2014, cette société tient à se distinguer par ses prestations, réalisées aussi bien sur le marché national qu’à l’international, et sur le fait qu’elle assure les colis jusqu’à 2 000 € grâce à un partenariat avec la MAIF. « Nous proposons également la possibilité d’acheter les produits, soit du crowdshopping, ce que ne font pas les autres plates-formes », souligne Asma Ben Jemaa, présidente et co-fondatrice de Jwebi (prononcer Jouébi).
Les objets ne sont volontairement pas emballés lors de leur présentation, pour que les personnes puissent les inspecter avant de les prendre en charge. Ceci permet, a priori, d’écarter toute marchandise illicite voire dangereuse, notamment pour le transport aérien. Les prix sont libres, mais restent « assez raisonnables », soit une douzaine d’euros environ, assure Asma Ben Jemaa. Jwebi prévèle une commission au passage, d’environ 23 %. « Sur un transport proposé à 10 €, le particulier paiera 11,20 €, ce qui correspond à la TVA et à notre commission. Celui qui effectue le transport touchera quant à lui 8,60 € », précise la dirigeante. Pour l’instant, les particuliers se rencontrent sur le lieu du transport (dans une gare, à l’aéroport, ou au départ de la voiture), mais Jwebi étudie la possibilité d’utiliser des points relais, avec des tests notamment sur Tunis, et prochainement peut-être à Paris.
Depuis sa création, la plate-forme a enregistré 300 000 recherches de voyageurs (demandes d’expédition) et en parallèle, 45 000 trajets ont été proposés par les « Jwebeurs », les voyageurs passant par le site. Les trajets les plus fréquentés sont les axes Bordeaux-Toulouse, Paris-Tunis, Lille-Marseille, New-York-Paris et Londres-Paris, sachant qu’une soixantaine de villes ont déjà été desservies. Les deux modes de transport les plus utilisés sont l’avion et la voiture, avec une légère avance pour l’avion. Le nombre de transport par autocar reste encore restreint. La société ne souhaite pas communiquer sur le nombre de colis réellement transportés, mais Asma Ben Jemaa assure que le volume connaît une croissance « d’à peu près 20 % par mois avec des pics en été et en fin d’année ».
L’entreprise se défend de concurrencer les transporteurs professionnels. « Les particuliers qui utilisent notre plate-forme ont besoin d’envoyer rapidement des colis, comme par exemple des documents ou des clés oubliées, mais ne passeront pas de toute manière par des solutions professionnelles, dont les coûts sont très élevés pour ce type de prestations. Une lettre de 20 g revient à 120 € pour un Tunis-Paris en passant par une société comme DHL alors qu’elle est facturée environ 15 € sur notre plate-forme. »
Jwebi pourrait même faire travailler des entreprises de transport routiers, qui voient parfois d’un mauvais œil ce qu’elles considèrent comme un exercice illégal de leur profession. « Plusieurs petites sociétés de transport nous ont contactés pour collaborer avec nous et c’est une possibilité que nous étudions. Ainsi, lorsqu’un produit proposé ne trouve pas preneur, il pourrait être pris en charge par des transporteurs. Nous voudrions ajouter ce service de mise en relation à l’automne », projette Asma Ben Jemaa.
Les initiatives ne manquent pas pour transformer les voyageurs en convoyeurs, qu’il s’agisse de voyage en car, train ou voiture. Au grand dam des transporteurs, qui dénoncent régulièrement ce qu’elles considèrent comme un exercice illégal de leur profession.
Partenariat avec Ouibus. Associée avec Ouibus depuis le mois d’avril, Cocolis propose aux voyageurs de gagner 5 € en emportant dans leurs bagages un trousseau de clés entre Bordeaux et Toulouse, 9 € pour un chargeur d’ordinateur entre Paris et Lyon, ou encore 25 € pour une guitare entre Londres et Paris. « En plus de cette participation à leurs frais de transport, les voyageurs se voient également offrir un bon d’achat de 5 € pour leur prochain trajet Ouibus. Avec plus de 300 destinations européennes et plus de 4 millions de voyages effectués chaque année, Ouibus représente un immense réseau potentiel pour les colis », signale-t-on chez l’opérateur. Les voyageurs Ouibus ont le droit d’emporter deux bagages en soute.
En lien avec les commerçants. La startup nantaise Shopopop a choisi de faire assurer une partie des livraisons des entreprises de distribution par des particuliers. Elle a passé des accords avec la plupart des enseignes de la grande distribution alimentaire (Leclerc, Super U, Intermarché, Cora, Auchan…), mais aussi avec Decathlon ou Leroy-Merlin. La collecte des paquets s’effectue principalement dans les drive, où les colis sont prêts à être embarqués par les « shoppers » dans leur voiture. Les petits commerçants en centre-ville (type fleuristes) peuvent également faire appel à Shopopop pour disposer d’un service de livraison facile à mettre en œuvre. Les colis sont distribués dans un créneau d’une heure en milieu urbain, deux heures en zone rurale, avec un taux d’échec très bas puisque le client a précisé lui-même ses disponibilités.
Liaison ferrée et sécurisée. La société LivingPackets permet aux voyageurs en train d’effectuer des livraisons express sur leurs trajets entre Londres, Paris et Lille. Originalité, les colis sont transportés dans des sacoches sécurisées et connectées qui détectent toute ouverture. Il faut de plus passer par l’intermédiaire d’un partenaire présent dans chaque gare qui supervise la transaction. Ce relais permet d’éviter une remise en main propre et évite de fixer des rendez-vous entre particuliers, parfois complexes en termes d’horaires. LivingPackets projette d’étendre son service dans toute l’Europe avec l’ouverture d’autres liaisons ferroviaires. Celles de Paris-Berlin, Paris-Marseille et Paris-Lyon avaient été évoqués lors du salon Vivatech organisé à Paris en mai 2018. L’enseigne high-tech Grosbill s’est associée à l’opération pour proposer un service de livraison le jour même.
