Décriée par les Régions, portée aux gémonies par les usagers, la SNCF se situe pourtant au cœur des enjeux liés à la libéralisation du TER. Gestionnaire du réseau d’une part, propriétaire du matériel roulant d’autre part, elle restera l’interlocuteur clé des autorités organisatrices.
La perspective de l’ouverture à la concurrence est aussi (d’abord?) un challenge pour les opérateurs historiques. Lignes à grande vitesse en 2020, TER en 2024, avec expérimentation dès 2019, trains de banlieue à partir de 2023, RER à partir de 2033… voilà pour les échéances théoriques. Dans les faits, la SNCF se prépare, en concertation avec ses principaux clients: les autorités organisatrices. Pour anticiper, la meilleure façon de procéder est de regarder comment les choses se sont passées chez nos voisins européens, où le transport ferroviaire est déjà ouvert à la concurrence depuis parfois des décennies. Le cabinet de conseil Oresys (filiale française du groupe Cordence), s’est livré à un exercice de benchmarking, en comparant les situations très disparates observées aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne, en Allemagne et au Japon. Il en ressort que les modèles adoptés sont très divers. Ce qui, dans le cas des pays européens concernés, illustre le fait que le cadre fixé par Bruxelles laisse une grande liberté d’interprétation.
En France, la préparation du nouveau pacte ferroviaire a marqué une nouvelle étape vers l’évolution du système: ouverture à la concurrence, fin du statut de cheminot pour les nouveaux embauchés, et évolution du statut juridique de l’entreprise. La loi accroît également l’indépendance du gestionnaire d’infrastructure, SNCF réseau, à qui sont confiées, notamment, les missions de gestion des gares et de la gestion de crise. « La loi a été votée le 19 juin dernier, mais les ordonnances n’ont pas encore été promulguées », souligne Patricia Perennes, conseillère transports au sein de l’association Régions de France. Ces ordonnances sont attendues au plus tard dans un délai d’un an.
« Le fret est ouvert à la concurrence depuis 15 ans, rappelle Isabelle Delon, en charge de la concurrence au sein de SNCF Réseau. Nous nous sommes donc adaptés aux relations avec les nouveaux entrants. Ce qui est nouveau, avec le TER, c’est la prise en compte des autorités organisatrices. » La SNCF travaille donc avec les Régions pour préparer l’ouverture à la concurrence. « L’ambition de SNCF Réseau est de faire circuler davantage de trains avec de meilleures performances, pour le bien de tous, y compris de l’opérateur historique », rappelle-t-elle. Pour cela, le gestionnaire d’infrastructure doit veiller à appliquer un strict principe d’équité et de neutralité vis-à-vis des nouveaux entrants. Cette attitude est indispensable dans l’attribution des sillons lors des plans bi-annuels de circulation, et la question devient particulièrement sensible en cas d’incident, de façon à définir les priorités données à tel ou tel train. De la même manière, les données transmises lors de la préparation des appels d’offres devront rester strictement confidentielles.
Dans un contexte où les conditions d’exploitation de la SNCF sont souvent critiquées par les Régions, SNCF Réseau se doit donc de travailler en bonne intelligence avec ces dernières pour les aider à préparer leurs futurs appels d’offres. En leur transmettant des informations fiables sur l’état du réseau ferroviaire et les interventions programmées, mais aussi en étudiant avec les autorités organisatrices les bouquets de lignes à privatiser. Ce rôle de conseil doit trouver son équivalent dans les équipes régionales, où les compétences devront être mises à niveau. Régions de France va élaborer un document de référence, « une sorte de vademecum de la transition vers l’ouverture à la concurrence, précise Patricia Perennes. Il n’y aura pas une seule approche. Chaque Région doit pouvoir élaborer sa propre solution. » Surtout, il n’y aura pas de grand soir de la libéralisation, mais plutôt une période de « 30 à 40 ans de sortie du monopole », ajoute-t-elle. De quoi laisser du temps au temps.
