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La semaine de 39 heures: oui, mais moyennant majoration des heures effectuées au-delà de la 35e heure!

Le salarié d’une société française muté dans une société monégasque ne saurait passer d’une durée de travail de 35 à une durée de travail de 39 heures sans majoration des heures effectuées au-delà de la 35e heure. En effet, la loi française sur la durée du temps de travail est une loi impérative à laquelle les parties ne sauraient déroger par contrat.

Monsieur M. avait été embauché en qualité de conducteur-receveur par la société de droit français Rapides Côte d’Azur.

Deux ans plus tard, il est muté dans la société de droit monégasque Les Rapides du littoral.

Cette mutation se fait en deux temps: d’abord, la rupture de son contrat de travail avec la société Rapides Côte d’Azur, puis la signature d’un nouveau contrat avec la société Les Rapides du littoral.

Or, cette mutation entraîne une modification majeure dans l’exercice de la mission de Monsieur M.: alors que la durée légale du travail en France est de 35 heures, elle est de 39 heures à Monaco. Monsieur M. n’obtient donc plus de jours de congés au titre des RTT.

Pour rappel, la réduction du temps de travail (RTT) est un dispositif qui prévoit d’attribuer des journées ou des demi-journées de repos à un salarié dont la durée de travail est supérieure à 35 heures par semaine, dans la limite de 39 heures hebdomadaires. Les 4 heures correspondant à la 36e, 37e, 38e et 39e heure viennent incrémenter un compte de congés supplémentaires que le salarié pourra prendre postérieurement.

Non content de ce changement de rythme, Monsieur M. décide de porter l’affaire devant les tribunaux afin que les quatre heures effectuées chaque semaine en sus de la durée légale française soient payées en heures supplémentaires majorées.

L’affaire va en appel, et la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 27 septembre 2018, va lui donner raison.

Pourquoi?

Monsieur M. a revendiqué l’application des dispositions impératives de la loi française en matière de durée du travail et de rémunération des heures supplémentaires. La société monégasque a répliqué que la durée légale du travail en France (35 heures hebdomadaires) n’était pas considérée comme une règle impérative puisque la loi française elle-même permettait d’y déroger! Par conséquent, la demande de Monsieur M. ne saurait prospérer.

Mais la cour ne l’entend pas de cette oreille.

Pour elle, le choix par les parties de la loi monégasque ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi française. En effet, la loi française sur la durée du travail est bien une loi impérative contrairement à ce que prétend la société monégasque.

S’il peut être dérogé à cette durée de travail par accord de branche, reste que les heures supplémentaires effectuées au-delà de la 35e heure doivent être rémunérées à un taux horaire majoré.

Dès lors, la Cour décide de faire droit à la réclamation du salarié.

Le droit du travail français: un droit impératif!

Pourquoi la cour d’appel a-t-elle appliqué le droit du travail français à la relation de travail de Monsieur M. avec la société Les Rapides du littoral, société de droit monégasque?

Le droit français consacre le principe de la liberté contractuelle. En vertu de ce principe, les parties au contrat peuvent choisir la loi qu’ils souhaitent voir appliquer au contrat. Ils peuvent même choisir d’appliquer différentes lois à différents articles du contrat si le cœur leur en dit.

Mais ce principe de liberté connaît néanmoins des limites. D’abord, le choix d’une loi ne doit pas être justifié par la volonté de se soustraire injustement une autre loi, ce qui constituerait une fraude. Ensuite, le choix d’une loi plutôt qu’une autre n’est possible que si l’application de la loi que l’on souhaite écarter n’est pas qualifiée d’« impérative » ou encore « d’ordre public ». Si c’est le cas, la clause écartant la loi impérative est déclarée nulle. Concernant le droit du travail français, il est un droit impératif auquel il ne peut être dérogé que lorsque la mesure est plus favorable au salarié.

L’article 6.1 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 énonce en effet que « dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix ».

Dans le cas de Monsieur M. contre la société Les Rapides du littoral, la Cour a considéré que la loi qui devait s’appliquer par défaut était la loi française. De fait, Monsieur M. est de nationalité française, vit en France et acquitte ses impôts en France. Son lieu habituel de travail du salarié est situé en France. La prestation de travail s’effectue quasi-exclusivement en France, Monsieur M. ne se rendant jamais dans les locaux monégasques lors de l’exécution de sa relation contractuelle. Les prises et fins de service s’effectuent en France. Les temps de pause sont pris en France. Les têtes de ligne et terminus se situent en France. Les véhicules conduits sont tous entreposés en France. Les instructions pour l’exécution des missions sont données en France.

L’implantation du siège social à Monaco est fictive, les locaux monégasques sont vides et la direction est implantée à Nice. Le compte bancaire de la société est français. L’absence de coordonnées monégasques ne permet pas de joindre la société dont les coordonnées sont celles de la société Rapides Côte d’Azur dont les locaux sont tous en France. Le lieu et la monnaie de paiement sont en France. Aucun courrier n’est adressé au salarié depuis Monaco.

La société monégasque Les rapides du Littoral applique volontairement une convention collective française, celle des transports routiers… elle a donc accepté spontanément de se soumettre à la législation française. Les juges français ont donc considéré que le droit du travail français devait s’appliquer à ce contrat.

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 17e chambre B, 27 septembre 2018.

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Auteur

  • Jacques Cheneau
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