La conférence organisée par Bus&Car Connexion le 9 novembre a permis de faire le point sur les avancées du véhicule autonome, et sur les blocages qui entravent son développement. Les perspectives restent positives, même si tous les freins réglementaires et économiques n’ont pas encore été levés.
Le 9 novembre dernier, la conférence « Mobily-Cités – intégration du véhicule autonome dans le transport public et la mobilité », organisée par Bus&Car Connexion, a permis aux acteurs du secteur de faire le point sur les expérimentations en cours. Et elles sont nombreuses. Constructeurs, transporteurs, opérateurs, équipementiers… l’ensemble des professionnels du transport s’engagent dans cette révolution à venir. Une étape aussi importante que l’a été le téléphone mobile dans le secteur des télécommunications.
Fleuron français du véhicule autonome (VA), la société Navya était représentée à cette occasion par Nicolas de Crémiers. Le directeur marketing a de quoi être enthousiaste: sa société est un des leaders du véhicule autonome et des solutions logicielles associées. L’Autonom Shuttle est vendu dans 20 pays à travers le monde. La stratégie de l’entreprise cible le dernier kilomètre: « On cherche à compléter le plan de transport sur cet ultime kilomètre, explique Nicolas de Crémiers. Notre gamme de véhicules autonomes permet de desservir des environnements urbains de deux manières: des transports en commun classiques avec des arrêts déterminés, et un autonom cab à la demande. » Et, dans cette course au transport de demain, Navya s’appuie sur trois piliers: autonomie, énergie verte et partage.
Chez Transdev, ce sont quatre piliers qui ont été identifiés, et réunis dans l’acronyme PACE: personnalisé, autonome, connecté, écologique. Un pilier bonus a émergé, il s’agit de la supervision, « pour permettre l’échange entre tous les systèmes », explique Coralie Renard, directrice marketing. La société a également un fort positionnement international sur le VA: chaque année, 2 millions de passagers sont transportés dans le monde avec le système Transdev, sur 350 000 km. À Rouen, trois boucles d’un total de 10 kilomètres ont été mises en place à partir d’un arrêt de tramway: « L’objectif, c’est d’être complètement intégré à l’offre de transport », indique Coralie Renard.
Valéo est lui aussi l’un des principaux artisans de l’avènement des véhicules autonomes. Guillaume Devauchelle, directeur recherche et développement, précise que la société « gère les invariants », c’est-à-dire tous ces équipements et dispositifs qui vont être intégrés à l’intérieur comme à l’extérieur du véhicule: capteurs, calculateurs, caméras… du pilotage d’un stationnement en créneau à la sortie du véhicule vers des trajets de plus en plus longs, la technique du pas à pas permet aujourd’hui à Valéo d’être capable de construire des véhicules autonomes. Elle l’a prouvé en octobre dernier lors d’une expérimentation grandeur nature dans Paris intra-muros, au milieu de la circulation, à l’occasion du Salon international de l’automobile.
Les constructeurs et équipementiers ne sont pas les seuls à prendre très au sérieux l’avènement du véhicule autonome: les transporteurs aussi répondent présents, comme la société Berthelet. Son directeur général, Aurélien Berthelet, représente la troisième génération de dirigeants dans cette entreprise familiale ancienne de 70 ans, et qui compte aujourd’hui plus de 350 collaborateurs. Les Cars Berthelet ont acquis six navettes Navya, et sont sur le point de lancer deux projets d’expérimentation de transport collectif en véhicule autonome dans la métropole lyonnaise, dans la logique du dernier kilomètre. « Il faut que les gens utilisent moins leur voiture personnelle, estime Aurélien Berthelet. Et on n’y arrivera pas en les taxant, mais en leur apportant des solutions complémentaires et pertinentes leur permettant de se déplacer d’un point A à un point B, à toute heure du jour et de la nuit. La navette autonome est l’une des réponses. »
Mais même les plus volontaristes se retrouvent cependant confrontés à des obstacles. D’abord, la présence de zones blanches dans le milieu rural bloque les expérimentations: là où il n’y a pas de réseau ou de GPS, le véhicule autonome ne peut pas circuler. Paradoxal, dans le sens où c’est bien dans ces territoires que la demande est la plus forte, du fait de l’absence d’autres modes de transports. Ensuite, face au succès des expérimentations en France, le service public chargé de délivrer les autorisations est saturé, comme l’explique Aurélien Berthelet: « Les demandes qu’on a formulées datent de fin juin 2018, pour des expérimentations qui doivent débuter à la fin de l’année, ou début 2019. C’est vraiment pénalisant. »
Bien qu’elle soit pour le moment bien positionnée sur les véhicules autonomes, la France ne doit pas se reposer sur ses lauriers…
Le développement du véhicule autonome croise un sujet majeur pour les transports, celui de la transition énergétique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Stéphane Amant, consultant senior au cabinet de conseil Carbone 4, spécialisé dans la transition énergétique, estime « fondamental » de répondre à cet impératif.
Bien que les véhicules autonomes soient dans leur grande majorité électriques, il ne faut pas oublier les éléments qui peuvent avoir un impact sur l’environnement. D’abord, les limites technologiques actuelles au recyclage des batteries, mais ce n’est pas tout. Les véhicules autonomes sont intrinsèquement peu écologiques dans le sens où il s’agit au fond que de véhicules classiques, équipés de dispositifs autonomes: « Pour faire des véhicules autonomes, il faut beaucoup d’équipements, confirme Stéphane Amant. Il faut beaucoup de matériaux, de capteurs et même des data centers. Cette quantité énorme d’énergie grise à produire est à surveiller. »
Mais au fond, la question de l’impact du véhicule autonome sur l’environnement est plutôt liée aux choix collectifs que les citoyens et l’État feront demain sur son utilisation et sur le modèle de mobilité. Même si les constructeurs parviennent à le rendre encore et toujours plus vert, si le véhicule individuel reste la règle, les « problèmes environnementaux, avec des impacts liés à la fabrication de masse des équipements, resteront », alerte Stéphane Amant. Le consultant conclut en indiquant que les expérimentations en cours sont une formidable opportunité pour « faire l’analyse exhaustive » de l’impact des véhicules autonomes sur l’environnement.
