La Chambre régionale des Comptes Occitanie a critiqué la gestion de Tisséo Collectivités et son projet phare qu’est la troisième ligne de métro.En cause, des investissements difficilement soutenables et un manque d’efficacité des politiques publiques de mobilité.
Le dernier conseil syndical de Tisséo Collectivités a duré longtemps. Pas moins de cinq heures, au terme desquelles le lancement de l’enquête publique sur la 3e ligne de métro a été approuvé à l’unanimité. Mais tous les élus ne se sont pas prononcés sur la soutenabilité budgétaire du plan pluriannuel d’investissement de Tisséo, plusieurs se contentant de prendre acte, visiblement effrayés par le rapport d’observation rendu par Chambre régionale des Comptes Occitanie, qui porte sur les exercices 2012-2016 du syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération toulousaine.
Le plan mobilité se monte à plus de 4,5 milliards d’euros (3,86 pour ce qui relève de Tisséo). « Demeure enfin un aléa fort sur le coût final de la troisième ligne de métro dont l’estimation, déjà réévaluée à 2,33 Md€ en 2017, n’a pu être finalisée faute d’achèvement des études techniques préalables », précise le rapport de la Chambre. Le syndicat mixte assure que des études sont en cours et que la soutenabilité financière est revue par un cabinet externe.
« Tel qu’il se présente, ce plan de financement prévisionnel n’est pas dénué de risques et d’incertitudes, et doit être stabilisé, stipule le rapport. L’encours de dette du syndicat serait porté à plus de 2,5 Md€ entre 2024 et 2027, avec un pic à 2,92 Md€ en 2026. »
Et de détailler: « La prospective financière établie par Tisséo Collectivités en juin 2017 repose sur une série d’hypothèses à confirmer, concernant l’évolution du versement transport et des recettes commerciales. Elle prévoit une forte hausse de la contribution des collectivités membres de Tisséo Collectivités, qui passerait de 100 M€ en 2017 à 180 M€ par an à compter de 2026. Cette augmentation devrait essentiellement peser sur Toulouse Métropole, dont il est attendu une hausse de la contribution annuelle de plus de 70 M€ d’ici à 2026. »
Au passage, la Métropole a aussi été épinglée pour payer son dû avec plus d’un an de retard. Sacha Briand, le vice-président aux finances, assure qu’« aucun emprunt n’a été mobilisé par avance, aucun frais n’a été généré. Le syndicat commence l’année avec 150 M€, pourquoi voulez-vous que Toulouse Métropole verse quelque chose? Elle le fait à la demande du syndicat. »
Ayant identifié des irrégularités dans un marché à bons de commande, la Chambre demande au syndicat de « se conformer aux règles de la commande publique ». « Le titulaire du marché et de son groupement a fait appel à de nombreux sous-traitants sans remise en concurrence, et le montant des commandes effectuées dans le cadre de ce marché correspond à 13 fois l’estimation initiale. » « Le rôle d’un président quand il découvre des malversations, c’est de les corriger (…) J’ai immédiatement suspendu une dizaine de contrats », réagit Jean-Michel Lattes. Et d’annoncer avoir fait un signalement auprès du Procureur de la République: « Les magistrats diront s’il y a une faute administrative ou pénale. »
À la recommandation de rétablir la sincérité des comptes, Tisséo a répondu à la Cour « engager un travail de clarification tant opérationnel que comptable ». « Je suis en train de m’interroger sur la confiance que je peux avoir dans le syndicat, dit Henri Arevalo, de la communauté d’agglomération du sud-est toulousain, le Sicoval. La Cour parle de sincérité des comptes, c’est un mot fort! Comment ces pratiques ontelles pu se mettre en place dans un syndicat comme le nôtre? » Karine Traval-Michelet, maire de Colomiers, la seconde ville du département, évoque « l’opprobre jeté sur l’ensemble de la collectivité ». La Chambre régionale des Comptes Occitanie recommande aussi à Tisséo une maîtrise de sa masse salariale.
Qualifiant le projet Toulouse Aerospace Express (le surnom de la 3e ligne) d’« ambitieux », la Cour doute pourtant de « sa capacité à orienter une part suffisante des 500 000 nouveaux déplacements quotidiens prévus à l’horizon 2030 vers les transports en commun ». Car ces derniers canalisent moins de 18 % des 3,8 millions de déplacements quotidiens et 8 % des flux domicile-travail. « Cette question n’est pas sans lien avec l’amélioration de la desserte de la ceinture sud-ouest, pour laquelle le projet mobilités prévoit l’installation du téléphérique urbain sud, assorti d’hypothèses d’extensions ultérieures, sans garanties de mise en oeuvre. » Enfin, vu le retard accumulé, la Cour ne croit pas à une mise en service en 2025 mais deux ans plus tard. Ce que Tisséo ne confirme pas. Malgré un versement transport à 245 millions d’euros en 2016, le plus élevé des réseaux de province, Toulouse affiche un R/D inférieur à 30 %.
