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Mobilab: la synergie des compétences

À l’heure de la communication sans fil et de la réalité virtuelle, le département des Yvelines mise sur le rapprochement des personnes afin de favoriser la recherche liée à la mobilité innovante. En hébergeant dans les mêmes locaux trois entités qui souhaitent collaborer, le Mobilab est à la fois un accélérateur d’innovations et un moyen pour le département des Yvelines de conserver sur son territoire la recherche liée au transport.

Nouveau pôle de recherches dédié aux mobilités inno­vantes, le Mobilab a été inauguré le 7 février dernier à Versailles. Cet ensemble immobilier de 7 100 m2 crée « de la proximité entre les compétences » et a l’avantage de se trouver à côté des pistes d’essai de Nexter. Les 300 chercheurs qu’accueille le Mobilab ont pour mission d’inventer, d’expérimenter et éventuellement de déployer de nouvelles solutions de transport.

Il faut distinguer le Mobilab, qui est un bâtiment construit dans le quartier versaillais de Satory, et les entités qu’il héberge. Elles sont trois (Ifsttar, Transdev et Vedecom) et convaincues de l’intérêt qu’elles ont à travailler ensemble.

Le Mobilab n’est ni un incubateur de start-up à la manière de Station F, ni un campus universitaire devant faciliter l’émergence d’entreprises spin-off. Ses singularités résident non seulement dans le lien direct entre la recherche et ses applications, mais aussi dans l’imbrication entre les recherches techniques et leurs implications humaines. Les travaux réalisés au Mobilab sont directement connectés aux besoins des opérateurs de transport (Transdev) et à ceux des industriels puisque des constructeurs automobiles et des équipementiers utilisent les recherches de Vedecom.

Les Yvelines veulent conserver la recherche automobile

L’industrie automobile représente 45 000 emplois dans les Yvelines, dont 15 000 consacrés à la recherche et au développement. C’est un record parmi les départements français. Afin de consolider cette position prépondérante, le département des Yvelines participe au financement du Mobilab qui doit accueillir durablement des activités de recherche à haute valeur ajoutée. Il est mis en place à travers la société d’économie mixte (SEM) Satory Mobilité. Son directeur, Jean-Marie Ripart, explique « Le Mobilab illustre la volonté de soutenir une filière innovante autour de l’automobile de la part du département des Yvelines et de ses collectivités locales. Il doit contribuer à fixer dans les Yvelines l’innovation et la recherche sur les questions de mobilité de demain, qu’il s’agisse de véhicule individuel autonome ou de solutions destinées aux opérateurs de transport ».

Pourquoi Satory?

Satory est un quartier de Versailles connu de longue date pour ses terrains militaires et l’industrie liée à la défense. Aujourd’hui, on y trouve encore Arquus (anciennement Renault Trucks Defense) et Nexter (Giat Industries). PSA Motorsport est également présent sur le site et y apportait une première touche civile avant l’arrivée du Mobilab « Il fallait un lieu parfaitement adapté à la recherche appliquée, avec laboratoires, ateliers et bureaux, le tout étant proche d’une piste d’essai qui complète les simulateurs. La proximité immédiate des pistes d’essais de Satory a été un facteur de choix déterminant quant à l’implantation géographique du Mobilab. Ces pistes étaient originellement utilisées exclusivement pour des véhicules militaires. Aujourd’hui, 40 % du temps d’utilisation des pistes est consacré aux nouvelles mobilités (véhicules électriques, autonomes, etc.). » poursuit Jean-Marie Ripart. « Mobilab crée une boucle courte entre la recherche, l’expérimentation et sa mise en œuvre. La proximité des pistes d’essais facilite le développement de véhicules autonomes » renchérit Philippe Watteau, directeur général de Vedecom.

Le Mobilab est certes proche des pistes d’essais, mais le Mobilab, la SEM qui l’a créé et les entités hébergées par le Mobilab sont totalement indépendantes du gestionnaire de ces pistes avec lequel des accords financiers sont conclus pour permettre l’utilisation des pistes.

Actuellement, et contrairement à ce que propose Transpolis dans l’Ain, les pistes de Satory ne sont équipées ni d’infrastructure communicante (V2I), ni pour la communication entre véhicules (V2V) par 5G. Cependant, l’établissement public d’aménagement Paris-Saclay (EPAPS) envisage une reconstruction des pistes avec installation de ces nouveaux équipements de communication. Ce n’est pour l’heure qu’un projet. Quant à l’infrastructure communicante, on en trouve trace à Satory sur la voie publique grâce aux feux tricolores connectés. Ils communiquent avec les deux navettes Easy Mile qui assurent le parcours de 1,2 km entre l’entrée de la zone d’activité et le Mobilab au profit de son personnel.

Ménage à trois entre innovateurs du transport

« Depuis plus de cinq ans, les collectivités, et surtout le Département ont soutenu financièrement les recherches menées par Vedecom. Avec la montée en puissance de Vedecom, il a fallu réfléchir à un lieu lui permettant de se développer et de poursuivre ses recherches avec d’autres partenaires que sont l’Ifsttar (Institut public français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux) et Transdev. Le Mobilab est la concrétisation de cet immobilier destiné à créer les meilleures conditions possible pour la recherche consacrée à la mobilité de demain. Les collectivités ont choisi de créer une société d’économie mixte avec des fonds publics et privés. Trois ans se sont écoulés entre la création de cette SEM en 2015 et la livraison en novembre 2018 du bâtiment du Mobilab où se sont depuis installés l’Ifsttar, Transdev et Vedecom. Nous avons réalisé ce bâtiment avec les trois preneurs et pour eux. Aujourd’hui, le Mobilab accueille 240 personnes. Elles seront 300 d’ici fin 2019 » explique Jean-Marie Ripart. « Pour nous, le Mobilab est un accélérateur d’innovations. On y trouve toute la chaîne de valeurs de l’innovation appliquée à la mobilité. Le Mobilab, c’est pour nous un tout-en-un avec bureaux, laboratoires, ateliers et pistes d’essais. Il héberge aussi notre filiale Vedecom Tech chargée de la commercialisation des innovations » ajoute Philippe Watteau. « Être au Mobilab nous place au cœur de la recherche consacrée à la mobilité innovante » affirme Coralie Renard, directrice marketing et communication des systèmes de transport autonomes pour Transdev. Cet opérateur de transport a installé au Mobilab sa direction des systèmes de transport autonome, ce qui représente une soixantaine de personnes.

Le Mobilab doit permettre à la fois la préservation de la confidentialité et la collaboration. C’est pourquoi il comprend des lieux cloisonnés, mais aussi des espaces de mutualisation et de créativité en commun (solution hub, fab lab, etc.) dans lesquels des start-up peuvent être accueillies. Les ateliers utilisés par Vedecom sont ainsi partagés avec l’Ifsttar. Les équipes des trois preneurs travaillent ensemble sur des projets communs et des démonstrateurs. Si le besoin en était exprimé par ses preneurs actuels ou par de nouveaux partenaires, le Mobilab pourrait être agrandi. Son potentiel est de l’ordre de 600 à 800 m2 de toiture supplémentaire.

La cohabitation crée les synergies

À propos des équipes de l’Ifsttar, de Transdev et de Vedecom rassemblées au Mobilab, Marie-Célie Guillaume, directrice générale de Satory Mobilité et vice-présidente du département des Yvelines déléguée au développement économique, déclare: « Nous voulons que ces entreprises travaillent ensemble avec un but commun: développer des projets de mobilité inédits. »

« Avant la création du Mobilab, Transdev collaborait déjà avec Vedecom et avec l’Iffstar dans le cadre de projets qui se poursuivent aujourd’hui. Être dans un même lieu permet un dialogue et une collaboration accrus. Parmi les trois partenaires, chacun a des rôles et des missions complémentaires. Le Mobilab illustre l’intérêt de travailler ensemble pour faire avancer la mobilité innovante. Nous sommes très heureux d’être au Mobilab pour trois raisons. La première, c’est cette émulation, cette dynamique collective et cette logique de partenariat qui nous plaisent. Ensuite, le Mobilab permet de disposer à la fois d’un atelier et d’une piste d’essais de véhicules. Enfin, l’équipe rassemble aujourd’hui une soixantaine de personnes de dix nationalités et, à l’avenir, le Mobilab doit permettre d’accompagner la croissance de l’équipe. Les membres de l’équipe R&D ont des parcours différents et sont issus des mondes de l’automobile, de la robotique ou de la mobilité. » explique Coralie Renard.

L’Ifsttar relie le Mobilab à l’enseignement supérieur

L’Ifsttar dispose au Mobilab d’un laboratoire d’électronique de puissance, d’un atelier de prototypage et d’un atelier de fabrication de machines électriques. Il établit un pont entre le monde universitaire et les études relatives aux infrastructures de transport et à la sécurité. Constitué le 1er janvier 2011 par la fusion du laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) et de l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets), l’Ifsttar participera à la création le 1er janvier 2020 de l’Université Gustave-Eiffel qui regroupera l’université Paris-Est Marne-la-Vallée (UPEM), l’école d’architecture de la ville et des territoires à Marne-la-Vallée (EAVT), l’école supérieure d’ingénieurs en électronique et en électrotechnique (ESIEE Paris), l’école des ingénieurs de la ville de Paris (EIVP) et l’école nationale des sciences géographiques (ENSG).

En tant qu’établissement public à caractère scientifique et technologique, l’Ifsttar est placé sous la tutelle conjointe du ministère de la Transition écologique et solidaire et du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Parce que les échanges européens et internationaux sont essentiels pour une recherche de qualité, l’Ifsttar dispose d’une représentation permanente à Bruxelles (au CLORA). L’Ifsttar est membre de nombreuses alliances et associations. Il a constitué plusieurs laboratoires internationaux associés (LIA) avec des partenaires étrangers. L’Ifsttar établit ainsi de multiples liens avec les instances internationales et avec le monde universitaire.

Avec Vedecom, les industriels mutualisent leurs recherches

Fondé en 2014 sur une coopération inédite entre constructeurs et équipementiers automobiles, opérateurs de transport et de télécom, établissements de recherche académique, collectivités territoriales et fournisseurs de services et d’infrastructures, l’Institut Vedecom (acronyme de « véhicule décarboné et communiquant ») est un trait d’union entre l’industrie et la recherche publique. Il doit consolider la place des acteurs français de la mobilité écologique, durable, autonome et partagée sur le marché mondial. Pour cela, il doit développer des innovations de rupture et proposer une vision transversale des évolutions sociétales afin d’appréhender l’adoption de ces innovations par les citoyens.

Conçu comme un centre d’excellence mutualisé et de recherche coopérative, Vedecom a pour mission d’être un acteur opérationnel de la recherche, de l’innovation, de l’expérimentation et de la formation. Son action concerne principalement l’électrification des véhicules, la délégation de conduite associée à la connectivité, ainsi que la mobilité et l’énergie partagées. Les nouvelles mobilités telles que Vedecom les envisage seront plus autonomes. Elles apporteront ainsi plus de sécurité et induiront l’émergence de nouveaux services. Davantage partagées, elles décongestionneront les villes. Vedecom doit participer au développement du cadre réglementaire et des infrastructures dans lesquels ces mobilités se déploieront demain. Labellisé Institut de transition énergétique (ITE) par l’État, Vedecom est soutenu par le département des Yvelines qui lui a attribué une subvention de 20 millions d’euros sur six ans (2014-2023).

À propos du rôle de Vedecom, Philippe Watteau explique « Tous les travaux de recherche de Vedecom sont réalisés au profit des acteurs industriels qui ont participé à sa constitution. Pour l’essentiel, ce sont eux qui intègrent les technologies développées par l’Institut et les commercialiseront à travers leurs futurs véhicules autonomes. Nous avons une plateforme unique en Europe de prototypage et de validation de moteurs électriques innovants. Dans les équipes de Vedecom, il y a une trentaine de personnes détachées par des opérateurs, des équipementiers ou des constructeurs. L’ITE travaille sur l’avenir des voitures particulières, mais aussi, et de plus en plus, sur les navettes et sur les systèmes de supervision de la mobilité. Il permet à des constructeurs (Renault, PSA), à des équipementiers (Faurecia, Valeo) ou à des spécialistes des télécommunications ou des infrastructures de travailler ensemble pour finalement être force de proposition vis-à-vis des instances de normalisation. La standardisation des technologies nécessaires au véhicule autonome est une demande très forte des pouvoirs publics au niveau européen. Dans le cadre d’un projet que nous portons avec la PFA (plateforme automobile), nous avons répondu à un appel à projets de l’Ademe afin de réaliser sur le territoire national une vingtaine d’expérimentations de véhicules autonomes. Nous allons par ailleurs lancer la start-up Entropy destinée au traitement des données afin de caractériser la quantité de personnes qui se déplacent, leur mode de transport, le type de population et le motif du déplacement. Il s’agit de comprendre et de superviser les déplacements. La singularité du Mobilab à l’échelle européenne est le rapprochement qu’il permet entre technologies et usages. Une particularité du Vedecom est d’aller jusqu’à l’urbanisme, en allant du véhicule à la ville, celle-ci étant perçue sous l’angle de la mobilité. Enfin, Vedecom assure également la formation au Mobilab, au profit d’industriels, d’élus ou de collectivités locales qui souhaitent se former au véhicule électrique et autonome. À ce jour, Vedecom a déjà formé plus de 600 personnes ».

L’opérateur Transdev prend place au cœur de l’innovation

Transdev n’est ni un constructeur automobile, ni un laboratoire. Opérateur et intégrateur des mobilités globales du quotidien, Transdev assure onze millions de voyages par jour. Depuis le lancement en 2005 de son premier service de transport autonome à Rotterdam (Pays-Bas), Transdev a déjà transporté plus de 3,5 millions de personnes sur 1,6 million de kilomètres avec ses services de transport partagés en véhicules autonomes répartis dans le monde. Aujourd’hui, Transdev expérimente des véhicules autonomes de niveau 4, donc avec un opérateur à bord et emploie des véhicules autonomes de toutes marques (EasyMile, Navya, 2GetThere, Renault, Lohr, e.GO, etc.).

Pour améliorer la mobilité de tous, Transdev développe de nouveaux services. Ils seront intégrés aux réseaux de transport public existants (bus, tramways, métros, vélos partagés ou autres). À l’avenir, les véhicules autonomes apporteront des services flexibles, personnalisés et accessibles avec des dessertes plus étendues dans le temps et dans l’espace. Pour un opérateur comme Transdev, il s’agit de mettre la technologie du véhicule autonome au service du transport partagé (partage du véhicule et du trajet). C’est à cette condition que les véhicules autonomes apporteront au quotidien les bénéfices attendus en termes de décongestionnement des villes.

Pour relever le défi du transport autonome partagé, Transdev développe son propre système de transport autonome (ATS). L’équipe qui en est chargée est désormais installée au Mobilab. Il s’agit pour l’opérateur de garantir la sécurité des passagers, la qualité du service et l’expérience client avec les véhicules autonomes. Il recourt à des outils de supervision, à de l’infrastructure connectée, aux applications clients et à l’intelligence embarquée dans les véhicules autonomes. Pour tout cela, Transdev fait appel à des partenaires ou développe ses propres systèmes lorsque les produits et services disponibles ne satisfont pas ses critères. La collaboration entre Transdev, Vedecom et l’Ifsttar concerne, entre autres, l’acceptabilité du véhicule autonome.

La nécessité de penser « système »

« Le véhicule autonome est une somme de briques technologiques. Pour chacune d’elles, Transdev doit pouvoir choisir de collaborer avec des partenaires leaders dans leurs domaines. » déclare Coralie Renard. Quant à Philippe Watteau, il insiste sur la nécessité de percevoir le véhicule autonome comme l’un des éléments d’un environnement connecté: « Il n’y a pas plus dépendant que le véhicule autonome et cela, qu’il soit individuel ou à la fois avec les infrastructures, les autres véhicules et les autres usagers de la route. Nous travaillons donc sur la supervision de tout ce qui a vocation à être autonome sur les routes. Notre système de supervision est interopérable. Ainsi, il est indépendant de la marque de la navette autonome. Notre approche est globale et elle peut donc être étendue, par exemple au parking connecté. On imagine toujours le véhicule autonome équipé de caméras et de lidars afin de voir comme le ferait un être humain avec ses différents sens. En fait, il faut aller au-delà du véhicule et lui apporter un maximum d’informations utiles en mettant en réseau tous les objets connectés. Il faut donc élargir le sujet à un système de mobilité entre éléments connectés. Les composants de cet ensemble sont de différentes natures et portés par différents acteurs. Ayant une vision « système », Vedecom est un lieu d’intégration des multiples technologies nécessaires à la mobilité de demain. Parmi elles on trouve la communication, la cybersécurité et l’électrification (motorisation et recharge), certaines sont développées par Vedecom, d’autres sont fournies par des tierces parties. À propos des informations échangées, la donnée de base reste la localisation et la trajectoire. Pour la localisation, nous avons un accord avec le CNES afin d’utiliser Galileo qui est plus précis que le GPS. Il est par ailleurs nécessaire que les cartes soient à la fois précises et à jour. Nous collaborons donc avec les services de cartographie. collectif. Un véhicule ne peut être vraiment autonome et sûr que s’il est hypercommunicant. »

Acheter ou développer? Embarquer ou débarquer?

« En tant qu’opérateur, Transdev est et sera responsable de la sécurité des passagers » rappelle Coralie Renard qui poursuit « Pour mettre en place son ATS, Transdev associe ses propres développements à ceux réalisés par ses partenaires qui peuvent être des centres de recherche ou des industriels, tous leaders dans leurs domaines et choisis en raison de leurs compétences. Les équipes de Transdev travaillent par exemple sur l’interface homme-machine (IHM), le design, l’architecture du système, la supervision, les fonctions commerciales, le marketing et, évidemment, sur la sécurité envisagée globalement ainsi que sur les parties embarquées et fixes du système de transport autonome. » Quant à ce qui doit être embarqué et ce qui ne doit pas l’être, il demeure un certain flou « les recherches en cours doivent déterminer ce qu’il faut embarquer à bord du véhicule et ce qu’il faut placer dans les infrastructures. Il y a sur ce point un équilibre à trouver. Vedecom y travaille et se consacre également aux protocoles de communication » rappelle Philippe Watteau.

L’humain avant la technique

Vedecom travaille avec des ergonomes, des chercheurs en neurosciences et en sciences cognitives sur l’acceptabilité des solutions, leur adoption par les utilisateurs et les interfaces avec ces derniers. Selon Philippe Watteau, « ne pas le faire nous exposerait à ne pas être en phase avec les usages. Cela reviendrait aussi à ignorer des contraintes et donc, à ralentir l’adoption des innovations ». Nommée par le Gouvernement haute responsable pour la stratégie nationale de développement des véhicules autonomes, Anne-Marie Idrac a confié à Vedecom le chantier « Acceptabilité du véhicule autonome », Vedecom qui a la double compétence technique et SHS (sciences de l’homme et de la société). À Saclay, dans le cadre du projet EVAPS (éco-mobilité par véhicules autonomes sur le territoire de Paris-Saclay), Vedecom conçoit à la fois l’infrastructure des services autonomes et l’expérience utilisateur.

Transdev a réalisé en 2017 et 2018 des enquêtes auprès de mille usagers français de services autonomes qui ont donné une note de satisfaction de 8,7/10 et un sentiment de confiance de 97 %. « Au-delà de l’aspect technologique, nous pensons le service de transport autonome globalement. Le côté opérations comprend son déploiement depuis la formation des opérateurs jusqu’au suivi des opérations, mais aussi l’évaluation de son acceptabilité par le personnel et par les passagers. D’autre part, nous envisageons les différentes étapes du parcours du client-passager-voyageur. Elles incluent la prise de commande, la préparation du trajet, la montée à bord du véhicule et ce qui se passe à bord de ce dernier. » commente Coralie Renard.

Assurer la sécurité du véhicule autonome

Vedecom n’a pas sa propre équipe de cybersécurité. En revanche, cet ITE fait travailler sur ses sujets la communauté de la cybersécurité y compris l’Institut de recherche technologique (IRT) System X, le CEA LISP ainsi que le réseau européen Sparta qui regroupe des centres européens de recherche dans ce domaine. « Nous leur communiquons nos cas d’usage, puis nous intégrons leurs dernières avancées en matière de cybersécurité pour les mettre en situation dans nos véhicules. Nous les testons et les validons. » explique Philippe Watteau qui ajoute « la sécurité du véhicule autonome impose une communication multivecteurs, soit par redondance, soit par prise de relais d’un protocole par rapport à un autre. La standardisation repose aussi sur l’interopérabilité des protocoles. Il faut pouvoir passer d’un mode de communication à un autre à la volée afin de toujours utiliser le système de communication disponible le plus efficace. Il y a une notion de routeur mobile qui doit permettre le changement de mode de communication sans interruption de celle-ci en passant d’un mode à un autre. Pour les cyclistes et les piétons, il existe des applis sur smartphone qui leur permettent d’être identifiés par tous les systèmes de conduite autonome dans un esprit IoT. En embarqué, l’information fondamentale concerne l’identification des situations à risque. La constitution de bases de données des situations à risques est donc un enjeu majeur pour l’avenir du véhicule autonome. C’est pourquoi nous avons constitué la base de données Moove qui réunit les situations à risque. Elle est fondée sur un million de kilomètres parcourus avec des véhicules équipés comme le seraient des véhicules autonomes. Dans son domaine, elle est la base de données la plus complète en Europe, notamment pour la circulation sur routes à chaussées séparées. Nous poursuivons notre travail à propos de l’identification des situations à risque en milieu urbain ».

Le Mobilab n’est qu’une première étape

L’implantation du Mobilab à Satory le situe à proximité du centre de Versailles et lui permettra d’être desservi par la future ligne 18 du métro du Grand Paris. Avec 330 hectares, le site de Satory présente un fort potentiel de développement. « Il va servir de laboratoire pour les transports publics propres du futur » se réjouit François de Mazières, maire de Versailles et président de la communauté d’agglomérations de Versailles Grand Parc. Cette dernière poursuit une politique volontariste de soutien à la filière des mobilités innovantes. En 2015, elle a signé un accord-cadre avec des acteurs des mobilités sur son territoire. Parmi eux, on trouve Air Liquide, CEREMH, ESTACA, Ifsttar, SNCF, l’université de Saint-Quentin et Vedecom. Cet accord permet de lier ces acteurs entre eux et de mettre le territoire à leur disposition afin qu’ils expérimentent et démontrent leur savoir-faire.

En participant à la création de la SEM qui est à la base du Mobilab, Versailles Grand Parc s’assure de l’implantation du Mobilab sur son territoire et favorise l’avenir civil de Satory dans le cadre de l’Opération d’intérêt national (OIN) Paris-Saclay. Le Mobilab constitue ainsi l’une des premières concrétisations d’un projet global de cluster des mobilités innovantes.

Une alliance public/privé

Créée en 2015, la société d’économie mixte (SEM) Satory Mobilité a été constituée pour porter l’investissement du projet Mobilab. Celui-ci s’élève à 17 millions d’euros. 30 % de ce montant est apporté par des acteurs industriels ou financiers. Les 70 % restants ont été fournis à parts égales par le conseil départemental des Yvelines et par la communauté d’agglomérations Versailles Grand Parc. Cet apport d’argent public s’explique par la volonté de maintenir et de développer les industries automobiles ou assimilées dans le département des Yvelines. Le Mobilab ne s’est donc pas concrétisé selon un modèle économique de promoteur. Grâce à sa nature, partiellement publique et largement subventionnée, le Mobilab accorde à ses trois preneurs des conditions de baux introuvables dans un contexte purement privé. Cela permet notamment à Vedecom de recruter.

Les partenaires de la SEM Satory Mobilité

Le Mobilab se fonde sur une initiative publique et sur un financement majoritairement public. La SEM Satory Mobilité créée pour lui l’a été avec un périmètre géographique très limité et avec des objectifs précis. Elle n’a pas pour but de réaliser des bénéfices, mais elle doit créer un contexte favorable à la recherche et à l’emploi.

Cette SEM réunit des entités qui sont également amenées à collaborer dans d’autres contextes. Ainsi, la Banque des Territoires, Renault et Transdev participent à l’actionnariat de cette SEM, mais sont également impliqués dans le projet Rouen Normandy Autonomous Lab qui expérimente actuellement un service de mobilité à la demande assuré par des voitures électriques et autonomes. Dans le même esprit, le projet d’éco-mobilité par véhicules autonomes sur le territoire de Paris-Saclay (EVAPS) réunit Renault, Transdev et Vedecom qui se retrouvent également tous trois dans l’actionnariat de la SEM Satory Mobilité.

Les deux actionnaires financiers de Satory Mobilité sont Arkéa, banque entreprises et institutionnels, et la Banque des Territoires. Créée en 2018, cette dernière déclare agir « pour des territoires plus attractifs, inclusifs, durables et connectés ». Elle est l’un des cinq métiers de la Caisse des Dépôts. Elle propose des solutions sur mesure de conseil et de financement en prêts et en investissements pour répondre notamment aux besoins des collectivités locales et des entreprises publiques locales. Actionnaire à hauteur de 15 % de la SEM Satory Mobilité, la Banque des Territoires y a investi 700 000 € de fonds propres ce qui en fait le premier actionnaire privé.

Enfin, trois acteurs industriels participent au capital de Satory Mobilité: COFIP-IFPEN, Renault et Valéo. Ce dernier est un équipementier automobile, partenaire de nombreux constructeurs dans le monde. Entreprise technologique, Valeo propose des systèmes et des équipements innovants permettant la réduction des émissions de CO2 et le développement de la conduite intuitive. Dès avant sa participation à la SEM, Valeo a soutenu la création de l’institut Vedecom à travers sa participation active à ses projets de recherche. Industriel présent dans les Yvelines tant par son usine de Flins que par son technocentre de Guyancourt, le groupe Renault s’investit naturellement dans les démarches territoriales en lien avec son cœur de métier. Quant à l’IFP énergies nouvelles (IFPEN) il accompagne le Mobilab à travers sa filiale COFIP.

e.GO et Torc: Transdev multiplie les partenariats

« Nous sommes convaincus que le transport public sera le premier secteur à voir se développer de réels services autonomes ouverts au grand public. » déclare Yann Leriche, directeur général de Transdev Amérique du Nord et responsable des systèmes de transport autonome. C’est pourquoi Transdev noue des partenariats avec les constructeurs de navette autant qu’avec des fournisseurs de solutions applicables à la conduite autonome. Ainsi, la navette e.GO Mover intégrera le système de transport autonome (ATS) de Transdev. L’objectif est de fournir un système fonctionnel d’ici 2020 et de le proposer prioritairement aux marchés français et allemands. Transdev est par ailleurs impliqué dans le développement de la navette électrique i-Cristal construite à Strasbourg par Lohr et dérivée de sa navette Cristal. « Notre vision de la mobilité est PACE: Personnalisée, Autonome, Connectée et Écologique. » déclare Thierry Mallet, président-directeur général de Transdev.

Dévoilée en septembre 2018, i-Cristal intègre non seulement des éléments du système autonome global de Transdev (supervision, infrastructure connectée, application client, composants embarqués), mais aussi la suite logicielle de conduite autonome Asimov développée par Torc Robotics ainsi que des capteurs de ce fournisseur. Daimler a pris une participation majoritaire dans Torc Robotics fin mars dernier, ce qui confirme l’intérêt de ses technologies. L’i-Cristal offre une grande facilité d’accès et accueille 16 passagers qu’elle transporte à 30, voire à 50 km/h en milieu urbain. Sa conduite autonome est de niveau 4 (autonomie complète dans des zones déterminées). Sa batterie permet une charge partielle (50 %) en 30 minutes et une charge complète en 90 minutes.

I-Cristal doit être utilisée à Saclay dans le cadre du projet EVAPS (éco-mobilité par véhicules autonomes à Paris-Saclay) et à Rouen en s’intégrant au Rouen Normandy Autonomous Lab déjà lancé avec des Renault Zoé équipées pour la conduite autonome.

Le projet Hyperlieux mobiles réinvente la ville à partir des navettes autonomes

Il y a dix ans, la généralisation du smartphone n’a pas tué le téléphone mais a créé de nouveaux usages et continue d’en créer au fil de l’arrivée des nouvelles applications. Dans le même esprit, « le véhicule autonome et connecté, tel qu’il est annoncé, peut être un détonateur de mutations très profondes dans la mobilité. Hyperlieux mobiles est un projet collectif qui permet d’aborder les questions de mobilité au-delà du simple transport de personnes et de biens » explique Mireille Apel-Muller, directrice de l’Institut pour la ville en mouvement (IVM). « L’un des objectifs du projet est d’inventer les applications du véhicule autonome et connecté quand le motif n’est pas avant tout le déplacement, mais l’activité à bord » ajoute-elle.

Mené par l’IVM et Vedecom, Hyperlieux mobiles est un programme international et multidisciplinaire d’observation et d’échanges. Il vise à observer, analyser, identifier et développer de nouvelles façons de se déplacer autour du véhicule autonome et connecté (VAC). À partir de l’observation des pratiques et des modes de vie et de consommation existants, l’enjeu du projet est de dévoiler les formes inattendues d’urbanité générées par de nouvelles interactions entre espaces, mobilités, connectivités et activités. Il s’agit également d’envisager les ruptures possibles liées à la généralisation du VAC. Celui-ci pourra être porteur d’une activité mobile qui participera à une redéfinition des lieux du quotidien.

Il s’agit donc de concevoir de nouveaux services et d’élaborer des projets d’activités en mouvement qui seront à la fois enrichies et multipliées par le VAC. En réinventant la mobilité et en associant des activités au VAC, celui-ci devient un micro-espace urbain, un « hyperlieu mobile ». Comme le téléphone l’a déjà fait en devenant smartphone, le véhicule est maintenant susceptible d’héberger services et activités qui complètent sa fonction de transport. Dans ce domaine, tout reste à inventer. C’est le sens du projet Hyperlieux mobiles.

La mobilité autonome et a la demande devient réalité avec le Rouen Normandy Autonomous Lab

Transdev participe au projet Rouen Normandy Autonomous Lab qui est le premier service de transport à la demande assuré par véhicules autonomes sur routes ouvertes. Il illustre l’extension que les véhicules autonomes peuvent apporter aux services traditionnels de transport en commun pour les dessertes terminales et capillaires. Lancé en juin 2018 sur une première ligne avec quatre Renault Zoé équipées pour la conduite autonome, le service doit à terme doter trois lignes totalisant 10 km dans le secteur de la technopole rouennaise du Madrillet (Saint-Etienne-du-Rouvray). Desservant 17 points d’arrêt, il a pour point de ralliement la station de tramway de la technopole et se déploie dans une logique de desserte du premier et du dernier kilomètre. Le service « à la demande » se fonde sur une appli sur smartphone destinée à l’appel d’un véhicule. Lancé avec des Zoé, le service doit ensuite faire appel à des navettes Lohr-Transdev i-Cristal. Menée jusqu’en décembre 2019, cette expérimentation confronte les usages au service offert, évalue la capacité des usagers à se l’approprier et comprend évidemment des apprentissages sur le plan technologique.

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Auteur

  • Loïc Fieux
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