Les transports en commun sont, en Allemagne, à la limite de leurs capacités. En 2018, les sociétés de transports urbains ont transporté 10,4 milliards de passagers, soit 0,6 % de plus qu’un an plus tôt. 40 000 bus urbains sont en circulation dans le pays. Seuls 600 sont des véhicules propres, dont seulement 100 bus électriques. Mais les choses devraient changer rapidement, après le vote à Bruxelles de la directive européenne sur les bus propres, qui prévoit que 45 % des bus achetés entre 2021 et 2025 devront être non polluants, et 65 % des véhicules achetés entre 2025 et 2030. Sont considérés comme « propres » les bus à hydrogène, aux bio-carburants, aux carburants de synthèse ainsi que certaines sortes de gaz (mais pas le gaz naturel liquéfié). Le défi est considérable, surtout pour les petites villes.
L’intérêt des communes pour les transports en communs propres est réel. Hambourg et Dortmund n’achèteront plus que des bus propres dès 2020. Wiesbaden vient de commander 21 Citaro électriques. Kiel et Brême ont prévu d’investir 200 millions d’euros chacune. Mais le plus gros effort sera fourni par la capitale. Berlin a en effet prévu de faire passer l’intégralité de sa flotte, soit 1 590 véhicules, à l’électrique d’ici 2030.
Berlin, qui possède aujourd’hui 1 500 bus diesel, vient de commander 225 bus électriques à Daimler et au polonais Solaris. L’État fédéral et le Land de Berlin soutiennent l’investissement à hauteur de 48 et 58 millions d’euros. À terme, ce sont plus de 800 millions d’euros que pourrait investir la ville dans les transports propres. La capitale allemande veut en effet devenir pionnière en la matière. Mais face aux délais de livraison annoncés par les constructeurs, la société des transports en commun berlinoise, la BVG, avait dû passer à contrecœur en 2018 la plus grosse commande de son histoire de bus à moteur diesel, achetant 950 véhicules d’un coup pour renouveler l’essentiel de sa flotte. « Le contrat était assorti d’une clause qui nous permettra de troquer une partie des véhicules diesel commandés en véhicules électriques, en fonction des délais de livraison », rappelle la présidente de la BVG Sigrid Nikutta. Acquise à la cause du bus électrique, la cheffe de la BVG déplore toutefois les limites actuelles des véhicules, dont l’autonomie de 150 km est insuffisante (170 km par jour pour la ligne 204, la plus courte de la ville; 500 km par jour en moyenne pour l’ensemble du réseau).
Toutes les communes allemandes ne sont pas aussi enthousiastes que Berlin. La directive européenne suscite en effet l’inquiétude de la majorité des villes, qui avaient même tenté d’inciter les députés allemands du Parlement européen à voter contre le texte. Elles s’inquiètent des coûts supplémentaires pour les finances communales et du soutien insuffisant de l’État fédéral. « Les constructeurs sont encore en phase expérimentale », insiste Martin Burkart, de la Fédération des transports en commun du Bade-Wurtemberg (WBO) dans le sud-ouest du pays. Il dénonce pêle-mêle le manque d’autonomie des véhicules qui « obligerait les communes à doubler leur flotte pour assurer le même nombre de kilomètres de prestations », la durée de rechargement des batteries, jugée trop longue, les trop faibles capacités de production des constructeurs, le coût d’achat trop élevé des modèles actuellement sur le marché, la nécessité d’équiper la plupart des bus électriques d’un réservoir à diesel sur le toit pour chauffer les véhicules en hiver et la fréquence des immobilisations pour maintenance.
« L’Allemagne a pris du retard », déplore le ministre allemand des Transports, Andreas Scheuer, demandant aux constructeurs de passer à la vitesse supérieure. « Acheter un bus électrique, c’est un peu comme commander une Trabant ou une Wartburg du temps de l’Union soviétique, regrette le patron de la société de transports en commun d’une grande ville », évoquant les longs délais de livraison actuels. « On compte aujourd’hui 1 500 bus électriques en Europe. Soit autant qu’en Chine en 2011, souligne Thibaut Müller, expert transports de McKinsey. En Chine, on compte aujourd’hui 380 000 bus électriques. Un e-bus sur quatre vendu en Europe vient de Chine. » Et de rappeler l’exemple de Shenzhen, passée entièrement à l’électrique en l’espace de quelques années. La ville compte à l’heure actuelle 17 000 bus électriques.
