Une enquête Ipsos/Vinci rendue publique début avril met en avant de fortes disparités entre les actifs résidants en zone urbaine et ceux habitant en zone périurbaine ou rurale pour leur déplacement domicile travail. Détail des pratiques, des attentes vis-à-vis des transports en commun avec un focus sur le transport par autocar sur autoroutes.
Après la fracture sociale, la fracture de la mobilité? L’institut Ipsos a réalisé à la demande de Vinci Autoroutes une étude auprès de 4 000 actifs français en octobre 2018 pour mieux comprendre leurs pratiques, attentes, satisfactions et difficultés, en matière de trajets domicile-travail. Présentée sous le titre « Les fractures de la mobilité dans les territoires », l’étude pointe sans surprise de grandes disparités entre les actifs résidant en zone urbaine, et ceux qui résident en zone périurbaine, et dont les caractéristiques sont souvent très proches des habitants en zone rurale. D’un côté, une offre en transport en commun fournie, de l’autre, une offre plus disparate, parfois inexistante, obligeant à recourir à un véhicule personnel. Vaste étude dont nous reprenons ici surtout la partie concernant l’usage des transports en commun, avec un focus final sur la mise en place de lignes d’autocars sur autoroute.
L’étude rappelle que la voiture reste le premier moyen de transport pour les déplacements domicile-travail, loin devant les transports en commun. 77 % des actifs français utilisent leur véhicule individuel pour aller travailler, alors que 18 % prennent les transports en commun et seulement 6 % font un panachage des deux modes. Parmi les modes cités, on notera que les cars et bus représentent 9 % des trajets totaux, soit plus que le métro (7 %). Les déplacements en RER (5 %) représentent plus que tous les déplacements en train en France (4 %), c’est dire le poids de l’Ile-de-France dans le paysage de la mobilité française. Le vélo (dont vélos en libre-service et trottinettes) représente 6 % des déplacements, soit plus que le covoiturage (4 %) ou le tramway ou les deux roues motorisés (3 %). L’autopartage commence à se développer et compte pour 1 % des déplacements cités. Enfin, 8 % des déplacements s’effectuent à pied ou n’ont pas lieu d’être puisque les personnes interrogées pratiquent le télétravail.
Un zoom sur les déplacements effectués en transports en commun montre que leur usage représente un mode de déplacement très minoritaire en dehors de l’Île-de-France. Ainsi, en régions, les transports en commun ne représentent que 11 % des déplacements domicile-travail, avec une part modale de 15 % dans les zones urbaines, qui devient presque anecdotique en zone périurbaine (5 %) et rurale (3 %). En Île-de-France, les transports en commun sont également minoritaires face à la voiture individuelle (48 % contre 52 %). L’usage est fonction de la proximité avec le centre géographique de la capitale. Ainsi les transports en commun sont plébiscités à Paris intra-muros (à 64 %) et en petite couronne (58 %), alors qu’ils tombent en grande couronne (32 %).
Le temps moyen de trajet domicile-travail aller et retour en France est de 52 minutes. La moyenne est plus élevée en Ile-de-France qu’en province (1 h 15 contre 46 minutes). Pour une majorité de voyageurs, les conditions de trajet se sont dégradées. 52 % des actifs ont observé une dégradation au cours des 10 dernières années et 15 % considèrent que les conditions sont devenues inacceptables. Sur ce dernier point, le mécontentement est plus fort en Île-de-France (26 %), chez les utilisateurs de transports en commun en général (27 %) ou encore lorsque le lieu de travail est situé à plus de 30 km du domicile (36 %).
Le budget mensuel moyen consacré aux transports domicile-travail s’établit à 107 €. Une somme qui passe à 131 € en moyenne pour les utilisateurs d’un véhicule motorisé individuel (dont 89 € à la pompe). Les usagers des transports en commun dépensent pour leur part 61 € par mois.
Plus on s’éloigne des villes, et plus les dépenses augmentent: la dépense moyenne est de 94 € en ville, 130 € en zone périurbaine et 139 € en zone rurale. Toutes catégories confondues, près d’un actif sur deux considère que les dépenses liées au transport ont un impact fort sur son budget et près des deux tiers estiment que le coût des déplacements domicile-travail a augmenté au cours des cinq dernières années. Les actifs qui ressentent le plus fortement l’augmentation du coût des transports estiment avoir peu d’alternatives face à cette hausse. 74 % des automobilistes déclarent qu’ils aimeraient pouvoir prendre les transports collectifs, mais 48 % estiment que cela leur est impossible, d’où des difficultés pour réduire les dépenses.
Plus on s’éloigne des centres-villes et plus il semble difficile d’utiliser les transports en commun. C’est le cas de 45 % des actifs en ville, de 80 % de ceux qui résident en zone périurbaine et de 86 % des ruraux.
En fait, seuls 13 % des actifs utilisent uniquement les transports en commun pour se rendre à leur travail. Pour 41 % des actifs, ce choix s’avère impossible car ils doivent impérativement prendre leur véhicule sur tout ou partie de leur trajet. C’est le cas de 29 % des habitants en zone urbaine, 62 % des habitants en zone périurbaine et 77 % des habitants en zone rurale.
Enfin, 46 % des actifs indiquent qu’ils pourraient effectivement utiliser uniquement les transports en commun, mais qu’ils préfèrent ne pas le faire car cela doublerait le temps de trajet (+ 22 minutes en zone urbaine, + 31 minutes en zone périurbaine et + 35 minutes en zone rurale).
L’enquête a passé au crible l’ensemble des freins qui empêchent d’emprunter les transports en commun. La première raison mise en avant concerne la trop faible fréquence de passage, critiquée par 66 % des répondants avec une très large proportion en zone périurbaine (83 % des réponses) et rurale (86 %). Suivent la durée trop longue du trajet (64 % des réponses) et le fait que le lieu de travail n’est pas desservi par les transports en commun, où là encore il existe une forte disparité entre les actifs urbains (52 %) et les périurbains/ruraux (respectivement 69 % et 81 % des réponses). Dans le même ordre d’idée 59 % des périurbains et 70 % des ruraux considèrent que les arrêts sont trop loin de chez eux (contre 36 % des urbains).
Autres griefs soulevés: un nombre trop élevé de changements entre plusieurs modes de transport (52 % des réponses en moyenne), le manque de place de parkings (47 % des réponses), des transports en commun peu fiables (41 % des réponses), ou manquants de confort (41 % des réponses) ou sujets à des problèmes de sécurité (37 % des réponses).
Des solutions alternatives émergent, mais elles ne suscitent pas un engouement immédiat des actifs français. Ainsi, seuls:
51 % jugent efficaces les emplacements réservés à l’entrée des autoroutes ou des voies rapides pour y laisser son véhicule individuel et prendre un véhicule partagé ou un transport en commun sur autoroute/voie rapide.
46 % jugent efficaces un service d’autocars sur autoroute ou voie rapide partant d’un parking situé près de chez eux et desservant un point de correspondance avec d’autres moyens de transport.
42 % jugent efficaces les voies réservées sur autoroutes ou voies rapides à certains moments de la journée pour le covoiturage, les taxis ou les autocars, par exemple.
et enfin 40 % jugent efficaces les services d’autopartage, c’est-à-dire des voitures disponibles en libre-service, situées à l’entrée des grandes villes ou des grands axes routiers.
Enfin l’étude – financement par Vinci oblige – a sondé les actifs sur la possibilité de créer des lignes d’autocars sur autoroute. Seuls 46 % d’entre eux se montraient intéressés par cette mesure (cf. paragraphe précédent), mais l’engouement s’accroît lorsqu’on leur expose certains avantages en détail. Ainsi 71 % des actifs se déclarent prêts à utiliser ces lignes si les horaires sont respectés, et 70 % si le tarif est inférieur à ce qu’ils dépensent habituellement sur ce trajet. De même, 68 % seraient utilisateurs si la fréquence de passage était élevée (par exemple toutes les cinq minutes) ou s’il y avait un faible nombre d’arrêts entre le lieu de départ et d’arrivée (67 % des actifs). D’autres facteurs sont à prendre en compte comme l’existence de parkings gratuits à proximité des arrêts (66 % des actifs intéressés), une bonne connexion avec des moyens de transport en commun à l’arrivée (65 %) ou un très haut niveau de service dans les cars comme des places assises, du wifi, de l’air conditionné… (62 %). Enfin la création de voies réservées sur l’autoroute n’est demandée que par 58 % des actifs.
