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Contrat saisonnier requalifié en CDI:

Attention au pic d’activité!

Quel employeur n’a jamais craint de voir le contrat à durée déterminée d’un de ses salariés être requalifié par le juge en contrat à durée indéterminée. Une telle sanction est en effet lourde de conséquences, notamment financières.

D’abord, une indemnité de requalification d’un mois de salaire minimum sera décidée d’office dès l’instant où le tribunal aura décidé de la requalification. Ensuite, le salarié sera rétroactivement considéré comme lié à l’employeur par un contrat CDI depuis le début, c’est-à-dire depuis le premier contrat CDD litigieux. Le salarié dont le contrat est requalifié peut en principe rester dans l’entreprise, muni de son contrat CDI. Si ce n’est pas le cas, il y a rupture du contrat de travail, qui s’analyse comme un licenciement. Un tel licenciement donnera lieu au versement de la prime de précarité qui reste acquise au salarié, anciennement en CDD. Le juge peut ordonner la réintégration du salarié qui poursuivra son travail en contrat à durée indéterminée.

L’employeur risque, en outre, les sanctions pénales prévues aux articles L. 1248-1 à L. 1248-11 du Code du travail (amende de 3 750 € et, en cas de récidive, amende de 7 500 € assortie éventuellement d’un emprisonnement de six mois).

Les cas de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Les motifs de requalification d’un contrat temporaire (intérim ou CDD) en contrat CDI sont liés au non-respect des règles essentielles propres à ces deux types de contrats: violation du principe de recours aux contrats temporaires, non-respect des durées ou du formalisme, emplois déclarés saisonniers ne remplissant pas les critères. Les contrats CDD saisonniers offrent des avantages à l’employeur, notamment en termes de souplesse et de coût. Mais attention, contrairement à une idée répandue, ils doivent répondre à des critères très stricts, faute de quoi ils seront automatiquement requalifiés en contrat CDI.

C’est ce qui est arrivé à la société Clamart Cars dans le litige qui l’opposait à Monsieur P.

L’affaire Clamart Cars contre Monsieur P.

Monsieur Hervé P. a été engagé par la société Clamart Cars le 2 avril 2012 selon contrat à durée déterminée saisonnier d’une durée minimale de six mois pour exercer des fonctions de conducteur d’autocar de tourisme. Il était prévu que le contrat pouvait se poursuivre jusqu’à l’achèvement de la saison et, effectivement, le contrat s’est poursuivi à l’issue des six mois jusqu’au 28 octobre 2012, date à laquelle Monsieur P. a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Le motif de cette prise d’acte était que son employeur avait effectué des modifications sur sa carte, basculant des temps de travail en temps de coupure à son détriment, mais, chemin faisant, Monsieur P. a également sollicité la requalification de son contrat saisonnier en contrat à durée indéterminée.

Par jugement du 22 septembre 2016, le juge départiteur du Conseil de Prud’hommes l’a débouté de ses demandes, mais Monsieur P. a fait appel de la décision.

Dans son arrêt du 16 octobre 2018, la Cour d’appel de Paris a commencé par rappeler les dispositions de l’article L 1245-2 du Code du travail, selon lesquelles un contrat à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans des cas limitativement énumérés, parmi lesquels les emplois à caractère saisonnier.

Les tâches d’un emploi saisonnier doivent se répéter à date à peu près fixe

Le caractère saisonnier d’un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs. Pour justifier du caractère saisonnier de l’emploi de Monsieur P., la société Clamart Cars fait valoir qu’une partie de son activité est liée au tourisme dans la capitale. Celle-ci s’accroît donc lors de la saison touristique ou en fonction de modes de vie collectifs des touristes en séjour dans la capitale. Elle ajoute que la seule modulation de temps de travail ne suffit pas à réguler cet accroissement.

Toutefois, une entreprise dont l’activité touristique connaît un accroissement significatif chaque année à la même période peut conclure un contrat à durée déterminée saisonnier s’il couvre uniquement cette période.

Les variations d’activité doivent être suffisamment significatives pour justifier une activité touristique saisonnière

Or, La Cour estime que tel n’est pas le cas de la société Clamart Cars au vu de ses tableaux et graphiques concernant son chiffre d’affaires, lequel atteint un pic en mai/juin 2011 (1 200 commandes), tandis qu’il est équivalent en mars, juillet, septembre et octobre (1 000 commandes environ). En 2012 en revanche, les pics sont atteints en mars, mai et octobre. En 2013 le total de 1 000 commandes est dépassé en mars (mois où un pic de 1 200 est atteint), avril, mai, juin, juillet octobre et décembre. Sur l’ensemble des trois années, à l’exception des mois de janvier et novembre, les variations ne sont pas suffisamment significatives pour qu’il puisse en être déduit une activité touristique saisonnière se répétant chaque année à la même période. Le contrat à durée déterminée de Monsieur P. couvre au demeurant les mois d’août et septembre où l’activité est relativement modérée par rapport aux autres mois de l’année. Par conséquent, la Cour décide de faire droit à la demande de requalification de Monsieur P. en application des dispositions de l’article L 1245-2 du Code du travail.

Critères de l’emploi saisonnier

Les critères de l’emploi saisonnier sont régulièrement confirmés par la jurisprudence. Ils sont au nombre de quatre:

1. Il doit s’agir d’une saison, limitée dans le temps.

2. La périodicité et la durée de la saison doivent être régulières, prévisibles, cycliques, et indépendantes de la volonté de l’employeur.

3. Le contrat ne peut en aucun cas couvrir toute la durée d’ouverture de l’établissement.

4. Les tâches doivent être temporaires et indépendantes de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Source: Cour d’appel de Paris, 16 octobre 2018.

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Auteur

  • Jacques Cheneau
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