Les navettes autonomes, cela fait rêver sur le papier, mais sur le terrain c’est une autre affaire. Eiffage Énergie Systèmes et le transporteur Berthelet peuvent en témoigner. Ils se sont associés à Mézieu-Jonage, dans l’Est lyonnais, pour une expérimentation privée.
Depuis mars, ils exploitent ainsi sur route ouverte une navette Navya qui fait une boucle de 1,2 km depuis le terminus du tram T3 en desservant plusieurs entreprises (Eiffage, Veolia, RTE, etc.) installées dans le parc d’activité des Gaulnes. Le service, qui remplace un bus au parcours trop long, s’adresse potentiellement à un public de 1 600 salariés. Mais le résultat provisoire est assez maigre, pour ne pas dire décevant. « Nous avons environ 25 à 30 personnes par jour », explique Aurélien Berthelet, dg des Cars Berthelet. Soit cinq personnes par heure au maximum, rapporté aux six heures de fonctionnement quotidien. C’est l’équivalent de deux véhicules (dont la capacité est de 15 personnes) remplis par jour. La navette tourne par tranche de deux heures, le matin, à midi et en fin de journée. Le coût est de 480 000 euros sur les deux ans que l’expérience doit durer (180 000 euros venus des collectivités ayant servi à adapter l’infrastructure).
Pour expliquer la faible attractivité du service pourtant gratuit, les partenaires mettent en avant l’insuffisance de publicité et l’inertie des comportements. « On sait qu’il faut du temps pour changer les mentalités et faire renoncer à la voiture individuelle », tempèrent Aurélien Berthelet et Olivier Malaval, le directeur régional d’Eiffage Expercité. N’auraient-ils pas également surestimé le potentiel? Les origines et destinations des salariés du parc des Gaulnes ne correspondent pas forcément à celles proposées par la ligne de tram vers laquelle rabat la navette. Et puis l’expérience client, comme on dit, n’est pas forcément très satisfaisante avec ce type de transport robotisé. Faire un tour dans cette navette autonome permet de se rendre compte que rouler sur route ouverte n’est pas encore une aventure fluide. Au rond-point, même si elle a le feu vert, la machine autonome s’effarouche, hésite au point de créer derrière elle un mini-bouchon. Et quand il y a un imprévu devant elle, il faut s’accrocher car le freinage peut être renversant, même à une vitesse de pointe bridée à 15 km/h. Cette vitesse, Aurélien Berthelet aimerait voir « Navya pouvoir l’augmenter jusqu’à 50 km/h » pour rendre le service plus attractif. Il s’impatiente aussi de voir des améliorations pour « adoucir le freinage. Mais Navya semble prendre du retard dans son développement », s’agace le transporteur, qui a acquis six navettes auprès du constructeur lyonnais.
Autre enseignement de l’expérimentation Mia: canicule et autonomie des batteries ne font pas bon ménage, à cause de la climatisation sollicitée à plein régime. « Le septième véhicule automatique que nous achèterons sera certainement une navette Easymile, il faut envoyer des signaux à Navya », prévient le directeur général du groupe Berthelet, très curieux par ailleurs de voir comment le géant allemand ZF va concrétiser ses ambitions dans les navettes autonomes.
Entreprise familiale établie en Isère depuis plus de 70 ans, Berthelet mise sur la navette autonome. Le groupe a déjà acquis six navettes Navya. Deux fonctionnent sur la région lyonnaise, l’une à l’est (parc des Gaulnes), l’autre va bientôt circuler pour relier l’aéroport de Lyon Saint-Exupéry au parking des salariés. Une troisième est en service sur le parc de la centrale nucléaire EDF de Dunkerque. Un quatrième exemplaire était en démonstration cet été dans l’hypercentre d’Autun. Et deux autres doivent circuler dans le cadre des projets retenus au printemps par l’Ademe, à Sophia Antipolis et dans la Nièvre.
