Stations gaz: Sigeif Mobilités veut équiper l’Ile-de-France

« Il y a cent ans, notre maison-mère a développé le réseau de gaz de la banlieue parisienne. Il est légitime qu’aujourd’hui, nous contribuions au décollage de la filière du GNV! » Jean-Michel Philip ne cache pas ses ambitions: la société qu’il dirige, Sigeif Mobilités, entend investir dans une dizaine de stations d’avitaillement dans les trois prochaines années.

Sigeif Mobilités n’est pourtant pas un énergéticien classique: c’est une société d’économie mixte créée fin 2016 et qui compte pour actionnaire principal (54 %) un syndicat d’énergie(1)! Le Sigeif, syndicat intercommunal du gaz et de l’électricité en Ile-de-France, gère en effet les concessions de gaz de 184communes franciliennes et d’électricité de 63 municipalités. Son conseil d’administration est du reste constitué d’élus locaux, et son président est Jean-Jacques Guillet, maire de Chaville (92).

Que vient donc faire un syndicat d’énergie dans la distribution de carburants? « En 2025, les véhicules diesel seront interdits à Paris. Mais l’Ile-de-France ne compte que 14 stations GNV, seule alternative disponible pour les poids lourds et les autocars(2). C’est quatre fois moins qu’il n’en faudrait! », justifie Jean-Michel Philip. Car les distributeurs de carburant traditionnels ne se précipitent pas: GNVert (groupe Engie) opère la quasi-totalité des stations actuellement ouvertes en Ile-de-France, même si Pitpoint (groupe Total) commence à investir. Chaque station coûte, en moyenne, la bagatelle de 2 millions d’euros et, assure Jean-Michel Philip, « la maintenance est plus lourde que sur une station classique ». Quant à la fréquentation, elle reste aléatoire: « Notre première station, celle de Bonneuil-sur-Marne, n’a délivré la première année que 200 tonnes de gaz, un peu plus de 400 la seconde, et sans doute 600-700 en 2019 », reconnaît le dg.

Pas de quoi, cependant, décourager Sigeif Mobilités: dès le 17 septembre, il choisira un nouveau concessionnaire pour la station de Bonneuil, le contrat d’Endesa, opérateur actuel, arrivant à son terme(3). Par la même occasion, la station sera équipée d’un troisième compresseur et de cinq distributeurs de carburant supplémentaires: « Auparavant, tous les véhicules gaz étaient équipés d’un remplissage à droite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Or les flexibles gaz sont courts, et nous devons donc multiplier les distributeurs », explique Jean-Michel Philip.

Dès novembre, Sigeif Mobilités ouvrira sa seconde station à Wissous (91). Située à proximité de l’autoroute A6, et opérée par Endesa, elle délivrera du GNC et du bio-GNC sur 4 000 m², avec quatre pistes et sept distributeurs. Au premier trimestre 2020 ouvrira la station de Gennevilliers (92). D’une superficie de 6 000 m², elle sera opérée par Total. Son bio-GNC sera produit par une usine de méthanisation de bio-déchets toute proche.

Particularité: cette station sera directement raccordée au réseau de transport de gaz, et non de distribution. Explication de Jean-Michel Philip: « Le GNC est comprimé à 200 bars. Sur le réseau de transport, le gaz est comprimé à 40 bars, contre 3-4 bars sur le réseau de distribution. En nous raccordant directement au réseau de transport, l’énergie nécessaire pour comprimer le gaz à 200 bars (pression du GNC) est divisée par deux. »

Dès septembre 2020 devrait ouvrir une quatrième station, de 2 200 m², à Noisy-le-Grand (93), opérée par Pitpoint, filiale de Total: elle sera située à proximité d’un double échangeur de l’autoroute A4, à mi-chemin entre le parc Eurodisneyland et Paris.

Un accord est, par ailleurs, sur le point d’être signé pour un terrain à Saint-Denis, le long de la N1. Pas sûr en revanche que cette future station soit accessible aux cars: sa superficie est limitée à 700 m².

Sigeif Mobilités s’était également engagé à réaliser la partie GNV d’une station multi-énergie prévue dans le cadre du projet En Seine! lauréat de « Réinventer la Seine ». Cependant, le projet est très contesté et son avenir reste incertain.

D’autres projets, plus importants, pourraient cependant rapidement voir le jour en Seine-et-Marne, en Essonne et en Seine-Saint Denis. Jean-Michel Philip le confirme: « Nous souhaitons avoir terminé notre maillage d’une dizaine de stations sous trois ans. »

La station de Bonneuil sera bientôt équipée de bornes de recharge rapide pour véhicules électriques. À terme, Sigeif Mobilités pourrait même distribuer de l’hydrogène. « La difficulté de trouver du foncier en Ile-de-France justifie la création de stations multi-énergie », explique Jean-Michel Philip.

« Nous avons déjà neuf cars au gaz (sur une flotte de 135) et en avons commandé une quinzaine. Nous utilisons la station de Bonneuil pour nous avitailler, car c’est la plus proche. Un plein prend cependant 1 h 20 de temps-chauffeur: une heure pour le trajet aller-retour, et 20 minutes de remplissage. À terme, il pourrait être rentable d’investir dans une station sur notre dépôt. »

« En août, coup sur coup, les joints du réservoir de sept de nos neuf cars ont sauté lors d’un plein », témoigne Claude Suzanne. « Nous avons eu un souci sur un pistolet, que nous avons réparé, reconnaît Jean-Michel Philip. Après le changement d’exploitant, en novembre, tous les pistolets seront changés », assure-t-il. Toutefois, le comportement de certains chauffeurs fréquentant la station pourrait être en cause. « Au lieu d’appuyer pendant 15 ou 20 minutes, comme c’est obligatoire, sur le bouton, certains bloquent ce dernier avec un adhésif et ne l’enlèvent pas quand ils partent », explique Jean-Michel Philip. Du coup, les pistolets sont retirés des réservoirs alors que la pression est à 200 bars, ce qui peut endommager le matériel.