La réponse à un appel d’offres est toujours un travail conséquent pour les sociétés soumissionnaires. Il s’agit de rassembler les données pertinentes pour faire la plus belle offre au moindre coût. Et lorsque l’on est finalement éconduit, la déception est toujours amère.
Particulièrement lorsque les raisons de l’éviction de son offre par rapport à l’offre finalement retenue semblent contestables.
Ce fut le cas de la société X et de la société Y au sujet de la délégation des transports d’une communauté d’agglomération située dans le Sud-Ouest de la France.
Pour faire une offre moins coûteuse, la société Y avait pris des libertés par rapport au cahier des charges, comme la suppression de certains arrêts et le raccourcissement de lignes. L’offre semblait également manquer de réalisme concernant la cadence des navettes.
Y ayant néanmoins été choisie, la société X a considéré que le choix n’avait pas été conforme aux critères de l’appel d’offres et que son éviction était donc irrégulière.
Mais, la Cour administrative d’appel rejette ses demandes en considérant que l’appréciation du « critère financier » permettait à l’autorité administrative d’accepter des offres qui s’éloignaient du cahier des charges, et que le choix d’une offre irréaliste n’était pas un motif de nullité.
Une communauté d’agglomération située dans le Sud-Ouest de la France avait engagé une procédure en vue de déléguer l’exploitation du service des transports urbains sur l’ensemble du territoire communautaire pour une durée de huit ans.
Trois candidats avaient été admis à présenter une offre: la société Z, la société Y et la société X Autocars.
À l’issue de la phase de négociation, le président de la communauté d’agglomération avait fait un choix en faveur de la société Y.
L’organe délibérant de la communauté d’agglomération avait alors approuvé ce choix et avait autorisé le président de l’établissement public à signer le contrat avec cette société.
Une fois le contrat signé, la société X avait demandé au tribunal administratif concerné d’annuler la convention. Selon elle, son éviction de la procédure d’attribution était irrégulière.
En effet, la société X considérait que la société Y avait fait une offre qui ne répondait pas totalement aux contraintes imposées par le cahier des charges, puisque, pour être moins onéreuse, elle avait modifié des itinéraires de lignes et supprimé des arrêts! Par ailleurs, l’offre de Y manquait de réalisme: la cadence d’une navette toutes les 15 minutes n’est pas possible à atteindre dès lors que le trajet nécessite au minimum 17 minutes.
Le choix de l’offre de la société Y est donc entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
L’attribution du marché à la société Y n’ayant pas été faite au regard du respect du cahier des charges, elle l’a nécessairement été au regard de critères autres, non connus de la société X donc « occultes ».
Par conséquent, l’éviction de la société X est irrégulière.
L’affaire va en appel, mais la Cour d’appel de Paris rejette ses demandes.
Elle juge que l’autorité délégante choisit le délégataire, après négociation, au regard d’une appréciation globale des critères, sans être contrainte par des modalités de mise en œuvre préalablement déterminées.
La Cour ajoute que l’instruction avait révélé que la commission de délégation de service public avait procédé à une analyse détaillée de chaque offre des candidats retenus pour la phase finale des négociations, en fonction des critères posés par le règlement de la consultation.
Quels étaient ces critères?
Ces critères étaient: la qualité du service, l’engagement dans la mobilisation du personnel en faveur de la qualité du service, l’impact environnemental et le coût financier de l’offre.
L’offre de la société Y étant caractérisée par une baisse du coût financier, c’est en application de ce dernier critère que l’autorité délégataire a justement orienté son choix.
Certes, cette baisse de coût était induite par la modification du trajet de certaines lignes et la suppression de certains arrêts, mais, pour la Cour, cette appréciation par la délégante du critère financier mentionné dans le règlement de la consultation, ne sauraient être regardés comme des « critères occultes » supplémentaires.
Concernant le réalisme de l’offre de Y, là encore, la Cour rejette cet argument.
Pour les juges d’appel, à supposer même que la cadence d’une navette ne soit pas possible à atteindre, le choix du délégataire qui a proposé cette cadence n’est pas, de ce seul fait, entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
La Cour conclut de tout cela que la société X n’était pas fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif concerné avait rejeté ses demandes.
Cette décision de justice est discutable. En effet, la liberté laissée à l’autorité administrative dans le choix de l’entreprise délégataire trouve nécessairement sa limite dans le maintien d’une concurrence effective entre les entreprises soumissionnaires.
Or, une offre qui s’affranchirait des contraintes du cahier des charges, voire du réalisme de la prestation proposée, pour apparaître la moins chère, ferait nécessairement une concurrence déloyale aux entreprises qui se seraient pliées aux contraintes du cahier des charges pour établir leur offre.
Quel aurait été le prix de la société X Autocar pour l’itinéraire et le nombre d’arrêt finalement retenu par l’autorité délégataire? Peut-être aurait-il été compétitif par rapport à celui de la société Y. Dès lors, la question se pose de savoir si les entreprises soumissionnaires ont bien eu l’opportunité de remporter le marché public en question.
NB: les noms des sociétés et localités ont été anonymisés.
