L’article L 1321-1 du Code des transports énonce que les dispositions du Code du travail relatives au temps de pause, ne s’appliquent pas aux salariés des entreprises de transport public urbain de personnes, lesquelles sont régies par les dispositions spécifiques de la convention collective des entreprises de transport urbain de voyageurs, désormais intégrée à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.
Monsieur Xavier G. est salarié de la Société STDE au poste de conducteur receveur. S’estimant lésé quant à ses temps de pause et ses temps de remise de caisse, il décide de saisir le conseil des prud’hommes de Dunkerque afin d’obtenir de son employeur des dommages et intérêts.
Il expose qu’alors qu’il accomplit régulièrement plus de 6 heures de travail par jour, il n’a jamais bénéficié d’un temps de pause réglementaire de 20 minutes consécutives. Il déclare qu’en violation des dispositions conventionnelles, la société STDE fractionne ce temps de pause et y intègre le temps d’attente entre deux lignes, appelé également temps de régulation.
Or, durant ces périodes, il ne peut aucunement vaquer à ses occupations personnelles, n’ayant d’ailleurs à sa disposition ni salle d’attente ni même sanitaires et devant accueillir les clients prenant place dans le bus!
En réponse, la société STDE fait valoir que l’activité de transport public de voyageurs est réglementée par des dispositions spécifiques, lesquelles imposent le respect d’un temps de pause de 20 minutes pour tout service égal ou supérieur à 6 heures, mais n’interdisent aucunement à l’employeur de répartir ce temps en plusieurs coupures journalières dès lors que chacune d’elles atteint une durée minimum de 5 minutes.
La Cour d’appel de Douai, dans son arrêt du 26 juillet 2019, rappelle que l’article 10 du décret du 14 février 2000, relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs, prévoit en effet que tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures, bénéficie d’une coupure d’au moins vingt minutes.
La Cour confirme ensuite que cette coupure est constituée notamment des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d’attente dans les terminus et des différents temps d’inactivité ou d’interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d’une durée d’au moins cinq minutes consécutives. En outre, elle juge que le temps d’attente au terminus est considéré comme un temps de pause pendant lequel le conducteur peut vaquer à ses occupations personnelles. Dans le cas de Monsieur G., la société STDE, à qui il appartient de rapporter la preuve du respect des temps de pause, remplit correctement cette obligation pour les mois de novembre 2015 à juin 2016. Monsieur G. ne peut donc invoquer une atteinte faite à ses droits sur la période considérée.
En revanche, s’agissant de la période antérieure, la société STDE n’apporte aucun élément concret se rapportant à la situation de Monsieur G. La responsabilité de la société STDE sera donc retenue au titre de cette période-là et Monsieur G. sera indemnisé.
Monsieur G. affirme que de façon totalement injustifiée, il ne perçoit aucune rémunération pour le temps consacré à la remise de caisse, laquelle s’effectue en fin de service et en sus de son temps de travail.
La société STDE s’oppose à cette demande faisant valoir que tout conducteur receveur dispose en début de chaque service d’un forfait temps de 15 minutes rémunérées, dédié à la prise de service et au cours de laquelle il procède, notamment à la remise de caisses. Elle précise que le conducteur peut, à sa guise, choisir de placer une partie de ce temps forfaitaire au début ou en fin de service pour procéder à la remise de caisse, opération qui consiste à vider un panier dans des machines automatiques et à récupérer le ticket correspondant et qui prend tout au plus 5 minutes.
Il résulte des pièces produites par la partie intimée et notamment de l’attestation établie le 25 octobre 2016 par Monsieur Michel F., responsable de formation et animateur de sécurité chez STDE, que le temps de remise de caisse est d’environ 2 minutes maximum et que le nombre d’automates mis à disposition du personnel est suffisant pour permettre aux conducteurs d’effectuer cette opération sans temps d’attente supplémentaire.
La société STDE transmet, par ailleurs, deux notes de service en date des 17 février 2015 et 3 juillet 2015 qui viennent confirmer que la remise de caisse doit intervenir dans un délai maximum de 48 heures ouvrables. Il est démontré enfin que le temps de travail rémunéré tient compte de la durée de la prise de service qui intègre le temps de remise de recettes.
Monsieur G., pour sa part, ne produit aucun élément permettant de considérer que le forfait temps fixé par l’employeur aurait été sous-évalué. Il sera donc débouté de ce chef d’accusation.
À partir de cet arrêt d’appel, il apparaît clairement que le régime de temps de pause applicable aux salariés des entreprises de transport public urbain de personnes est très dérogatoire au droit commun puisqu’il permet aux entreprises de fragmenter la pause obligatoire de 20 minutes toutes les 6 heures de travail, en plusieurs petites pauses de 5 minutes consécutives minimum. Encore faut-il pour cela que l’entreprise de transport se ménage la preuve du respect par elle de cette législation.
En l’absence d’une telle preuve, elle sera condamnée à indemniser le salarié.
Concernant les temps de remise de caisse pour lesquels un forfait de 15 minutes était jugé insuffisant, l’instruction a révélé que cette action ne prenait pas plus de 2 minutes. Par conséquent, les juges d’appel ont écarté les demandes faites à ce sujet.
Cour d’appel de Douai, 26 juillet 2019
