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Le câble urbain amorce son décollage

Les projets de création de lignes de transport par câble urbain se multiplient en France. Plusieurs constructeurs rivalisant d’innovations devraient donc profiter de cet engouement découlant, pour partie, de la nécessité de désengorger les voies terrestres. État des lieux des projets et des acteurs en présence.

Ils étaient tous là ou presque lors des récentes Rencontres nationales du transport public (RNTP) à Nantes. C’est bien la preuve que les constructeurs du câble urbain entendent accompagner la montée en puissance des besoins de mobilités des autorités organisatrices des transports. D’autant que le câble n’est pas perçu comme un concurrent des autres modes de transport mais bel et bien comme un précieux complément des solutions existantes.

Les professionnels du secteur voient dans la mise en œuvre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 » (promulguée le 12 juillet 2010) l’amorce d’un courant d’intérêt pour le câble urbain. Il pouvait, en effet, être perçu comme une solution à même de répondre aux futurs besoins de mobilité décarbonée.

Les projets ont donc commencé à éclore pour un système en mesure de transporter jusqu’à 4 000 voyageurs par heure, voire plus. Cette capacité pourrait, d’ailleurs, être plus élevée si la réglementation française n’imposait pas un arrêt des cabines en station, ce que déplorent les professionnels du secteur dans une belle unanimité.

Des références qui dopent l’intérêt

Comme tout mode de transport encore peu développé, le câble urbain a besoin de références pour convaincre. Et Brest peut sur ce point (même s’il a connu quelques vicissitudes) constituer le précédent sur lequel les autres métropoles françaises peuvent s’appuyer pour se lancer à leur tour. Car le succès est au rendez-vous. Alors qu’il avait été prévu une fréquentation de 650 000 passagers au bout de la première année d’exploitation, ce sont 800 000 personnes qui ont emprunté la ligne brestoise, longue de 420 m, entre novembre 2016 et novembre 2017. Un nouveau cap vient, d’ailleurs, « d’être franchi avec le passage du 2 millionième voyageur transporté », se félicite Nicolas Chapuis, directeur de LST.

Depuis, les projets essaiment, à en juger par le niveau d’avancement de certains d’entre eux. Ainsi, le coup d’envoi de celui de Toulouse a été donné début juillet 2019. Fin 2020, Téléo deviendra donc le plus long téléphérique urbain de France (3 km), à la faveur d’un investissement de 82 millions d’euros.

À La Réunion, cette fois, la pose de la première pierre du téléphérique urbain devant relier le quartier du Chaudron à celui de Bois-de-Nèfles est intervenue le 20 septembre 2019. Dès la rentrée de 2021, les Réunionnais disposeront d’une nouvelle infrastructure de 2,68 km à même de transporter plus de 6 000 voyageurs par jour. Mais ceci ne constituera qu’une première étape vers un futur réseau de cinq lignes téléportées, dont la seconde devrait relier les quartiers de Bellepierre à ceux de la Montagne (1,3 km). L’échéance de réalisation de cette nouvelle ligne pourrait se situer un an après la première, sans plus de précisions à ce stade. Elle sera également connectée au réseau de transport public existant, dont la fréquentation annuelle dépasse les 21 millions de voyageurs.

Enfin, les travaux de construction du téléphérique urbain reliant la gare SNCF des Aubrais-Orléans au nouveau quartier d’affaires sis à Interives devraient débuter au cours du premier semestre 2020. Sa longueur sera limitée à 360 m et ses cabines pourront accueillir cent personnes.

Le mouvement est parti en France

Au-delà de ces contrats en cours, tous attribués à Poma, les deux autres constructeurs LST/Bartholet (retenu pour Brest) et Doppelmayr entendent bien se positionner sur les appels d’offres actuels ou en cours de préparation. Ils le feront sous forme de groupement associant généralement également un architecte, une société de génie civil et un bureau d’ingénierie.

La concurrence s’annonce donc rude pour remporter celui de Grenoble (précurseur dès 1934 du câble urbain, avec une première ligne à vocation touristique) devant assurer la connexion avec trois lignes de tramways. Ce contrat d’un montant global de 55 millions d’euros devrait être attribué en février 2020. Il est ensuite prévu deux ans pour la réalisation de la nouvelle infrastructure connue sous le nom de Métrocâble, d’une longueur de 5 km, parcourue par 88 cabines.

Plus au sud, c’est Ajaccio qui s’équipera d’une ligne de 2 900 m de long, le nœud intermodal se situant à Mezzavia. L’attribution de ce projet clés en main devrait intervenir à la fin du printemps 2020.

À une échéance un peu plus lointaine, même s’il semble désormais acté que l’appel à consultation sortira d’ici à la fin de l’année 2019, la liaison entre Villeneuve-Saint-Georges et Créteil (Câble A), qui vient d’obtenir sa DUP, excite aussi les convoitises (voir Bus&Car Connexion n° 1082). Il s’agit d’un projet majeur de 55 millions d’euros qui constitue, selon les constructeurs, la plus belle référence urbaine dont ils pourront se prévaloir auprès des territoires. Les autres éléments du calendrier font état de la sortie de l’appel d’offres au début de l’année 2020 et la désignation du groupement retenu dans le courant de cette même année.

Il serait vain ici de dresser une liste des autres projets envisagés, tant ils sont nombreux. Mais les deux de Marseille figurent en bonne place même si l’unanimité n’est pas encore de mise. Le premier relierait le Vieux-Port à la basilique Notre-Dame-de-la-Garde. Le second constituerait un trait d’union de six minutes seulement entre l’aéroport de Marseille-Provence et la gare de Vitrolles. Pour l’heure, ce service est assuré par bus.

Enfin, et pour ce qui constitue une des dernières révélations en date, la métropole lilloise a évoqué dans son schéma directeur des infrastructures métropolitaines portant sur la période 2020-2035 la possibilité de se doter d’un téléphérique urbain reliant Fives-Cail et Saint-Sauveur.

De nombreux atouts

Alors, comment peut-on analyser cet engouement pour le câble urbain dont les capacités d’emport peuvent varier de 10 à 200 places? Sans doute que la congestion des espaces terrestres conduit à envisager le développement de nouvelles solutions aériennes. Jusqu’à présenter le téléphérique urbain de grande capacité comme un tramway aérien, à même de gagner encore en vitesse de déplacement et en capacité au cours des prochaines années. C’est donc un moyen de transport complémentaire, qui commence à trouver sa place. D’autant qu’il est particulièrement précieux pour parfaire le maillage d’un réseau urbain, lorsqu’il s’agit de traverser des fleuves ou des voies ferrées, de contourner des obstacles ou de monter des pentes pour desservir des zones enclavées. Surtout, il est présenté comme pouvant remplacer 2 000 trajets en voiture par heure!

Reste qu’il faudra encore du temps pour faire éclore tous les projets. Car des voies de progrès restent encore à accomplir au plan de l’acceptabilité des projets. La concertation et le dialogue devront donc être renforcés pour que le foisonnement annoncé de lignes puisse se concrétiser. Le défrichement des parcours administratifs participe aussi des axes d’amélioration à réussir à l’avenir.

Sans doute également que le déploiement à grande échelle de ce mode de transport dans des mégalopoles d’Amérique du Sud telle que La Paz (réseau de 33 km, plus de 200 millions de passagers déjà transportés) a largement contribué à lui conférer une crédibilité dont il avait besoin pour se répandre plus largement. Et Christian Bouvier, directeur commercial de l’activité transport urbain par câble de Poma, de citer également « l’Algérie qui a été le premier pays depuis des décennies à avoir compris les avantages du transport par câble ».

L’accompagnement des constructeurs

Pour remporter les marchés/projets précités, les constructeurs comptent beaucoup sur les évolutions et autres innovations technologiques pour proposer des offres différenciantes. Ainsi, « Doppelmayr est en train de faire homologuer sa cinquième génération de cabines Omega à une vitesse de 7 m/s (25,2 km/h) au lieu de 6 m/s (21,6 km/h) », confirme Bernard Teiller, pdg de Doppelmayr France SAS. Ces vitesses accrues qui devraient se généraliser au milieu de la prochaine décennie vont accroître le champ de pertinence d’un système qualifié encore souvent d’hectométrique. Il ne le sera définitivement plus au moment de la sortie du Cabline 2.0, qui pourrait proposer une vitesse portée à 15 m/s. De quoi donner à ce système des allonges équivalentes à celles des lignes de tramway (cf encadré).

Poma va, pour sa part, équiper le téléphérique urbain de Toulouse (le plus long de France) avec un système de trois câbles (Système 3S) prenant appui sur cinq pylônes. Il pourra, ainsi, fonctionner avec un vent pouvant aller jusqu’à 108 km/h.

Mais pour que « le câble urbain puisse bien fonctionner, il y a un vrai sujet d’accompagnement pour les premiers mois ou années d’exploitation, souligne Nicolas Chapuis. Dans les appels d’offres actuels ou futurs, nous proposons dès maintenant un accompagnement renforcé de l’exploitant en conditions réelles d’exploitation durant les premiers mois ou années d’exploitation. » En clair, c’est la transposition du savoir-faire technique du constructeur du téléphérique urbain qui doit être apportée à l’exploitant.

Le retour d’expérience des premières années d’utilisation du téléphérique urbain de Brest et les mesures mises en œuvre par le groupement LST/Bartholet constituent, sur ce point, un des exemples à suivre pour la pleine réussite de l’élargissement de ce mode de transport.

Cabline 2.0 revisite le transport urbain par câble

C’est tout juste quelques jours après la fin des RNTP que Cabline 2.0 a officiellement été dévoilé. Pourtant, les participants à cette manifestation avaient pu découvrir en avant-première une première image de synthèse de ce nouveau mode de transport urbain par câble sur le stand LST/Bartholet.

Présenté comme marquant une véritable rupture technologique avec les solutions traditionnelles de transport par câble, ce nouveau système est développé par les deux partenaires que sont Bouygues Travaux Publics et le groupe MND à travers sa filiale LST. Le projet bénéficie d’un soutien de l’Ademe (4,4 millions d’euros dont 1,7 sous forme de subvention, obtenu en 2017 au titre du Programme des investissements d’avenir). L’atout majeur de Cabline 2.0 est sa vitesse, de l’ordre de 15 m/s (54 km/h). Concrètement, cela double la vitesse d’exploitation par rapport au système existant de câble urbain et ouvre le champ des possibles pour de plus grandes longueurs de lignes.

Certains observateurs pensent même que Cabline 2.0 pourrait couvrir le même domaine de pertinence que certains tramways ou Bus à haut niveau de service (BHNS). Le système serait, en effet, en mesure de transporter jusqu’à 5 000 personnes par heure et par sens. Les coûts de construction seront également abaissés grâce à des portées plus grandes, de l’ordre de 200 à 300 m. Il existe dès maintenant des marques d’intérêt pour accueillir un démonstrateur sur une section longue de 400 m environ, laquelle sera construite par Bouygues Travaux Publics. Ce dernier, ainsi que son partenaire répondront, dès cette année, à un premier appel d’offres avec cette solution novatrice. Laquelle pourrait, à moyen terme, entraîner la création de près de 300 emplois industriels dans la région Auvergne – Rhône-Alpes.

Supraways, futur concurrent du câble urbain?

Lille, la capitale régionale des Hauts-de-France n’est pas seulement intéressée par un premier téléphérique urbain à un horizon restant à définir. La Fédération régionale des promoteurs immobiliers (FPI) a également décidé de financer une étude technique d’un projet de système de navettes aériennes suspendues à des pylônes hauts de 10 m dénommé Supraways. D’une capacité de 7 à 9 places, les cabines Supras (Système urbain personnalisable rapide autonome solaire) pourraient évoluer aux alentours de 6 à 7 mètres du sol à une vitesse commerciale comprise entre 50 et 60 km/h grâce à une solution électrique installée à l’intérieur de la voûte support.

Cette innovation technologique pourrait répondre à deux enjeux majeurs. Le premier est lié à la congestion routière existant dans l’agglomération lilloise. Le nouveau système limitera donc le nombre de véhicules circulant sur le réseau routier. Le second est lié au coût du système en lui-même. Ne nécessitant qu’une très faible emprise foncière… comme le câble urbain, son coût de construction au km serait « de l’ordre de 10 à 15 millions d’euros, soit un coût bien inférieur à celui d’une ligne de tramway », explique Claude Escala, président fondateur de Supraways. Pour l’heure, la circulation d’un premier démonstrateur est prévue aux alentours de 2023/2024.

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Auteur

  • Olivier Constant
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