Il est déjà loin, le temps où l’essentiel devait être prêt pour les JO de 2024… Après CDG Express, d’autres projets structurants subissent retards et coups d’arrêt. Contestation du projet de réaménagement de la gare du Nord, arrêt des travaux sur un tronçon de la future ligne 17 du Grand Paris Express qui rencontre le plus d’embûches.
Face à la desserte Charles-de-Gaulle-Express, vers l’aéroport de Roissy, dont l’ouverture a finalement été renvoyée après les JO, ce sont les transports du quotidien qui ont eu la priorité. La somme des tâches à accomplir est gigantesque: régénération des voies du RER B, installation de Nexteo, nouveau système de signalisation, interconnexions du Grand-Paris-Express avec le RER au Bourget, franchissement urbain de Pleyel… Mais cet été, « le programme de travaux a enregistré un léger retard par rapport à ce qui avait été planifié, retard que SNCF Réseau promet de rattraper d’ici la fin de l’année », relate Michel Cadot, le préfet de la région Île-de-France. Le gestionnaire du réseau ferré a eu des soucis avec les entreprises qui n’ont pas été en capacité de mener leur programme dans les délais. Les voyants sont donc entre le vert et l’orange.
Gigantesque par sa surface (qui doit passer de 36 000 à 124 000 m2), et son coût de 600 millions d’euros, le projet de transformation de la gare du Nord connaît des péripéties politiques dans son démarrage. Si la Commission nationale d’aménagement commercial a validé le 10 octobre une extension de 16 000 m2 des surfaces lucratives, la Ville de Paris a tourné casaque au dernier moment, sans toutefois remettre en cause l’ensemble. La capitale et la SNCF sont ensuite tombées d’accord pour rediscuter certains points du projet avec l’arbitrage d’architectes urbanistes. L’objectif des élus parisiens « est évidemment de dédensifier le programme » en le tournant davantage vers le voyageur, a indiqué Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d’Anne Hidalgo. L’État, lui, s’impatiente et rappelle que ce projet est « nécessaire » en vue de l’accueil du public et des délégations des jeux Olympiques de 2024.
Dans le pire des cas, c’est-à-dire un retour au point de départ, la SNCF craint un retard de trois à quatre ans. Mais le préfet de région, qui veille sur cette réalisation, se veut optimiste. Il table sur un processus qui se poursuit, avec l’intégration des conclusions de cette conciliation mairie-SNCF dans le dossier de l’enquête publique, « sachant qu’on ne peut pas refonder le projet à ce stade », met en garde Michel Cadot. En appelant à la sagesse, il veut croire que « le calendrier sera tenu » en vue de la délivrance du permis de construire.
La justice a donné un coup d’arrêt aux travaux sur une section de la ligne 17. Le 15 novembre, le tribunal administratif de Montreuil a ordonné leur suspension autour de la gare du Triangle de Gonesse. Il a laissé à l’État un délai de 12 mois pour revoir l’étude d’impact sur le volet environnemental. À première vue, cette contrariété relative n’a pas d’impact sur la desserte des sites JO, car la mise en service de cette gare du Val-d’Oise n’est pas prévue avant 2027. Néanmoins, « cela ne poserait pas de problème par rapport aux Jeux si cette suspension ne portait pas aussi sur le creusement d’un puits pour un tunnel qui ira au Bourget, où se rejoignent les lignes 16 et 17 », s’inquiète le préfet Cadot. Le délai de suspension étant supérieur aux 6 à 9 mois qu’anticipait l’État, il y a donc des inquiétudes par rapport à l’objectif de mise en service de la section Bourget RER-Bourget Aéroport en 2024.
Au-delà de la problématique des JO, l’abandon du projet de centre commercial Europa City, que la gare Triangle de Gonesse devait desservir, suscite l’inquiétude des élus. La FNAUT Île-de-France, pourtant du côté des transports en commun, recommande de faire une croix sur cette desserte. Mais pour la Société du Grand Paris et l’État, cette infrastructure doit permettre de désenclaver toute une population et la rapprocher de l’aéroport de Roissy, un employeur majeur du territoire. En outre, l’État planche sur une alternative au projet abandonné. Les délais de réalisation de cette gare étaient encore larges, et les pouvoirs publics estiment qu’il reste possible d’amender le projet pour relocaliser la gare du Triangle en fonction des aménagements qui seront décidés.
Peut-on réduire les files de circulation sur le périphérique durant les JO, créer des voies d’accès réservées à certains véhicules sur les autoroutes convergeant sur Paris? C’est pour défricher ces questions que l’État met en place une conférence régionale des mobilités associant les différentes collectivités, de manière à « ne pas imposer mais trouver des solutions », souligne l’État entre les différents gestionnaires de voirie, la mairie de Paris pour le périphérique, l’État pour les nationales, les départements pour les nationales déclassées. En ligne de mire: l’intention de la maire de Paris de restreindre le débit sur le périphérique, qui suscite beaucoup d’interrogations. « Si on supprime une voie, cela a des incidences sur la fluidité, mesure le préfet de Région, Michel Cadot. Et si on crée une voie réservée pour entrer dans Paris, cela risque de compliquer l’insertion des véhicules, et de créer un effet report. »
Comment couvrir les surcoûts du Grand-Paris-Express (GPE)? En mettant à contribution ceux qui désirent le plus ce super métro. Le gouvernement a décidé de faire contribuer les sept départements franciliens à hauteur de 75 millions d’euros l’an prochain. Il a introduit mi-novembre un amendement surprise visant à prélever pour le chantier une fraction des recettes perçues par les départements franciliens au titre des Droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Le Sénat s’est empressé, le 22 novembre, de supprimer ce dispositif. De même, il a rayé un projet de hausse d’une taxe sur les bureaux des quartiers d’affaires à Paris et dans les Hauts-de-Seine. En signe de protestation, les élus des départements visés par la première mesure, ainsi que la ville de Paris, dénoncent un « racket organisé par l’État » et boycottent le conseil de surveillance de la Société du Grand Paris.
Le projet de loi de finance doit revenir à l’Assemblée d’ici Noël. La facture du GPE a dérapé pour atteindre les 35 milliards d’euros, et Bercy cherche coûte que coûte à maintenir ce plafond. Fin 2018, s’appuyant sur le rapport Carrez, l’État avait déjà fait augmenter certains prélèvements, comme celui sur la surface des parkings. Visant les touristes, les députés avaient failli faire augmenter la taxe régionale de séjour.
M. F.
