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Jean-Sébastien Barrault, président de la FNTV

« Je salue la qualité du dialogue social dans le transport routier interurbain de voyageurs »

Préparation d’un contrat-cadre sur la transition énergétique, réforme du dialogue social, transfert automatique de personnel, réforme du CPS et attractivité des métiers de la conduite… la densité du calendrier 2020 reflète les défis à relever par la profession. Une année déterminante pour le secteur, qui doit le préparer non seulement à entrer dans une nouvelle décennie, mais aussi dans une nouvelle ère.

Bus&Car Connexion: Le conflit social sur la réforme des retraites a rencontré peu d’écho dans le transport routier interurbain de voyageurs, même si l’activité des entreprises a pu être impactée indirectement. Quel est le climat social dans la branche?

Jean-Sébastien Barrault: Le conflit social portant sur le projet de réforme du système des retraites a été peu suivi dans le transport routier interurbain de voyageurs, mais a quand même désorganisé l’activité d’un certain nombre d’entreprises. Un préavis de grève a tout de même été déposé le 16 décembre par les cinq organisations syndicales, ce qui nous a donné l’occasion de déterminer les thèmes prioritaires qui vont faire l’objet de discussions et de négociations dans les semaines à venir. À commencer par les NAO, qui avaient été retardées du fait de la décision des organisations syndicales de ne pas siéger au sein des commissions mixtes paritaires (CMP) dans tous les secteurs de la branche, afin d’obtenir des garanties de la part de l’État sur le financement du dialogue social.

Nous allons également engager une réflexion sur l’évolution des contrats de Conducteur en période scolaire (CPS), la création d’un contrat à Temps partiel annualisé (TPA), les conditions du transfert de personnel, ainsi que le Congé de fin d’activité (CFA), auquel la FNTV est profondément attachée. Nous tenons à conserver ce dispositif en le transformant en dispositif d’aménagement de fin de carrière. Notre calendrier de début d’année est très dense, et je tiens à saluer la qualité du dialogue social dans le transport routier de voyageurs.

Ces discussions s’effectuent en parallèle à la mise en place de la Commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation (CPPNI), qui devrait être opérationnelle à la fin janvier, pour remplacer la CMP, en application de la loi El Khomri. Cette disposition permet à la branche de prendre son indépendance vis-à-vis de l’État dans l’organisation du dialogue social.

BCC: Le transfert de personnel est une question particulièrement sensible. Êtes-vous optimiste sur la suite des négociations?

J.-S. B.: Le transfert de personnel a donné lieu à beaucoup d’échanges et de débats au sein de la FNTV, avec des positions parfois divergentes entre transporteurs. Le lancement de la mise en concurrence en Ile-de-France n’a d’ailleurs pas contribué à pacifier les débats, mais nous sommes parvenus avant Noël à un accord entre nous tous, PME et groupes, ce qui donne à la FNTV un mandat pour discuter de la mise en place du transfert de personnel. Il faut rappeler que ce transfert automatique de personnel, prévu par la Lom dans son article 158, s’appliquera à la France entière. Le gouvernement et le législateur nous font confiance pour en discuter avec les partenaires sociaux. Nous devons aller vite sur cette question, de façon à ce que l’ouverture à la concurrence se passe bien en Ile-de-France.

Imaginons que le transfert automatique n’existe pas en Ile-de-France, l’entreprise qui perdrait un marché devrait licencier l’ensemble de ses effectifs, et en supporter le coût. Quant au nouveau délégataire, il aurait sans doute d’énormes difficultés à opérer un service du jour au lendemain… Il existerait un vrai risque pour la continuité du service public, et un risque financier énorme pour les entreprises concernées.

BCC: Les transformations en cours donnent à certains transporteurs le sentiment que leur monde disparaît. Quel doit être le rôle de la FNTV dans ce contexte?

J.-S. B.: Je comprends l’appréhension que peuvent ressentir un certain nombre de dirigeants de PME. Je suis moi-même issu du monde de la PME, et j’y suis fondamentalement attaché. Je comprends cette appréhension face aux mutations du secteur, face aux défis extrêmement importants à relever dans les années qui viennent: développement des nouvelles technologies, du numérique, transition énergétique… Je comprends cette appréhension face à la réorganisation territoriale, avec le sentiment que le pouvoir auparavant exercé par les départements s’est éloigné, depuis le transfert aux régions… Je comprends cette appréhension face aux marchés de plus en plus complexes, avec des lots de plus en plus importants… Oui, tout cela peut faire peur. S’opposer à ces mutations, chercher à bloquer le changement serait une erreur. Les bouleversements sont inéluctables. Il faut les accompagner plutôt que les combattre.

C’est d’ailleurs en partie pour ces raisons que nous avons voulu ouvrir la FNTV aux nouveaux acteurs de la mobilité. C’est aussi un moyen d’aider les PME à aborder les transformations du secteur.

Cela dit, certains peuvent avoir des attentes vis-à-vis de la FNTV qui ne sont pas légitimes. Une organisation professionnelle a vocation à défendre l’intérêt général et la profession dans son ensemble, mais j’ai la conviction profonde qu’elle n’est pas là pour faire le gendarme de la concurrence. Je sais que certains de nos adhérents souhaiteraient que l’on soit prêt à les défendre à l’occasion de la perte d’un marché, en dénonçant les pratiques de tel ou tel transporteur. On ne peut pas s’engager dans cette voie. Ce serait un engrenage dangereux pour la FNTV, qui pourrait y perdre sa crédibilité. La force de la FNTV, c’est de représenter tout le monde et de parler d’une seule voix. En revanche, si certaines pratiques délictueuses ont été dûment constatées par les services de l’État ou la justice, la FNTV peut tout à fait se porter partie civile.

BCC: Comment répondre efficacement à la pénurie de recrutements? Les conditions de travail des conducteurs n’expliquent-elles pas en grande partie la faiblesse de l’attractivité de ces métiers?

J.-S. B.: Il nous manquait plusieurs milliers de postes à la dernière rentrée des classes et, compte tenu de la pyramide des âges, la situation ne va pas s’améliorer dans les années qui viennent. La possibilité de passer le permis D dès 18 ans est une mesure qui nous tient particulièrement à cœur. Elle doit nous permettre de développer l’apprentissage, en offrant aux amoureux de la conduite une formation. Cela nous donnerait accès à un vivier de conducteurs important. Nous avions eu une promesse en ce sens de la part d’Elisabeth Borne, dans le cadre de la préparation de la Lom. Elle nous avait demandé de travailler sur des mesures d’encadrement spécifiques pour le transport scolaire, en étudiant des dispositifs d’encadrement et de tutorat, afin de garantir la sécurité des passagers. Tout est prêt pour que le décret puisse sortir. Mais depuis plus de six mois, les choses n’avancent plus. Il est déjà trop tard pour la prochaine rentrée scolaire. Et nous n’avons plus le sentiment que nos interlocuteurs, au sein du gouvernement, prennent la mesure de l’urgence qui est la nôtre.

Nous devons également avancer sur la création d’un indice qui reflète les spécificités du transport routier interurbain de voyageurs, de façon à ce que les professionnels puissent l’intégrer dans leur réponse aux appels d’offres, ce qui permettra de mieux prendre en compte les coûts. Le gouvernement a débloqué des financements à destination du Conseil national routier (CNR), qui va publier l’indice « Salaire transport routier interurbain de voyageurs » dans le courant de l’année.

On attend beaucoup des pouvoirs publics sur le sujet, mais nous devons aussi faire notre part avec la réforme du CPS, qui n’est pas attractif. Comment peut-on encore proposer des CPS à 550 heures par an, sans cotisation pour la retraite? Il faut limiter les abus liés au CPS, corriger ces anomalies, et créer parallèlement un contrat à temps partiel annualisé (TPA), qui répond parfaitement aux besoins des entreprises en leur apportant la flexibilité dont elles ont besoin pour organiser leur activité, et serait plus attractif pour les salariés, avec un nombre d’heures travaillées plus important.

BCC: En cette période de campagne électorale, l’autocar semble être devenu la bête noire des maires sortants et des candidats. Comment remettre un peu de bon sens dans les débats?

J.-S. B.: On observe des approches dogmatiques et parfois un peu simplistes, comme s’il suffisait d’interdire la circulation des autocars en ville pour réduire la pollution. Mais c’est le cas dans toutes les campagnes électorales, qui nécessitent des slogans accrocheurs pour marquer l’opinion. La FNTV va publier sa position sur la question des transports et de la mobilité, en rappelant les atouts de l’autocar, et en proposant des pistes de solutions pour que l’autocar conserve la place qui est la sienne dans les villes. Nous consacrerons un focus particulier à la Ville de Paris et l’agglomération francilienne.

Je veux également souligner le fait que nous allons signer, dans les prochaines semaines, un contrat-cadre de transition énergétique avec l’État. Nous souhaitons que l’État se porte garant d’un calendrier réaliste, qui tienne compte de l’offre existante de matériel roulant. Il n’y a pas de véritable offre alternative à l’Euro 6, particulièrement pour le tourisme. Avec la création des Zones à faible émission (ZFE), les collectivités locales ont des outils pour réglementer la circulation. Nous attendons maintenant que l’État mette la pression sur les industriels. L’État a beaucoup fait avec le maintien du suramortissement, mais il faut accélérer le mouvement. Les constructeurs peuvent fournir 200 véhicules par an. À ce rythme, on n’est pas près de remplacer nos 70 000 autocars!

Nous avons également rencontré Karima Delli, présidente de la commission transport au Parlement européen, pour lui demander de soutenir la mise en place des dispositions similaires à ce qui existe dans le transport routier de marchandises, où les constructeurs doivent réduire les émissions.

Transfert de personnel: ce que dit la loi

L’article 158 alinéa 21 de la Loi d’orientation des mobilités définit le transfert de personnel en cas de changement d’exploitant.

Chapitre VII

> Transfert des contrats de travail des salariés en cas de changement d’exploitant d’un service ou d’une partie de service de transport public routier de voyageurs ou de transport public urbain de voyageurs

> Art. L. 3317-1.-Lorsque survient un changement d’exploitant d’un service ou d’une partie de service de transport public routier de voyageurs, à défaut d’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, tous les contrats de travail des salariés affectés exclusivement ou essentiellement au service ou à la partie de service transféré subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise dès lors qu’un accord de branche étendu est conclu.

> Cet accord peut être conclu uniquement dans la branche des transports routiers et des activités auxiliaires du transport ainsi que dans la branche des réseaux de transport public urbain de voyageurs.

L’accord de branche prévoit:

> 1° Les informations transmises aux salariés mentionnés au premier alinéa du présent article, désignés « salariés transférés », et à leurs représentants par leur employeur, désigné « cédant » et, le cas échéant, par le nouvel exploitant du service transféré désigné « cessionnaire » durant les différentes phases d’attribution du contrat de service public;

> 2° Les modalités selon lesquelles les informations mentionnées au 1° sont transmises;

> 3° Les modalités d’accompagnement individuel et collectif mises en place pour les salariés transférés;

> 4° Le devenir des stipulations conventionnelles de l’entreprise cédante aux salariés transférés;

> 5° Les conditions de maintien de la rémunération des salariés transférés, leur niveau de rémunération ne pouvant être inférieur au montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, correspondant à l’ensemble des éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, à l’exception du 6° du II du même article L. 242-1, versés en application des conventions ou accords mis en cause et de leur contrat de travail lors des douze mois précédant la date de changement d’employeur;

> 6° Les autres garanties dont bénéficient les salariés transférés.

Pour l’application du 4° du présent article, l’accord peut prévoir:

a) soit le maintien des stipulations conventionnelles dans les conditions prévues aux premier et dernier alinéas de l’article L. 2261-14 du Code du travail;

b) soit, lorsque les salariés dont le contrat de travail est transféré proviennent de plusieurs entreprises, le maintien, pour tous les salariés, des seules stipulations conventionnelles de l’entreprise dont est issu le plus grand nombre de salariés transférés, selon les mêmes modalités et délais que ceux prévus aux mêmes premier et dernier alinéas;

c) Soit l’application au premier jour du transfert des stipulations conventionnelles de l’exploitant du service.

Convention avec les Régions

Lancée début 2019, la Charte des bonnes pratiques avec les Régions devrait être finalisée prochainement. Elle vise à définir les bonnes dispositions à prendre dans la préparation des appels d’offres, de façon à ce que les transporteurs locaux puissent répondre dans les meilleures conditions.

Vers un second mandat?

Élu en 2018, Jean-Sébastien Barrault entame sa dernière année de mandat à la tête de la FNTV. « J’ai le sentiment d’avoir enclenché un mouvement de mutation, de manière à ce que la FNTV soit en phase avec les changements en cours. La Fédération est aujourd’hui structurée pour aborder l’avenir. » Sera-t-il candidat à sa propre succession? « Il est encore trop tôt pour le dire… », rétorque Jean-Sébastien Barrault.

Pour la première fois en 2019, la FNTV avait son propre stand à Busworld. À la gauche de Jean-Sébastien Barrault: Paul Vidal, vice-président en charge des transports scolaires de la région Auvergne – Rhône-Alpes, et Michel Seyt, aujourd’hui président de Klesia, co-président de la FNTV Auvergne – Rhône-Alpes et ancien président de la FNTV.

Transition énergétique: préparation d’un contrat-cadre avec l’État

Une pause en 2021 et en 2022 dans la hausse de la fiscalité sur le gazole routier et un accompagnement à la transition énergétique du transport routier de marchandises et de voyageurs: ce sont les grandes lignes du contrat-cadre que les fédérations professionnelles et le secrétaire d’État aux Transports, Jean-Baptiste Djebbari, prévoient de signer prochainement. Acquiesçant à une proposition du patronat, le successeur d’Élisabeth Borne leur a promis, dans un courrier envoyé début décembre, ce moratoire sur la fiscalité du carburant (après une hausse de 2 centimes de la TICPE en 2020), et s’engage à définir avec les acteurs du secteur « un contrat de transition énergétique associant l’ensemble des filières » en particulier les constructeurs, les énergéticiens et les concessionnaires d’autoroute. Il s’agit de catalyser les actions de ces parties prenantes déjà entreprises (installation de station de recharge d’énergie alternative, etc.). Les grands axes ont été préparés par le patron de la DGITM, Marc Papinutti, et les services de la Direction de l’énergie et du climat (DGEC) du ministère de la Transition écologique. On imagine que ce plan va converger avec les orientations du Pacte vert pour l’Europe (le Green Deal), que la nouvelle présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen a présentées début décembre. L’Union européenne a l’ambition, avec ce plan de bataille, d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

M. F.

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Auteur

  • Sandrine Garnier
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