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Bus en stationnement percuté par un motard:

Le propriétaire du bus condamne a indemniser le motard!

Est-il possible que le propriétaire d’un bus, correctement stationné, ait à indemniser un motard qui l’a percuté suite à une perte de contrôle de sa moto, dû à une vitesse excessive? Autrement dit, est-il possible, alors que l’on n’est pas fautif, d’avoir à indemniser la victime d’un accident, elle-même fautive?

La réponse est « oui », comme le montre la mésaventure survenue à la société des voyages C. dont l’un des bus, qui était en stationnement, s’est vu percuter par un motard qui, roulant à une vitesse excessive et cherchant à éviter un autre véhicule, a perdu le contrôle de sa moto!

En effet, la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, prévoit qu’un accidenté de la route doit être indemnisé par le propriétaire du véhicule qui lui a causé le dommage, même si le véhicule en question n’est pas fautif, et même si la victime est elle-même fautive.

Dans ce dernier cas, néanmoins, le propriétaire du véhicule ayant causé le préjudice ne sera redevable que d’une partie de l’indemnisation du dommage.

Alors qu’il circulait à moto sur une route départementale, M. F. a été surpris par le freinage d’un véhicule Renault Laguna circulant devant lui, dans le même sens.

Cherchant à l’éviter, il a perdu le contrôle de sa moto, puis est entré en collision avec un bus de la société des voyages C. qui venait de s’immobiliser sur le bas-côté de la voie en sens inverse.

Le conducteur du véhicule Renault Laguna ne s’est pas arrêté et n’a pas été identifié.

Sérieusement blessé dans cet accident, M. F. a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse de demandes dirigées contre la société des voyages C. et l’assureur de cette dernière, Groupama Grand Est.

Le tribunal saisi a considéré que M. F. n’avait commis aucune faute susceptible de limiter ou d’exclure l’indemnisation du préjudice subi suite à cet accident de la circulation.

Pour lui, M. F. ne circulait pas à une vitesse excessive et rien ne démontrait qu’il ne respectait pas les distances réglementaires de sécurité au moment des faits.

Ainsi, il a retenu l’absence de faute de M. F. à l’origine de l’accident, et donc l’indemnisation intégrale de son préjudice par la société de voyage C. et son assureur.

Victime non fautive: indemnisation totale du préjudice

Groupama Grand Est et la société des voyages C. ont interjeté appel de ce jugement.

Grand bien leur en prit, puisque les juges d’appel vont accueillir leurs arguments et ne les condamner qu’au paiement de 50 % du préjudice subi par M. F.

Les juges ont commencé par confirmer que, comme l’avaient précisé les enquêteurs, il ne pouvait être tiré de conclusion de l’indication de la vitesse de 120 km/h sur le compteur de la moto pour en déduire que M. F. circulait à une telle vitesse lors de l’accident.

En effet, les dégâts qui ont été causés à la moto sont tels que cette indication, constatée sur le compteur de l’engin après l’accident, ne pouvait être fiable.

En revanche, ils ont jugé que l’instruction révélait que la vitesse du véhicule Laguna précédant la moto était largement excessive, à tel point que le chauffeur du bus a décidé de le stationner en urgence sur le bas-côté pour l’éviter, le voyant se déporter dans le virage avant de freiner brutalement.

M. F., surpris par ce freinage, a alors lui aussi freiné et perdu le contrôle de sa moto, partie en glissade.

Et c’est là que les juges d’appel vont se montrer plus sévères que les juges de première instance.

En effet, ils vont déduire de cette perte de contrôle un comportement fautif de la victime.

D’abord, les juges rappellent que le Code de la route fait obligation à tout conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l’état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.

Or, la vitesse excessive du véhicule automobile Laguna, à l’approche d’un virage que M. F. connaissait bien pour y passer tous les jours, lui permettait d’envisager des difficultés prévisibles de cette automobile pour aborder ce virage.

Par ailleurs, cette vitesse excessive, si lui-même avait maintenu une distance de sécurité suffisante avec l’automobile devant lui, aurait dû lui laisser le temps de freiner moins brutalement et d’éviter le déséquilibre et la chute de sa moto.

En outre, le maintien d’une distance de sécurité était d’autant plus nécessaire que les conditions de freinage d’une moto sont plus délicates que celles d’une automobile, particulièrement sur une chaussée humide, et que l’accident a eu lieu de nuit.

Victime fautive: indemnisation partielle du préjudice

Pour la cour, le déroulement de l’accident établit donc lui-même que M. F. n’avait pas laissé une distance suffisante vis-à-vis du véhicule Laguna qui roulait dangereusement, et qu’en tout état de cause, il n’avait pas su adapter sa conduite de façon à rester maître de sa moto face à un incident prévisible.

M. F. a donc commis une faute en lien direct avec l’accident, puisqu’elle a contribué à sa chute de moto.

La cour estime, en revanche, que la gravité de cette faute n’a pas pour effet d’exclure l’indemnisation du préjudice de M. F., mais seulement de la limiter à 50 % des dommages subis.

Victime ayant commis une faute inexcusable: pas d’indemnisation du préjudice

La faute de la victime a toujours pour effet de limiter ou d’exclure son indemnisation, quels que soient la nature de la faute ou l’âge de la victime.

Si la loi reste muette sur l’appréciation du degré d’exonération, la jurisprudence considère que pour qu’une victime soit totalement privée d’indemnisation, il faut que cette dernière ait commis une faute exceptionnellement grave et que cette dernière soit la cause exclusive de l’accident. Comme cela pourrait être le cas pour une tentative de suicide.

Dans tous les autres cas, le propriétaire innocent du véhicule ayant causé le dommage devra indemniser partiellement la victime fautive.

Cour d’appel de Colmar, 28 novembre 2019

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Auteur

  • Jacques Cheneau
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